Le média de l’Etat russe RT (ex-Russia Today) n’a pas manqué de relever les propos du PDG de la banque franco-américaine Lazard, Ken Jacobs, sur les crypto-monnaies, ou monnaies virtuelles de type Bitcoin. Pour Jacobs, l’utilisation par les Etats-Unis du statut de monnaie de réserve mondiale du dollar aux fins de sa politique étrangère et commerciale crée la tentation pour les autres pays de rechercher une alternative. Selon le banquier, la monnaie européenne et la monnaie chinoise ne sont pas encore prêtes pour offrir une telle alternative, mais les crypto-monnaies pourraient bientôt faire l’affaire. Dans l’émission Keiser Report, les journalistes de la chaîne russe revendiquent avoir défendu cette thèse depuis des années. Sur le site du journal anglais Telegraph, Ambrose Evans-Pritchard défend une thèse opposée en se basant sur un récent rapport de la Banque des règlements internationaux (BRI). Selon se rapport, les crypto-monnaies sont souvent des formes masquées de la fameuse pyramide financière de Ponzi, et elles peuvent toutes facilement s’écrouler du jour au lendemain ou au moins perdre une grande partie de leur valeur en cas d’éclatement de la bulle spéculative, comme c’est le cas depuis le début de l’année pour le Bitcoin.
Certaines monnaies virtuelles masquent des pyramides de Ponzi, d’autres plus sérieuses, comme le Bitcoin, présentent de nombreux inconvénients
Une crypto-monnaie n’a en effet aucune valeur intrinsèque et ne s’appuie pas sur les actifs et les revenus d’un Etat ou d’un groupe d’Etats. Ces crypto-monnaies se fondent sur la confiance de leurs utilisateurs en des protocoles et des systèmes d’échange décentralisés qui ne sont pas surveillés par les autorités monétaires. Cette confiance, selon la BRI, « peut se dissiper à tout moment en raison de la fragilité du consensus décentralisé par le biais duquel les transactions sont enregistrées. Une crypto-monnaie peut tout simplement cesser de fonctionner et perdre alors toute sa valeur. »
Un autre défaut des crypto-monnaies comme le Bitcoin, c’est la lenteur et le coût des transactions. Les transactions utilisent des techniques de blockchains, ou chaînes de blocs, pour la transmission et la validation des paiements. Chaque utilisateur peut participer avec ses ressources informatiques à la transmission de ces chaînes de bloc afin d’empocher des commissions en monnaie virtuelle. Le nombre de transactions pouvant être ajoutées à chaque seconde au registre décentralisé est beaucoup plus limité que pour les systèmes de paiement centralisé par carte bancaire ou avec Paypal : 3,30 transactions par seconde pour le Bitcoin et 3,18 pour l’Ether contre 241 pour Paypal, 2.061 pour Mastercard et 3.526 pour Visa. La conséquence, c’est qu’il est arrivé aux transactions en Bitcoins de coûter jusqu’à 48 dollars et de prendre plusieurs heures pour pouvoir être finalisées. L’autre inconvénient de ces crypto-monnaies qui s’appuient sur de vastes réseaux informatiques décentralisés, c’est encore, souligne Evans-Pritchard, qu’ils sont très consommateurs d’énergie. A lui seul, le Bitcoin consommerait déjà autant d’électricité qu’un pays comme la Suisse.
Contrairement à RT, les banques centrales ne voient pas les crypto-monnaies comme une alternative au dollar.
Le rapport de la BRI repris dans le Telegraph souligne encore la vulnérabilité des crypto-monnaies en termes de sécurité informatique. Il est en théorie possible, pour quelqu’un disposant de la puissance informatique nécessaire, de manipuler les transactions et de créer des registres parallèles frauduleux dans le but de subtiliser de la crypto-monnaie.
Mais puisque l’appartenance de RT à l’État russe a été soulignée en ce qui concerne la vision favorable aux monnaies virtuelles pour détrôner le dollar US, il importe de rappeler que les actionnaires de la Banque des règlements internationaux, à l’origine de ce rapport très critique des crypto-monnaies, sont les banques centrales auxquelles ces monnaies d’un nouveau type font concurrence.