A la CDF, le cardinal Coccopalmerio recommandait l’indulgence à l’égard des prêtres prédateurs sexuels

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Un nouvel essai dû à la plume de Benjamin Leven, théologien et éditorialiste allemand, s’intéresse au rôle joué par le cardinal Francesco Coccopalmerio dans la mise en place d’une politique d’indulgence au sein de la Congrégation pour la Doctrine de la foi (CDF) à l’égard des prêtres convaincus d’agressions sexuelles. L’essai est à paraître dans le numéro d’octobre de la revue allemande Herder Korrespondenz, et il est le fruit des recherches de Benjamin Leven qui vit à Rome et possède de bons contacts au sein de la Curie. S’intéressant plus largement au rôle joué par le pape François dans l’occultation ou la levée de sanctions à l’égard de prêtres prédateurs sexuels, l’auteur met en évidence certaines démarches attribuées au cardinal, et qui ont manifestement été suivies d’effet.
 
Citant des sources vaticanes, Leven rappelle par exemple l’affaire de Don Mauro Inzoli, le tristement célèbre « don Mercedes » connu pour son amour des voitures de luxe et ses prédations sexuelles sur des garçons à peine âgés de 12 ans, jusque dans le confessionnal : le prêtre italien avait été soumis à des sanctions canoniques que le pape François s’est empressé de lever. L’ecclésiastique avait été condamné, suspens a divinis par un tribunal ecclésiastique en 2012. Contre l’avis et les mises en garde du cardinal Müller, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, François a permis à Inzoli de reprendre ses fonctions sacerdotales en 2014, notamment en raison de l’insistance des amis de ce dernier, Mgr Vito Pinto et le cardinal Coccopalmerio, président du Conseil pontifical pour les textes législatifs et membre de la CDF depuis 2010.
 

L’indulgence à l’égard des prêtres prédateurs sexuels soufflée au pape par un cardinal au jeu trouble

 
Depuis lors, Inzoli, qui avait reçu l’ordre de ne pas approcher les jeunes, a participé à une conférence sur la famille en Lombardie en 2015 (mais oui !) avant d’être rattrapé par son passé qui lui a valu une condamnation pénale devant la justice italienne pour agressions sur mineurs. Tout cela n’a pas empêché le cardinal Coccopalmerio d’être nommé en 2015 par le pape François membre d’un nouveau bureau de la CDF chargé d’examiner les appels de prêtres accusés d’abus sexuels. Dans son témoignage publié fin août, Mgr Carlo Maria Viganò désignait Coccopalmerio comme faisant partie du lobby homosexualiste au Vatican. Le cardinal venait de présenter sa démission au pape François quelques mois plus tôt, en avril, démission acceptée de la part de cet homme de 80 ans, et qui n’a rien d’une disgrâce.
 
Dans son récit, Benjamin Leven raconte l’abominable orgie « slam » – sexe gay et cocaïne – qui s’est déroulée dans un appartement situé dans le palais du Saint-Office loué à l’époque par Mgr Luigi Capozzi, secrétaire du cardinal Coccopalmerio. Il confirme en passant que c’est bien le pape François qui est intervenu pour que Capozzi se voie attribuer cet appartement pourtant « destiné à un autre collaborateur » de la CDF, ajoutant que plusieurs mises en garde à propos du personnage avaient été faites auprès du pape qui n’en avait pas tenu compte.
 

A la CDF, le cardinal Coccopalmerio récusait la peine de réduction à l’état laïque

 
Leven souligne également que le cardinal Coccopalmerio lui-même s’affirmait en général « contre la réduction à l’état laïque » des prêtres méritant une punition. « Ce cardinal de Curie voyait dans cette réduction à l’état laïc une sorte de “peine de mort” pour le prêtre. » Peine qui est, nous le savons depuis la modification du Catéchisme de l’Eglise catholique par le pape François, « inadmissible ».
 
Selon Benjamin Leven, c’est une position défendue par le cardinal Coccopalmerio depuis le moment où il est entré à la CDF en 2010. Celle-ci dispose depuis 2001 de l’autorité judiciaire en vue de l’examen des affaires d’abus sexuels, rappelle l’auteur, ajoutant que Coccopalmerio « proposait régulièrement des sanctions légères » dans les dossiers dont il avait à connaître.
 
Alors que le cardinal Müller a déclaré récemment à LifeSiteNewsque certains « confidents du pape » estimaient qu’il faisait preuve de « manque de miséricorde » en traitant des affaires d’abus sexuels à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, ces réflexions de Benjamin Leven laissent à penser que le cardinal Coccopalmerio lui-même a bien pu résister à son confrère allemand, dont on a aujourd’hui tout lieu de croire qu’il a été chassé de son poste de préfet en raison de sa sévérité et de son intransigeance dans ses dossiers.
 
Müller a expliqué à LifeSite qu’« un certain groupe de personnes accusait la Congrégation de faire preuve de trop de sévérité et d’un manque de miséricorde en matière de procès canoniques, notamment en ce qui concerne les punitions imposées. Seuls 20 % étaient frappés d’une réduction à l’état laïc, le reste se voyait infliger d’autres punitions, mais c’en était déjà trop pour certains confidents du pape », disait le cardinal allemand en qualifiant ceux-ci de Papsteinflüsterer. C’est-à-dire : des hommes qui murmurent à l’oreille du pape.
 
On n’en a pas la certitude mais le cardinal Coccopalmerio semble décidément taillé pour le rôle.
 

Des orgies gays du secrétaire de Coccopalmerio à l’action contre les ecclésiastiques chargés de l’examen des dossiers d’abus sexuels

 
Mais il y a plus grave encore, puisque tout cela renforce l’impression que nous avons affaire à un pape qui refuse d’agir contre certains prédateurs sexuels, voire qui les protège.
 
Selon Benjamin Leven, c’est du fait d’une intervention du pape que plusieurs prêtres travaillant au département disciplinaire de la CDF chargés de cas d’abus sexuels ont été jetés dehors – chose dont s’était vivement plaint le cardinal Müller avant d’être lui-même viré de manière abrupte. Il ajoute que, selon ses sources, ces postes sont restées vacants depuis.
 
Benjamin Leven révèle également que c’est le pape lui-même qui a mis fin au projet de « mettre en place une cour criminelle permanente » chargée de juger les évêques soupçonnés d’être impliqués eux-mêmes dans des affaires d’abus sexuels. Il se trouve en effet que la CDF n’a pas juridiction sur les évêques : « Pour ce qui les concerne, c’est le pape lui-même qui est juge. » Et c’est donc François qui selon l’éditorialiste allemand a décidé de « laisser tomber » le projet d’organe judiciaire spécifique.
 
L’auteur en tire cette conclusion : « Il semble que nous soyons devant une situation ambivalente : le pape affronte le problème, il est également capable d’intervenir, et il rencontre régulièrement des victimes d’abus. Mais dans le même temps, il détourne le regard dans des cas spécifiques et se montre imperméable aux conseils. »
 
Au fond, c’est la marque de notre temps et plus encore de ce pontificat : la marque de la confusion et même des contradictions qui chez certains, finissent même par annihiler le sens critique plus que jamais nécessaire.
 

Jeanne Smits