Cessez-le-feu en Syrie : alliée à la Turquie, la Russie de Poutine humilie Obama en avançant vers la paix

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La Russie garde plus que jamais la main dans le conflit syrien. Les gouvernements russe et turc ont annoncé qu’ils avaient négocié un cessez-le-feu, qui devrait selon eux ouvrir la voie à un accord de paix entre le gouvernement légal de la Syrie et plusieurs groupes rebelles. Les armes devaient se taire à 23 h 00 heure de Paris le 29 décembre. C’est une nouvelle victoire diplomatique pour Vladimir Poutine qui, en s’appuyant sur son offensive militaire et sur le Turc Erdogan, a magistralement marginalisé et ridiculisé la diplomatie sinueuse de Barack Obama pour qui cette nouvelle étape devrait signer l’ultime échec diplomatique de son second mandat avant l’intronisation de Trump.
 
« Un énorme travail a été réalisé conjointement avec nos partenaires turcs », a déclaré le président russe Vladimir Poutine lors d’une déclaration télévisée, entouré de ses ministres des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, et de la Défense, Serguei Chouigou. Trois documents ont été signés, a précisé le président russe : un accord entre le gouvernement syrien et l’opposition armée pour un cessez-le-feu, des mesures de contrôle de cet accord, et un texte fixant les modalités de négociations de paix. Le gouvernement russe a fait savoir que Poutine et le président turc Erdogan avaient eu une conversation téléphonique afin d’évoquer à la fois la trêve et les négociations de paix prévues dans la capitale du Kazakhstan, Astana.
 

Obama ignoré, Trump invité

 
Ultime humiliation pour Barack Obama, Serguei Lavrov a fait savoir que, même si les Etats-Unis n’avaient joué aucun rôle dans l’élaboration de cet accord, le futur gouvernement de Donald Trump serait le bienvenu pour se joindre au processus de paix, une fois installé.
 
Cette avancée est d’autant plus remarquable que, comme l’a fait savoir l’agence officielle syrienne SANA, l’Etat islamique et le Front al-Nosra renommé Fateh al-Sham, « ainsi que les groupes qui leur sont affiliés », ne sont pas partie prenantes de l’accord. La diplomatie russe et son alliée turque ont donc réussi à lancer le processus de normalisation en excluant les affidés du Qatar mais en incluant cette « opposition démocratique » laquelle a toujours été soutenue par Obama – comme par la France – au risque de voir les armes qui leur étaient livrées passer aux mains des islamo-terroristes. L’Armée syrienne libre, continûment soutenue par Washington, a souligné qu’elle avait signé cet accord… dont Washington est notoirement absent.
 

La Russie et la Turquie agencent un cessez-le-feu en Syrie

 
L’échec de la diplomatie d’Obama sera d’autant plus patent que le cessez-le-feu sera respecté. Les précédentes tentatives menées par les Etats-Unis et la Russie en février puis en septembre ont toutes deux échoué, la dernière ne tenant qu’une semaine. Pire, Obama est fortement soupçonné d’avoir soutenu en sous-main les tortionnaires de l’Etat islamique. Erdogan a affirmé détenir des preuves photographiques de ce soutien militaire, assertion vivement démentie par Washington. Mais lors d’une intervention à Harvard en 2014, le vice-président américain Joe Biden avait admis qu’il « n’y a pas d’opposition modérée » au régime d’Assad. En 2012, l’Agence de défense américaine avait clairement posé comme admissible l’hypothèse « d’un Etat fondamentaliste islamique à l’est de la Syrie ».
 

Poutine en passe de régler un conflit largement international

 
L’agence SANA a cité des militaires syriens estimant que la cessation globale des hostilités « suivait des victoires et des progrès » des forces armées loyalistes. Mais cette évolution, positive pour le régime, n’en masque pas moins quelques aspects préoccupants. Comme l’a relevé un reportage de Fox News, les milices chiites du Hezbollah, venues depuis le Liban épauler l’alaouite Assad, ne semblent pas près de se retirer. Ses dirigeants justifient leur maintien au-delà d’une cessation des hostilités par leur volonté de prévenir des attaques extrémistes au Liban même. Le Hezbollah a envoyé des centaines d’officiers en Syrie pour soutenir Assad et a joué un rôle clé dans la guerre depuis 2013, en particulier dans les zones occidentales proches du Liban.
 
Si la paix revient, la Russie aura réussi une opération diplomatique d’envergure mondiale puisque le conflit est largement internationalisé. Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid al-Moallem estime que des combattants venus de 80 pays ont participé à l’insurrection contre le gouvernement légal d’Assad, tandis que ce dernier est soutenu par des hommes venus de nombreux pays parmi lesquels le Liban, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan et, bien sûr, la Russie. Qui, si tout évolue comme souhaité, détiendra la légitimité pour pérenniser sa présence militaire, navale et aérienne en Syrie, clé de la Méditerranée orientale.
 

Matthieur Lenoir