Antony Blinken affirme à Pekin que l’administration des Etats-Unis « ne soutient pas l’indépendance de Taïwan »

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De passage par Pékin pour rencontrer Xi Jinping, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a proclamé de manière « inattendue » que « les Etats-Unis sont attachés au statu quo pour Taïwan » et que « l’administration Biden ne soutient pas l’indépendance de Taïwan », rapporte la presse internationale. Dans la foulée, Biden a traité Xi de « dictateur », au grand dam de la Maison Blanche qui a minimisé l’incident, mais cela ne change rien quant au fond.

Car même si Blinken a ajouté, lors d’une conférence de presse, que les Etats-Unis « demeurent opposés à toute modification unilatérale du statu quo », que ce soit par la Chine ou par les Etats-Unis, en soulignant que ces derniers continuent de s’engager à ce que l’ancienne Formose « ait la capacité de se défendre », il est clair que la politique américaine reste sur la ligne qui a été la sienne depuis que le général Tchang Kaï-chek – converti au christianisme – a dû se réfugier dans l’île chinoise avec son armée en 1949 devant l’avancée des troupes communistes de Mao, pour y proclamer la République de Chine.

 

L’« indépendance de Taïwan » lâchée à de multiples reprises par les Etats-Unis

Mais la « Chine nationaliste » a été rapidement lâchée par une grande partie du monde ; les relations diplomatiques formelles de Taïwan subsistent aujourd’hui avec douze (petits) pays seulement, ainsi que le Saint-Siège ; dès 1971, Taïwan était expulsée des Nations unies au profit de la Chine communiste et les Etats-Unis ont cultivé l’ambiguïté dans leurs relations. En 1972, Richard Nixon rencontrait Mao à Pékin dans le sillage d’une visite de Henry Kissinger en vue de « normaliser » les relations entre les deux pays ; en 1979, sous Carter, les USA retiraient toute reconnaissance diplomatique à Taïwan pour reconnaître uniquement le pouvoir communiste à Pékin. La suite – avec l’accord de la clause de la nation la plus favorisée à la Chine par les Etats-Unis, puis l’entrée de plain-pied de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001 – allait permettre à la Chine de se hisser progressivement sur le haut du podium des richesses et des échanges internationaux, tout en conservant la domination du parti communiste.

Cette Chine toujours communiste n’a jamais cessé de lorgner sur Taïwan, dont l’essor économique (avec d’importants échanges économiques avec les Etats-Unis) et la spécialisation dans la fabrication de puces électroniques en font un producteur stratégique.

Les Etats-Unis, qui avaient signé avec Taïwan un traité de défense mutuelle, ont longtemps été les garants formels de l’indépendance de l’île, mais dans le sillage de la reconnaissance de Pékin, Jimmy Carter mit unilatéralement fin à l’accord en 1980. Il existe depuis lors une loi américaine sur les relations avec Taïwan, mais rien n’y oblige les USA à offrir une assistance directe en cas d’invasion.

 

Antony Blinken dans le sillage de Kissinger, Nixon et Carter

La proclamation par Antony Blinken – qui est à bien des égards une réitération – du refus des Etats-Unis de soutenir « l’indépendance de Taïwan » s’inscrit ainsi dans une politique de longue date qui a vu les Etats-Unis soutenir les opposants au communisme, mais comme la corde soutient le pendu… Les Etats-Unis ont « permis », après la conférence de Yalta, et sa victoire sur les puissances de l’Axe en 1945, à l’Union soviétique de subsister et de couper l’Europe en deux en exerçant son pouvoir sur les pays de l’Est ; et même de couper l’Allemagne en deux (et Berlin en quatre…). En de nombreux endroits, malgré la domination et la puissance militaires américaines, des pays se sont retrouvés partagés au profit d’une présence communiste aberrante et durable – voir l’affaire de la Corée du Nord, où les troupes américaines se virent interdire de traverser le 38e parallèle vers le Nord, celle de l’enclave de Kaliningrad entre la Pologne et la Lituanie. Une division similaire du Vietnam à la fin de la Seconde Guerre mondiale devait se résoudre par la victoire communiste en 1975. La haute finance et la politique américaines ont décidément beaucoup soutenu la révolution bolchevique puis le communisme installé…

On ne le dit pas assez : le communisme a été porté à bout de bras par des forces mondialistes qui ont en même temps joué contre les intérêts fondamentaux et la liberté véritable de l’Occident, en maintenant une tension dialectique dont on voit une illustration particulièrement vivace dans les « en même temps » d’un Emmanuel Macron. Au fond, rien n’a changé…

 

Blinken, mal reçu à Pekin, a fait une démonstration de faiblesse

Avant de faire sa déclaration sur Taïwan, Blinken avait été d’abord humilié par le biais d’une réception très peu solennelle à l’aéroport de Pékin, par l’annonce une heure seulement avant la rencontre que Xi Jinping acceptait de le recevoir, et par une mise en scène de la réception dont les leaders communistes ont le secret : Blinken se retrouva sur le côté d’une table présidée par Xi qui en quelque sorte pouvait ainsi lui faire la leçon. En 2018, son homologue Marc Pompeo avait eu une rencontre plus « égalitaire », puisque lui et Xi avaient été placés de part et d’autre d’une table basse dans des fauteuils identiques.

Peter Navarro, conseiller commercial de l’administration Trump, a déclaré à The Epoch Times y voir un « gros coup de propagande du dictateur Xi Jinping » ; le républicain Mike Gallagher affirmait de son côté que « les diplomates de la RPC [République populaire de Chine] ont dit au secrétaire d’Etat Blinken que les Etats-Unis devaient choisir entre la coopération avec la Chine et le conflit ».

Ce n’est pas un hasard si, quelques minutes avant la conférence de presse au cours de laquelle Blinken confirmait que l’indépendance de Taïwan ne serait pas – en quelque sorte – un casus belli pour l’administration Biden, son ancien homologue chinois Wang Yi, haut gradé du parti communiste chinois et plus haut responsable de la politique étrangère du pays, faisait publier un communiqué pour dire que « les Etats-Unis doivent… respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine et s’opposer à “l’indépendance du Taïwan” ».

Les déclarations de Blinken semblent avoir rassuré la Chine, puisque selon le ministère taïwanais de la défense, 19 avions militaires chinois, dont un chasseur anti-sous-marins et un aéronef de guerre électronique ainsi que cinq navires militaires ont été aperçus dès mardi au sud-ouest de l’île. Cela faisait un moment qu’on n’en avait pas vu autant.

Mais pourquoi se gêner ?

 

Anne Dolhein