La BBC pose cette question qui fâchera sans doute les Chinois : malgré son essor économique spectaculaire, quel espoir leur pays a-t-il de devenir un grand foyer d’innovation industrielle et scientifique à l’heure où ce qu’ils fabriquent a été conçu en Californie, au Japon ou en Europe ? La croissance de l’économie chinoise, devenue atelier du monde en l’espace de trente ans, a été liée à une stratégie de coucou : il lui a fallu « mendier, emprunter ou voler » le savoir-faire à la base de sa réussite.
A l’heure où la main-d’œuvre chinoise va commencer son repli – à son échelle, l’hiver démographique frappe aussi la Chine en raison de la politique de contrôle de la population imposée d’une main de fer par le gouvernement central communiste – et dans un contexte de diminution des ressources, l’innovation va devenir une nécessité selon le Pr Xue Lan, chef de l’école de « politique publique » de l’université de Qinghua – quitte à payer les salariés plus cher.
Foyer d’innovation ou modèle communiste de reproduction ?
Il ne fait que redire ce que les autorités communistes répètent à l’envi, multipliant les investissements publics en faveur de l’innovation industrielle, à raison de 162 milliards de dollars par an – mais la Chine n’en reste pas moins à la traîne, exclu du club des 25 pays les plus innovants dans la plupart des classements. Pour la deuxième économie mondiale, quelle claque.
Ce qui manque aux jeunes Chinois, c’est d’abord l’argent : les banques chinoises n’investissent pas sans avoir vu le prototype des produits d’avenir. Contrôlées par l’Etat, elles favorisent les grosses sociétés détenues par l’Etat. Le capitalisme à la mode communiste n’aime pas les petites entreprises…
Sur le plan culturel, ce sont les hommes qui manquent : le sens de la bonne prise de risque fait défaut, assure un « innovateur », Zhang Hao, développeur de robots. En règle générale, les ingénieurs chinois, souvent influencés par leurs proches, préfèrent travailler dans des sociétés où les chemins sont balisés. Au sein des grosses entreprises elles-mêmes, les efforts portent plus sur les micro-améliorations de produits innovants inventés ailleurs : il s’agit de « résoudre des problèmes concrets sur des systèmes existants », note un cadre chez ZTE, fabricant de smartphones.
Atelier du monde et camp de travail s’opposent à l’innovation en Chine
Ajoutez à cela une méfiance à l’égard des meilleurs, la culture scolaire qui fait des classes secondaires des camps d’entraînement pour bûcher les examens par la mémorisation des connaissances, et le besoin de contrôle des autorités centrales. Le centralisme communiste n’a jamais favorisé la recherche et l’inventivité – même quand il a souhaité le faire.
Il faudrait sans doute ajouter à ces analyses un facteur que la BBC n’évoque pas. Avec son écriture idéovisuelle qui fait essentiellement appel au cerveau droit –celui de l’analogie et de la perception globale – la langue chinoise ne favorise pas l’analyse et le raisonnement qui permettent d’aller au-delà du « faire du même ». Pourtant le Japon, adepte lui aussi de la stratégie du coucou après la seconde guerre mondiale a réussi, lui, à devenir un foyer d’innovation.