L’étudiante condamnée à mort par la NHS et la justice est décédée : on lui a pris jusqu’à son nom

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Celle qu’on appelle au Royaume-Uni « ST », en raison de l’interdiction qui a été faite aux parents de dévoiler son nom, est décédée ce mardi, des suites d’un arrêt cardiaque. De quoi clore tranquillement cet épisode pour la NHS (National Health Service) qui avait mené un combat judiciaire contre l’étudiante britannique atteinte d’une maladie dégénérative rare. L’hôpital avait reçu l’autorisation des juges de mettre fin au traitement essentiel à sa survie, alors que la jeune fille condamnée à mort et sa famille voulaient tenter, librement et indépendamment, les derniers recours à l’étranger.

Un miroir de l’affaire Charlie Gard qui, en 2017, avait provoqué une levée de boucliers : ce petit garçon était atteint de la même maladie qu’elle, et réclamait de pouvoir expérimenter le même traitement. L’effet n’est ici pas le même, la jeune étudiante étant décédée avant la fin du parcours judiciaire, alors que les soins du petit Charlie Gard avaient été arrêtés. Néanmoins, la posture de la NHS et de la Cour de Justice était encore plus symbolique : elles ont tenu le même discours de mort, face à une adulte de 19 ans, ayant toute sa tête et une furieuse envie de vivre.

 

Une année de lutte, voire de « torture », aux mains de la NHS et de la justice

« Même à l’heure de notre chagrin, nous sommes bâillonnés », se sont attristés ses pauvres parents, contraints de cacher le nom de la jeune patiente par ordonnance du tribunal. Ce qui est extraordinaire dans cette affaire, et très éclairant tout à la fois, c’est que ces restrictions générales persistent aujourd’hui, malgré la mort de l’intéressée. En anonymisant de force la victime, le système se protège et évite la médiatisation – et la contestation.

« Les tribunaux ne devraient pas soutenir une justice fermée lorsque la personne censée être protégée ne veut pas de ce secret » a déclaré le député conservateur Jacob Rees-Mogg. Comme Jeanne Smits l’a écrit, ST voulait « mourir en essayant de vivre ». Mais elle n’a pas pu aller au bout de cette bataille pour la liberté : un arrêt du cœur y a mis un point d’arrêt, quelques jours seulement après qu’elle eut parlé anonymement dans le Daily Mail de son épreuve, depuis son lit d’hôpital.

Ses parents ont annoncé qu’ils continueraient à se battre pour que justice soit rendue afin de « mettre en lumière ce qui a été fait dans l’obscurité ». « On nous a essentiellement donné un choix : abandonner et les laisser préparer notre fille à la mort, ou voir nos vies démantelées et déchirées si nous souhaitions résister. » Il se battront « pour le droit de ST à être identifiée et pour que toute son histoire soit connue », en dépit de leurs difficultés financières considérables, au vu des frais d’avocats et de leurs situations professionnelles rendues périlleuses par la veille au chevet de leur enfant.

 

L’étudiante britannique qui voulait décider pour sa vie

ST souffrait du syndrome de déplétion mitochondriale, la même maladie que celle du bébé Charlie Gard, dont les soins ont été arrêtés à la suite d’une âpre bataille judiciaire, en 2017. Comme ce petit enfant, à travers la volonté de ses parents, elle voulait pouvoir se rendre en Amérique du Nord pour des essais cliniques de thérapie nucléosidique qui pourraient prolonger sa vie (car le Royaume-Uni n’a aucune expertise dans le traitement de cette maladie).

Mais, alors que la famille de Charlie Gard avait pu mettre en œuvre une cagnotte de soutien, même si la NHS et la justice l’a empêchée a posteriori de l’utiliser, ST et sa famille n’ont pas pu collecter de fonds pour couvrir les coûts de 1,7 million d’euros. En raison, précisément, des restrictions de déclaration de nom demandées par son hôpital lorsqu’il l’a poursuivie en justice, en avril, pour retirer son traitement vital. Pas de nom, pas de médiatisation, pas d’argent. Fort de l’expérience précédente, le système avait pris les devants.

Finir droguée et inerte ? « Je ne veux pas de cela et je veux essayer le traitement proposé à l’étranger. Ce n’est peut-être qu’une petite chance, mais c’est ma seule chance » avait déclaré la jeune fille la semaine dernière. Mais les médecins lui justifiaient ainsi leur décision : pour vous qui êtes « en train de mourir », c’est « l’option la plus douce ».

Qui étaient-ils pour juger et surtout pour décider contre la vie… ? Le Père Tout-Puissant ?

 

De la possibilité de décider quand et comment mettre fin à la vie d’un être humain sans défense

Le cas de ST était remarquable par rapport à d’autres cas de fin de vie, car elle était une adulte, consciente, et capable de communiquer son désir de parler publiquement de son cas. Malgré cela, le mois dernier, un juge avait statué qu’elle n’avait pas la capacité mentale de prendre ses propres décisions ou même de donner instruction à ses propres avocats, en dépit de l’aval de deux psychiatres. Le fait même qu’elle refusait d’accepter le pronostic des médecins était selon eux, signe d’illusion : le mouton doit vouloir son joug.

Ce qui a fait dénoncer aux parents un « système médical et juridique régi par un paternalisme toxique ». Un paternalisme d’une forme pour le moins mortelle. Et cela rejoint l’analyse claire et remarquable que le Cardinal Elio Sgreccia, ancien président de l’Académie pontificale pour la vie, avait faite à propos de l’affaire Charlie Gard et qu’Aude Dugast avait alors traduite sur genethique.org.

« L’incurabilité ne peut jamais être confondue avec l’impossibilité de soin » avait-il dit. Et lorsqu’on va jusqu’à bafouer la propre volonté de la personne de se faire soigner, qui plus est par ses propres moyens, de manière fondamentalement libre et consciente, comme ce fut le cas pour ST, c’est sa dignité profonde qu’on abdique et un geste de mort illicite qu’on commet. Le cardinal a parlé d’« acharnement thanatologique ».

Le nouveau paradigme délétère de « qualité de vie » légitime une forme d’euthanasie passive qui aurait pu être celle de ST, si son cœur ne l’avait pas lâchée avant. Si les procédures n’avaient retardé son projet… Cette « sournoise culture du déchet » comme il l’appelle, prend ses marques peu à peu. D’ores et déjà, les victimes potentielles n’ont plus de nom. Pour mieux les contrôler. Et mieux les oublier.

 

Clémentine Jallais