Le Musée de l’Armée, aux Invalides à Paris, propose une exposition principale temporaire sur le thème « Churchill – De Gaulle ». Le titre, bref, qui renvoie sans surprise au Premier ministre britannique et au chef de la France Libre, tous deux à Londres à l’été 1940, moment-clef, a fait craindre, dans l’ambiance actuelle, une insupportable hagiographie des deux personnages. La présence de la Fondation Charles De Gaulle comme contributeur majeur avait fortifié cette crainte. De fait, le moins que l’on puisse dire est que les propos de l’exposition se montrent constamment fort aimables, et ce sur l’ensemble de la carrière des deux hommes. Pourtant l’amour du Churchill (1874-1965) de 1940 ne devrait pas mécessairement s’étendre à une admiration de l’auteur du Désastre des Dardanelles de 1915, ou même à l’impérialiste britannique en lutte contre les Boers en 1900. Idem pour le De Gaulle (1890-1970) de 1930 ou 1960. Evidemment, ces deux personnages possédaient quelques talents, mais un tel étalage de dithyrambes finit presque par desservir leur mémoire.
 

Churchill – De Gaulle

 
Pourtant, l’exposition présente quelque intérêt, du fait de la masse, très significative, de documents d’époque proposés, traduits honnêtement pour les pièces anglaises, et replacés dans leur contexte. Elle permet de rétablir et de comprendre une constance commune expliquant l’action des deux hommes : la haine de l’Allemagne, fondamentale pour une génération de culture patriotique et militaire (celle des années 1890 en Angleterre ou 1910 en France). Le refus de toute concession à une réalité déplaisante telle qu’elle est apparue à l’été 1940 se comprend par ces habitudes longues, fortifiées par la guerre de 1914-1918 et les tensions des années 1930 préparant la suivante. L’opposition idéologique au national-socialisme semble alors secondaire, voire pure reconstruction a posteriori. De Gaulle ne sortira vraiment de sa germanophobie que dans les années 1960, avec la réconciliation franco-allemande (1963) en compagnie du Chancelier de RFA Adenauer, action tardive tout à son honneur. Ainsi, suivie attentivement, avec esprit critique, cette exposition « Churchill – De Gaulle » n’est pas sans intérêt.
 

Hector Jovien

 
Churchill – De Gaulle, Musée de l’Armée, Hôtel National des Invalides (Paris VII). Ouverture tous les jours sauf mardi de 10h à 18h. Jusqu’au 26 juillet. Entrée : 8,50 €.