Les parents de Charlie Gard se seront battus jusqu’au bout – mais l’hôpital Great Ormond Street aussi. Après que leur décision a été prise de laisser partir, in fine, leur petit garçon de 11 mois, il ne leur a pas été accordé leur ultime requête : celle de voir leur fils mourir dans son propre lit, chez lui, chez eux. « L’acharnement thanatologique » dénoncé début juillet par le cardinal Elio Sgreccia, ancien président de l’Académie pontificale pour la vie, et l’acharnement à conserver jusqu’à la fin le pouvoir décisionnel, en dépit des différentes volontés et opinions des parents, trouvent ici leur « consécration », leur totalitaire aboutissement.
La médiatisation de ce cas emblématique aura au moins montré le peu de cas qui est fait, de plus en plus, des droits parentaux essentiels et premiers.
Charlie Gard ne rentrera pas à la maison
C’est à l’hospice que le petit Charlie Gard mourra et quelques heures seulement, qui plus est, après y être rentré, a décidé jeudi 27 juillet la Haute Cour de Londres, sur les « conseils » des médecins. Son aide respiratoire lui sera retirée, après la mise en route des soins palliatifs.
« Nous n’avons eu aucun contrôle sur sa vie et aucun contrôle sur sa mort » ont déclaré ses parents, Chris Gard et ConnieYates, qui avaient d’abord réclamé une mort sereine chez eux, ou au moins, si elle devait avoir lieu ailleurs, plusieurs jours de délai, « pas d’hôpital, pas d’avocats, pas de tribunaux, pas de médias – juste du temps de qualité avec Charlie loin de tout pour lui dire au revoir ».
Mais l’hôpital Great Ormond Street a encore une fois jugé que ce n’était « pas dans l’intérêt de l’enfant ». Ni de mourir chez lui, « en raison de la difficulté de fournir une ventilation invasive à domicile et d’un certain nombre de problèmes potentiels »… Ni de vivre quelque jours supplémentaires, pour permettre à ses parents – et à ce tout petit bonhomme qui comprend sans doute plus qu’on ne le pense – de se préparer. Et la justice s’est rangée à ses côtés.
Le cynisme de l’hôpital
Great Ormond Street Hospital a eu beau jeu de louer la décision « courageuse » des parents… Quel cynisme. Pour que l’enfant puisse rentrer chez lui, il les avait mis en demeure de dénicher en quelques jours une équipe de soins intensifs pédiatriques qui pourrait s’occuper, chez eux, 24 heures sur 24, du petit garçon.
Une barre étonnamment très haute pour un établissement qui a refusé d’autres soins pendant des mois, a lutté jusque devant les tribunaux pour interdire aux parents d’emmener leur fils aux États-Unis tenter un ultime traitement…
D’ailleurs, Chris Gard et ConnieYates n’ont pas manqué de condamner amèrement les médecins, lundi, après avoir pris leur douloureuse décision. « Nous avions une chance, mais nous n’étions pas autorisés ». De fait, l’établissement n’a pas voulu de cette chance. Et en laissant traîner l’affaire pendant ces huit mois, ils ont condamné sinon accéléré la mort de cet enfant qui aurait pu bénéficier d’un traitement expérimental, un traitement qu’ils avaient jugé « futile ».
En janvier, les parents pouvaient encore, peut-être, obtenir une amélioration
A la mi-juillet, le préconisateur de ce traitement, le Dr. Michio Hirano, l’un des principaux experts mondiaux sur la maladie mitochondriale dont souffre le petit Charlie Gard, était venu examiner l’enfant, accompagné d’un médecin d’un hôpital du Vatican. Il avait pu examiner directement des IRM et des EEG (électroencéphalographies) du cerveau datant de janvier et d’avril, alors que jusque-là il n’avait eu accès qu’à des rapports de l’hôpital qui n’évoquait que des « dommages irréversibles ».
Les deux médecins, ainsi que d’autres neurologues pédiatriques de renommée internationale, ont confirmé que ces données brutes montraient une situation « considérablement meilleure », et ne présentaient aucune preuve réelle de lésions cérébrales irréversibles. Charlie avait une fonction cérébrale quasi normale en janvier et l’état de ses muscles était encore correct, bien que beaucoup moins bon que ceux d’un enfant de son âge. L’expert a estimé qu’il y avait alors « 11 à 56 % de chances d’amélioration cliniquement significative » dans la fonction musculaire avec le traitement proposé.
Seulement, les mois passés ont eu raison de cet état de grâce et l’IRM musculaire récente a montré une détérioration flagrante et en grande partie irréversible, au point que le traitement n’était plus possible. « On nous a dit maintes et maintes fois que Charlie a une « maladie progressive », mais plutôt que de lui permettre un traitement avec un médicament largement connu pour ne pas provoquer d’effets secondaires, Charlie a été laissé avec sa maladie qui l’a détérioré, malheureusement, jusqu’au point de non-retour ».
La mort, comme prévu, et vite
Comme en témoigne un document du 13 juillet émanant du Great Ormond Street Hospital, l’avis et la volonté des parents devaient passer après les siens. Comme ils devaient passer après ceux de la justice. L’équipe hospitalière est allé jusqu’à arguer que le médecin américain avait un intérêt financier par rapport aux médicaments qu’il voulait prodiguer à l’enfant.
Pourtant le monde entier s’est levé pour le petit Charlie. Plus d’un milliard et demi de livres ont été rassemblées en sa faveur. Le Congrès américain lui a offert la fameuse carte verte et le Vatican son très « select » passeport noir. Mais les équipes médicales et judiciaires n’ont lâché en rien, poursuivant les parents jusque dans les derniers instants de la vie de leur fils.
L’état de « souffrance » de l’enfant et la notion de « qualité de vie » devaient être évalués par tous, hormis ses propres parents. Même si la thérapie expérimentale américaine n’avait eu que quelques pouillèmes de pourcentage de réussite, c’est à eux que revenait la décision de l’entreprendre ou non. Le droit leur en a été volé.
L’« acharnement thanatologique » qu’évoquait le cardinal Elio Sgreccia a payé – il était trop tard pour le petit Charlie. Et la gent médico-judiciaire de clore cette victoire maçonnique d’une décision prompte et agacée, enrobant la sédation terminale et l’arrêt du ventilateur d’un début de soins palliatifs.