Bruxelles et les retombées de la crise

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Le ministre grec des finances, Euclide Tsakalotos, le 18 janvier 2016.

 
C’est un peu l’histoire de l’arroseur arrosé. La Commission européenne a lancé mercredi une procédure pour « isoler la Grèce », estimant que ce pays avait « sérieusement négligé ses obligations », spécialement dans l’actuelle crise migratoire. Dans le même temps, une commission d’enquête du parlement irlandais, qui depuis quinze mois se penchait sur la crise bancaire, a rendu des conclusions impliquant négativement la fameuse troïka, composée du FMI, de la Banque Centrale européenne et de la Commission européenne. Les retombées sur Bruxelles ressemblent – on l’imagine aisément – à un boomerang…
 
Malgré tout ce qu’elle a accepté de couleuvres depuis l’élection (et la réélection) d’Alexis Tsipras, la Grèce va-t-elle finir au ban de l’Union européenne ? En l’occurrence, Bruxelles ne parle pas économie à Athènes, mais crise migratoire, et voudrait l’obliger à surveiller par ses propres moyens les deux cents kilomètres de frontière maritime qui la séparent de la Turquie. Un chantage au portefeuille pour contraindre davantage encore la Grèce à s’aligner sur le « la » donné – notamment – par Berlin.
 

Bruxelles contre Athènes

 
« Il ressort du rapport qu’il y a de graves lacunes dans la façon dont la Grèce gère les frontières extérieures », affirme ainsi doctement le commissaire européen aux Affaires intérieures et à la Migration, Dimitris Avramopoulos – un commissaire qui prouve, s’il en était besoin, combien l’Union européenne – ne serait-il pas temps de le comprendre, Manuel Valls ? – est une machine à construire des apatrides. Car, bien sûr, le commissaire qui gronde si fortement contre la Grèce est… grec !
 
On peut lancer un ultimatum à la Grèce, la traiter comme un bouc émissaire. Mais les technocrates de Bruxelles, tout juste bons à critiquer, mais jamais à construire une politique qui tiennent la route, pourraient-ils nous expliquer ce qu’Athènes devraient faire, alors qu’ils sont, eux, responsables de la situation ?
 
Il est d’ailleurs bien beau de critiquer ainsi les Etats-membres de l’Union européenne en les laissant se dépatouiller. Mais la politique est un boomerang : une commission d’enquête parlementaire irlandaise sur la crise bancaire vient ainsi de dénoncer le rôle de Bruxelles à son encontre, et plus précisément de la Banque Centrale européenne qui aurait utilisé pas moins que des menaces contre deux de ses gouvernements successifs.
 

Les retombées de la crise bancaire

 
Certes, le rapport de ladite commission ne ménage pas pour autant l’exécutif irlandais. Mais, note néanmoins le rapporteur de la Commission, le député travailliste Ciáran Lynch, la Banque Centrale européenne a placé le gouvernement sous une pression excessive pour entrer dans le programme et a aussi insisté pour qu’il n’y ait pas de partage des charges avec les créanciers bancaires ».
 
« Pour toutes ces actions, conclut-il, le peuple irlandais a payé – et paie encore – un prix élevé. »
 
Et le rapport le dit très nettement dans sa conclusion : « La position de la Banque Centrale européenne en novembre 2010 et en mars 2011 sur l’imposition des pertes aux créanciers séniors a contribué à transférer de façon inappropriée la charge d’importantes dettes bancaires sur le citoyen irlandais. »
 
Dont acte.
 

La colère de Matteo Renzi

 
Ce qui est frappant, c’est que Bruxelles ne semble pas apprendre de ses erreurs, ou même s’intéresser à ce que pensent les Etats-membres. Ainsi, à en croire le quotidien italien La Repubblica, Matteo Renzi, le premier ministre italien, n’a pas hésité à critiquer Angela Merkel sur sa façon de gérer l’actuelle crise migratoire. « Si l’on cherche une stratégie commune sur le thème des migrants, il n’est pas possible d’appeler d’abord Hollande, puis Juncker, et faire de telle sorte que j’apprenne les choses dans les journaux », a-t-il lancé.
 
Le procédé est, il est vrai, cavalier…
 
Mais quand donc tous ces gens comprendront-ils que Bruxelles se moque de leurs états d’âme ?
 

François le Luc