Mercredi s’est tenu à Pékin un symposium universitaire réunissant des chercheurs de la Chine et des Etats-Unis pour marquer le 80e anniversaire de l’interview historique donnée par Mao Tse Toung – ou Mao Zedong comme on l’appelle aujourd’hui – au journaliste américain Edgar Snow, compagnon de route du communisme chinois qui fut le premier étranger à interroger le tyran en 1936. Le symposium, tout à la gloire de la Longue Marche de l’Armée rouge qui devait marquer l’accès au pouvoir du leader communiste, a mobilisé des admirateurs du système. Côté chinois : des personnes pour le moins agréées par le pouvoir – le PC chinois est toujours aux commandes. Côté américain : des universitaires engagés – au service d’un régime qui a fait des dizaines de millions de morts.
Les participants au symposium étaient d’accord pour dire que la Longue Marche, cette retraite stratégique devant les forces de la Chine nationaliste qui a coûté la vie à des dizaines de milliers d’hommes, peut servir d’exemple à chacun. Exploit d’endurance, la fuite en avant sur 10 ou 12.000 kilomètres destinée à obtenir non seulement la victoire communiste mais la suprématie de Mao, est un épisode sanglant de l’histoire de la Chine, et c’est à sa suite que celle-ci a été livrée à la barbarie du marxisme-léninisme, revue et adaptée par son chef.
La Longue Marche… vers le communisme assassin
Un professeur associé de science politique de l’université du Kansas, John James Kennedy, a dit toute son admiration pour le journaliste américain des années 1930 qui avait épousé la cause de Mao : « Snow a donné un visage humain au parti communiste chinois et a fait connaître ses leaders aux lecteurs, aussi bien chinois qu’internationaux. » C’est lui, a-t-il ajouté, qui a amené les peuples chinois et américain à une meilleure compréhension mutuelle.
Un autre journaliste américain était à l’honneur : Harrison Salisbury, qui a beaucoup écrit, avec beaucoup de complaisance, sur l’Union soviétique et la Chine communiste, premier journaliste à avoir lancé le mouvement contre la guerre américaine au Vietnam. Ayant pris sa retraite, il a écrit un livre sur la Longue Marche dont il a lui-même suivi le parcours dans les années 1980, vantant « l’héroïsme » des quelque 130.000 hommes et femmes qui l’accomplirent – ou pas, puisque 20 à 30.000 personnes seulement arrivèrent au bout.
Au cours du symposium de Pékin, Zhang Yuanyuan, le diplomate qui accompagna Salisbury au cours de son voyage de reconstitution, salua les « travaux importants et honnêtes » de Snow et Salisbury pour avoir alimenté le « respect » du monde entier à l’égard du peuple chinois et pour avoir su glorifier la victoire de l’Armée rouge.
Et de dénoncer « le nihilisme historique » qui conduit certains à minimiser les « faits historiques d’actes de bravoure militaire » : une tendance vigoureusement combattue par des universitaires et par le quotidien de l’Armée de la libération du peuple. Zhang a déclaré : « Cela ne rime à rien de voir le peuple chinois perdre confiance en nos chemins et en nos idéaux. » Toujours les mêmes, donc.
Un symposium en Chine à la gloire de Mao
Le chercheur américain Kennedy a pour sa part rappelé les épisodes les plus durs de cette marche, qualifiant de « remarquable » la manière dont l’Armée rouge avait su survivre : « La Longue Marche est d’une grande signification en ce qui concerne le développement du Parti, de l’Armée rouge et du pays », a-t-il dit, assurant que cette expérience servira toujours d’exemple, pour le peuple chinois, de la manière dont on peut vaincre les difficultés les plus grandes.
Un autre professeur de sciences politiques à l’université de Missouri-Kansas City, Robert E. Gamer, a souligné dans sa présentation le fait que la Longue Marche avait « sans conteste » permis à Mao d’asseoir son pouvoir.
Suivait la prestation de Bao Shixiu, expert en stratégie militaire à l’Académie chinoise de science militaire. Il a déclaré : « La Longue Marche de l’Armée rouge a été le grand tournant qui a fait passer la Révolution chinoise de la défaite à la victoire… Cela a ouvert un avenir radieux au Parti qui a su trouver son unité et conduire le peuple à vaincre l’agresseur militariste (sic) japonais, et à s’efforcer de construire un nouveau pays. »
Le symposium est un nouvel exemple de la volonté chinoise actuelle de réaffirmer de plus en plus son identité communiste : il s’agit d’assumer, de justifier, de montrer en exemple un passé sanglant de persécution marqué par des millions de victimes, en glorifiant le Parti, ses figures historiques et, au bout du compte, celui qui incarne aujourd’hui cet idéal, le président Xi Jinping.