Constitution : une révision soumise à la droite

Constitution révision droite
Nicolas Sarkozy le 8 décembre 2015 à Rochefort.

 
Mercredi, Manuel Valls s’est dit convaincu que la révision de la Constitution serait adoptée à une « très large majorité ». Que d’encre, et surtout de salive, n’a-t-elle pas néanmoins fait couler… Et les hésitations perdurent. A gauche, où l’on n’est pas prêt à changer le moindre iota d’une doxa qui commence pourtant à sentir le moisi. A droite, où les idées paraissent moins importantes que les sondages, mais où l’on se soucie de ne pas passer pour une élite au rabais ou soumise.
 
A l’intention de la première, qui en avait émis l’idée pour ne pas stigmatiser les binationaux, le premier ministre a déclaré qu’il ne pouvait être question d’étendre à tous les Français condamnés pour des crimes terroristes la possibilité de les déchoir de la nationalité, au motif qu’il n’est pas possible de créer des apatrides. Pas par humanité – des sans-patrie, il en existe tant ; par légalisme : la loi ne supporte pas qu’on ne lui soit pas soumis.
 
Peu importe… Manuel Valls n’envisage pas de ne pas avoir cette majorité. « Pourquoi ? Parce que ce besoin d’unité et de rassemblement que veulent imposer les Français, d’une certaine manière, il va s’imposer aux parlementaires. » Ah…
 

Une révision soumise à la droite ?

 
A la droite, et particulièrement à Nicolas Sarkozy, Manuel Valls a rétorqué que l’on ne pouvait prévoir la déchéance de nationalité que pour les crimes, et non les simples délits, terroristes. « Quand nous avons transmis le texte pour avis au Conseil d’Etat (…), nous avions inscrit “les crimes et les délits”, mais le Conseil d’Etat a enlevé “les délits” puisqu’il considère que la déchéance de nationalité quand on est né Français doit être liée à des crimes particulièrement graves. »
 
La droite cependant tique. Hésite. Plus sur l’état d’urgence que sur la déchéance de nationalité. Mais surtout sur le risque de paraître à la remorque de François Hollande. Un « coup politique », pour Nicolas Sarkozy.
 
L’ancien président de la République aimerait bien inverser la vapeur en raccrochant ce wagon réformiste à son fameux discours sécuritaire de Grenoble (juillet 2010).
 

Le duo Juppé-Sarkozy

 
Une ligne qui, pour le président des Républicains, traverse aussi son parti. Notamment lorsque son adversaire le plus visible, Alain Juppé, paraît s’aligner sur Manuel Valls pour condamner l’apatridie. D’autant que le maire de Bordeaux publiait ce même mercredi Pour un Etat fort, qui fait déjà figure de programme présidentiel.
 
Pour ne pas se laisser distancer par son rival, ni faire croire à une nouvelle volte-face, Nicolas Sarkozy n’a pas eu d’autre recours que de l’appuyer (de le suivre ?) sur l’idée de patrie.
 
De son côté – échange de bons procédés ou volonté de ne pas briser un appareil qu’il aimerait récupérer – l’ancien premier ministre a soutenu le patron du parti sur la déclaration du bureau politique des Républicains. Une sorte de « oui, mais… », plus qu’un satisfecit, à la révision constitutionnelle.
 

Des Républicains de faible constitution

 
Bien embarrassés, les Républicains qui, après des tergiversations, ont décidé de ne plus poser de conditions, mais d’exprimer des demandes. « Ce sont des demandes acceptables, pas des demandes repoussoirs », assure Eric Woerth, secrétaire général des Républicains.
 
Manuel Valls y a donc déjà partiellement répondu – négativement. Les Républicains semblent néanmoins vouloir s’exprimer lors du débat. « Il ne serait pas acceptable que, sous prétexte que la gauche a explosé en vol, on serait prié de se taire », prévenait lundi le sénateur Républicains Roger Karoutchi.
 
Mais les termes lénifiants du texte signé mercredi par le bureau politique laisse d’ores et déjà présager une capitulation en rase campagne…
 

François le Luc