La Chine de Xi Jinping resserre les boulons : des remaniements des agences officielles laissent prévoir une concentration du pouvoir entre les mains de celui qui a désormais toutes les clefs en mains pour devenir président à vie tout en gardant la tête du parti communiste et celle des forces militaires. La création la plus spectaculaire concerne la nouvelle commission nationale de surveillance ; mais on notera aussi un renforcement du pouvoir de la Banque centrale de Chine – la Banque du peuple – et la mise en place de nouveaux pouvoirs au profit du ministère de l’environnement. La commission du planning familial ferme ses portes – mais ses compétences restent sauves, puisqu’elles reviennent à une commission qui traitera de l’ensemble des questions de santé.
Qui dit concentration du pouvoir, dit aussi moins de personnalités puissantes. Pour un homme comme Xi ce n’est pas négligeable ! Au total, quinze ministères, agences et commissions sont éliminés au nom de « l’efficacité ».
La nouvelle de la fermeture de la Commission du planning familial et de la santé nationale, connue sous son acronyme anglais de NHFPC, a conduit certains observateurs à se demander si la Chine s’apprête à mettre fin à sa politique des deux enfants, mise en œuvre avec la même brutalité que celle de l’enfant unique abandonnée progressivement depuis 2015.
Les remaniements des commissions en Chine selon la Pensée de Xi Jinping
Le fait est que la Chine, qui a imposé le régime de l’enfant unique – avec son cortège d’avortements et de stérilisations forcées, sans compter les amendes et autres persécutions administratives nécessaires à sa mise en œuvre – en 1980, se trouve aujourd’hui confrontée au vieillissement de sa population et au rétrécissement de sa main-d’œuvre. Le passage aux deux enfants – toujours sévèrement contrôlé par le pouvoir communiste – n’a pas eu pour effet une remontée notable des naissances. Le nombre de celles-ci a même chuté en 2017 par rapport à 2017, avec 630.000 naissances en moins.
De là à imaginer le retour de la liberté pour les familles chinoises il y a un monde. Certes, un délégué au Congrès national du peuple a proposé début mars de passer à une politique des trois enfants. Mais on reste dans une logique de contrôle et d’usurpation des droits individuels. Les pouvoirs de la si redoutée NHFPC sont de toute façon remis à la commission chapeau qui aura compétence pour imposer les politiques nationales. Le contrôle, toujours le contrôle !
Pour assurer sa position, Xi Jinping espère pouvoir compter sur une nouvelle commission anti-corruption – la corruption, délit rêvé pour contrer toute forme d’opposition parce qu’on trouve toujours quelque chose et que cela vous donne des airs de protecteur du peuple. Dotée de pouvoirs supérieurs à ceux de la Cour suprême et des plus hautes instances du ministère public, cette commission nationale de la surveillance devrait obtenir un vote favorable qui lui permettra de régner avec des pouvoirs sans limite sur le parti communiste en veillant à la conformité idéologique de ses membres.
Xi Jinping assoit son pouvoir et veille sur le respect du communisme
Il est prévu qu’elle puisse détenir les suspects et d’après le South China Morning Post, elle sera également à même de les empêcher de prendre un avocat ou de rencontrer un conseil. La nouvelle agence va supplanter le Conseil d’Etat, compétent jusqu’à présent pour surveiller les fonctionnaires et responsable devant le Congrès. Elle aura le même rôle que la commission centrale du PC pour l’inspection de la discipline, largement utilisée par Xi pour faire arrêter des milliers de dignitaires accusés de corruption, mais portée au niveau national. Ses compétences lui permettront par ailleurs de viser les officiers judiciaires et les fonctionnaires qui ne seraient pas membres du Parti.
Pour avoir une meilleure idée de l’esprit de la chose, il suffit de laisser parler Xi Jinping : le Global Times, quotidien anglophone contrôlé par parti communiste le cite en style indirect. « Xi a insisté pour dire qu’une écologie politique propre et droite constitue un besoin essentiel pour sauvegarder l’autorité et le leadership centralisé et unifié du comité central du parti communiste chinois, un besoin urgent pour assurer la gouvernance entière et stricte sur le parti, et une garantie indispensable pour accomplir la réforme et atteindre les objectifs de développement », parce que « le manque d’adhésion au communisme » pouvait trop facilement « polluer » l’écologie politique du pays.
Contrôle idéologique ? Oui, et renforcé par le fait que la « Pensée » de Xi est désormais inscrite dans la constitution – c’est la conformité totale qui est recherchée.
La Chine se met aux normes écologiques et bancaires
Côté environnement, c’est le « changement climatique » qui sera, avec la pollution de l’eau et du sol, au cœur des nouvelles compétences du nouveau ministère pour l’environnement écologique, aux pouvoirs bien plus larges que le ministère pour la protection de l’environnement créé il y a dix ans. Il concentrera également des pouvoirs jusqu’ici détenus par les ministères de la terre, de l’eau et de l’agriculture, avec une batterie de nouvelles lois et des capacités de surveillance nouvelles. Ce nouveau ministère sera notamment chargé de mettre en œuvre le détournement de rivières qui arrosent le sud de la Chine, sujet aux inondations, vers le Nord, souvent frappé par la sécheresse.
Quoi qu’il en soit de son action, voilà une entité de pouvoir qui fera bien voir la Chine de ses partenaires internationaux et supranationaux dans le domaine de la « lutte contre le changement climatique »…
Pour ce qui est des nouveaux pouvoirs de la Banque centrale, avec la mise en place prévue de nouvelles règles pour le secteur financier et celui de l’assurance, ils reviennent à lui donner un pouvoir de réglementation ajouté à celui de conseil sur la politique monétaire. Les pouvoirs des commissions de réglementation de la banque et de l’assurance, désormais confondus, passent ainsi à la « Banque du peuple ». Et ce alors que la Chine, en raison d’une bulle des actifs et d’un endettement faramineux, présente l’un des plus forts risques de crise bancaire au monde, s’il faut en croire la Banque centrale des banques centrales, la BIS.
Une mise aux normes internationales où les banques centrales jouent un rôle-clef.