British Airways : le casse-tête de l’uniforme non-binaire

British Airways uniforme non-binaire
 

Fin septembre, la compagnie aérienne britannique British Airways a enfin présenté son nouvel uniforme (l’ancien datait du siècle dernier !), avec quatre ans de retard – et la collection n’est pas tout à fait complète. La cause de ce retard est d’abord le covid, qui a compliqué le transport aérien, pesé sur les comptes, et remis à plus tard les questions d’élégance. Mais c’est le projet même de la direction qui s’est révélé à l’usage un casse-tête. Il s’agissait « d’ouvrir un nouveau chapitre de la compagnie » et d’ouvrir l’uniforme au « non-binaire », c’est-à-dire, à côté des jupes, robes, pantalons, gilets et vestes, de concevoir une combinaison non genrée. Or la réaction de beaucoup d’employées a été terrible : « androgyne », « attaque contre les femmes », etc. Bref, British Airways a dû revoir sa copie…

 

British Airways à fond dans le non-binaire

La volonté de British Airways de promouvoir la révolution arc-en-ciel n’est pas neuve. L’an dernier, elle a ainsi autorisé ses pilotes masculins et ses stewards à porter des sacs à main et à se maquiller. Pour mener sa révolution de genre, la direction a demandé au tailleur-styliste Ozwald Boateng de dessiner le nouvel uniforme. Le choix est subtil. L’homme a un profil atypique dans la profession : noir, d’origine ghanéenne, hétérosexuel, autodidacte, révélé à Paris, nommé chez Givenchy par Bernard Arnault, voilà de quoi brouiller les pistes. Mais sa collection n’a pas convaincu : bien sûr, les stewards qui aiment se travestir ont enfilé une robe et mis des talons hauts, mais il n’y avait pas besoin d’un nouvel uniforme pour cela.

 

Non-binaire, non-genré, unisex, un vrai casse-tête !

Quant à la combinaison décrétée « non-binaire » qui devait « marquer une nouvelle ère », c’est une chose qui recouvre tout le corps à l’exception de la tête, comme toutes les combinaisons, tout de même mieux qu’un sac à patates, mais sans chic particulier, décrite comme « cheap » (pas cher, bas de gamme) par ses utilisatrices, ou « délibérément androgyne ». Ce dernier qualificatif n’est pas faux mais un peu inconsidéré : elle a été conçue pour cela ! Car, une fois la fumée de la propagande arc-en-ciel dissipée, que peut vouloir dire « non-binaire » ou « non-genré » en matière de vêtement ? Si l’on accuse (c’est le socle de la théorie) les conventions sociales de produire et représenter le genre, comment demander aux conventions sociales de produire et représenter quelque chose qu’on va baptiser non-genre ?

 

Sous l’uniforme, l’imposture d’une pensée

Le pauvre Ozwald Boateng, avec toute sa bonne volonté et toute son « agilité » professionnelle, sa compétence, son adresse, n’en peut mais ; il a été pris dans cette contradiction fondatrice. Ce qui se conçoit mal se dit confusément et l’objet qui en naît survient tardivement. La question s’était déjà posée au début des années soixante-dix à ceux qui prétendaient libérer la femme par la mode : ç’avait été la mode « Unisex » censée convenir aux hommes comme aux femmes, soumettant de fait les femmes à l’habit masculin. C’était en outre une belle hypocrisie doublées d’une imposture : les beautés qui avaient de quoi se payer des pantalons bien coupés étalaient leur féminité sans beaucoup de décence, ce qui avait au moins pour mérite de manifester la fausseté de la théorie du genre : celui-ci dépend évidemment de la seule nature.

 

Pauline Mille