Au Canada, on pense au handicap ou à la pauvreté comme critères d’euthanasie

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La salle Paul VI au Vatican

 

Certains peuples avancent encore plus vite que leurs dirigeants. Ces derniers les ayant bien travaillés depuis des décennies, il ne leur reste plus qu’à se pencher pour ramasser les fruits pourris de leur œuvre de sape et prétendre qu’ils sont issus du cœur populaire même – et c’est assurément démocratique. On peut le craindre pour le Canada où un récent sondage dévoile une vision terrifiante de l’euthanasie, peut-être celle de demain. Handicap, pauvreté… de nouveaux critères pour se donner la mort, en toute liberté. De nouveaux critères pour faire se tuer, en toute légalité, sans que personne n’en porte la moindre responsabilité (au moins administrative), les personnes vulnérables – celles que la société a pourtant le devoir majeur de protéger.

 

Un sondage qui en dit long

Le sondage réalisé en ligne par Research Co, du 22 au 24 avril 2023, est riche de plusieurs enseignements. D’abord une grande majorité des Canadiens, 73 %, est définitivement favorable à la législation nationale sur l’euthanasie, pourtant qualifiée de la plus radicale au monde. De ce qui avait été présenté comme une solution pour les personnes atteintes d’une maladie en phase terminale souffrant de douleurs insupportables, on est passé à un système de suicide « assisté » auquel de plus en plus de personnes peuvent prétendre. Mais ça n’a pas l’air de les embarrasser.

Pire, plus d’un Canadien sur quatre autoriserait l’euthanasie pour les sans-abri (28 %) et pour les pauvres (27 %). Encore pire, le sondage a montré que 50 % des Canadiens autoriseraient l’euthanasie pour les personnes qui n’ont pas pu accéder à un traitement médical et 51 % pour les personnes handicapées. Et en ce qui concerne l’euthanasie pour tous, sans aucun critère ? Un Canadien sur cinq pense qu’elle devrait toujours être autorisée, peu importe qui la demande.

Ce qui est très notable, c’est que certains de ces pourcentages s’accroissent lorsqu’on réduit la tranche d’âge aux 18 à 34 ans : 41 % de ces jeunes adultes sont d’accord ou tout à fait d’accord pour dire que la pauvreté et l’itinérance devraient rendre les Canadiens admissibles à l’euthanasie. Ce sont ces jeunes qui, bientôt, dirigeront le pays.

 

Les chiffres de l’euthanasie au Canada

Ainsi va le sens terrifiant du vent, dans une société parfaitement déboussolée, bien déchristianisée et largement docile à toutes les formes de progressisme ambiant.

Les chiffres du programme Medical Aid in Dying, MAID (AMM pour l’acronyme en français), sont pourtant déjà immenses. À la fin 2022, selon les propres archives du gouvernement, plus de 30.000 personnes avaient été tuées par des médecins. Et ce sont les chiffres officiels, car les dossiers médicaux d’euthanasie sont notablement obscurcis et falsifiés, la cause réelle de la mort disparaissant souvent au profit d’une pathologie.

D’autre part, l’inflation est criante : + 32,4 % en 2021. Comparons avec la Californie, Etat démographiquement comparable au Canada (40 millions d’habitants) : 486 personnes y sont décédées par suicide assisté en 2021 quand la même année, 10.064 personnes sont décédées via l’AMM au Canada, soit 3,3 % des décès – une proportion qui monte à 5 % dans certaines régions.

 

Un rythme de hors-bord

Et le gouvernement ne s’arrête pas de travailler sur le sujet, proposant année après année de nouveaux assouplissements, de nouvelles dérogations – de nouvelles victimes. Depuis que l’euthanasie y a été légalisée en 2016, le rythme est moins celui d’un bateau de croisière que celui d’un hors-bord. Les cadres n’ont pas mis longtemps à être dépassés et brisés.

Initialement permise pour les adultes informés et consentants considérés comme ayant une « maladie grave et incurable » dont le décès est « raisonnablement prévisible », elle a connu moult élargissements en l’espace seulement de cinq ans. La loi C-7, votée en mars 2021, a retiré ce critère de « mort naturelle rationnellement prévisible » ouvrant donc l’accès à l’AMM en dehors de circonstances de fin de vie. Et a passablement érodé les garanties de départ, comme la présence de deux témoins indépendants (il n’en faut plus qu’un), la capacité de retirer la demande à tout moment et le délai de réflexion obligatoire (tous deux disparus).

Pire, la capacité de jugement des personnes ne semble plus de mise, puisque l’AMM sera proposée dans moins d’un an, en mars 2024, aux personnes souffrant de maladies mentales et qu’un récent rapport parlementaire a demandé, en février, qu’elle soit étendue aux « mineurs matures », c’est-à-dire à tout enfant qui ait la « capacité de décision requise ». Et ce, sans nécessité de consultation des parents ou tuteurs ! La question d’ouvrir le droit à l’AMM pour les nouveaux-nés dont la mort est évidement inévitable, est également en discussion…

 

La pauvreté, le handicap comme futurs nouveaux critères ?

Il y a quelque chose de terriblement ironique à voir des gouvernements élaborer des programmes de prévention du suicide à destination des populations, en état de faiblesse, pour lesquelles ils pourraient bientôt proposer (et le font pour certaines) des disparitions planifiées. Qui aura droit à quoi ? Qui étreint mieux étouffe sans doute.

En 2022, trois experts des droits de l’homme des Nations unies avaient déjà émis un rapport selon lequel la loi canadienne sur l’euthanasie semblait violer la Déclaration universelle des droits de l’homme : « L’aide médicale à mourir ne doit pas être considérée comme une alternative rentable à la fourniture d’assistance personnelle et de services aux personnes handicapées, en particulier celles qui ont des besoins de soutien élevés. »

Mais le gouvernement détourne pudiquement les yeux et accélère. Mieux vaut mourir que de vivre avec un handicap, c’est bien pourtant ce que cela signifie. Et bientôt peut-être, mieux vaudra mourir que d’être pauvre ou SDF. La culture de mort progresse sous le masque de la pseudo-liberté individuelle – et son rictus est diabolique.

 

Clémentine Jallais