Crise de l’Europe ? Il faut plus d’Europe ! L’ultra-européiste allemand de « droite » Rainer Wieland ne voit que l’Etat fédéral

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La pensée européiste tient de plus en plus de la pathologie mentale. Un exemple éblouissant vient d’en être donné par Rainer Wieland, l’un des vice-présidents du pléthorique et pachydermique Parlement européen (750 députés, 28 nations), membre allemand du groupe de droite libérale PPE – dont font partie les députés français Les Républicains. Wieland est par ailleurs président de l’Union des Européens fédéralistes d’Allemagne. Pour lui la situation de crise actuelle, nonobstant un nombre impressionnant de feux rouges clignotants, doit pousser l’Union européenne à devenir un véritable « Etat fédéral ». Il ne s’agit plus d’approfondissement mais de substitution.
 
France et Pays-Bas avaient refusé la constitution européenne. Le Royaume-Uni se prépare à partir. Les trois principaux Etats membres d’Europe de l’Est (Pologne, Hongrie, Tchéquie) sont en rupture politique flagrante avec la doxa européiste immigrationniste et libertaire. En France l’ultra-européiste Macron a été élu par un tour de passe-passe, véritable coup d’Etat électoral, après avoir recueilli 18 % des inscrits au premier tour de la présidentielle. L’élection de sa majorité parlementaire a été obtenue avec un taux historique d’abstentions, de blancs et de nuls qui a atteint 61,56 % ! L’europhobie gagne l’Italie, du M5S à la Legha Nord via Berlusconi. Les Allemands viennent d’envoyer pour la première fois 94 députés europhobes de l’AfD au parlement fédéral, outre les 80 eurosceptiques du FDP. L’euro a accru les différentiels économiques au sein de la zone. Mais, non, pour Rainer Wieland, tout va bien. La construction européenne multiplie-t-elle les crises ? Accélérons donc la construction européenne !
 

Rainer Wieland encense Emmanuel Macron, le président à 18 % des inscrits au 1er tour

 
Dans un entretien avec Steffen Stiehle pour le site Euractiv, Wieland encense Emmanuel Macron et sa proposition de création d’un budget propre à la zone euro et d’un ministre européen des Finances : « C’est une très bonne chose que l’impulsion vienne de France. L’Allemagne doit examiner ces propositions afin que nous trouvions le moyen d’avancer ensemble. En fin de compte, les propositions de Macron mèneront à une intégration plus poussée. C’est positif. »
 
Pour autant, l’élu euro-frénétique est prudent : « Je crois néanmoins que l’époque des grands objectifs est passée. Nous-mêmes, nous n’avons rien gagné à nous tuer à défendre l’idée d’Eurobonds (dette publique mutualisée, NDLR) ou d’Europarlement. Cela ne mène qu’à des satisfactions superficielles ou à des rejets instinctifs. Ce qui compte, c’est le contenu. » Les européistes doivent donc adopter une nouvelle stratégie, explique Wieland, celle de la dissimulation. « Un commissaire au Budget n’a pas besoin d’être appelé ministre des Finances, tout dépend de ses compétences », glisse-t-il.
 

Une TVA européenne pour mutualiser en douce les budgets et aller vers l’Etat fédéral

 
Vieland précise sa pensée, appelant de ses vœux une TVA européenne : « Si ce commissaire, par exemple, disposait de ses propres ressources par le biais d’une taxe sur la valeur ajoutée, nous pourrions nous éviter le conflit récurrent sur la mutualisation financière. » Et d’estimer que le FDP allemand, pourtant opposé à toute mutualisation et favorable à la sortie de la Grèce de l’euro, « pourrait alors certainement être convaincu et collaborer ».
 
Car la nouvelle donne parlementaire en Allemagne, pays le plus puissant du continent, va conditionner pour une bonne part l’avenir de l’Union. Les commentateurs ont relevé que les élections au Bundestag ont singulièrement affaibli la cause européenne. Non seulement AfD et FDP ont fait une entrée en force à la Diète fédérale mais le SPD, mené par l’ancien président ultra-européiste du Parlement européen Martin Schultz, a réalisé le pire score de son histoire d’après-guerre (20,5 %), et à peine supérieur à celui de… mars 1933 sous le nazisme débutant (18,3 %). Quant aux européistes de choc que sont les Verts, leur score (8,9 %) a été médiocre, étale par rapport à 2013, bien en-deçà de celui de l’AfD europhobe (12,64 %).
 

Problèmes aux frontières extérieures, terrorisme, migrations ? Face à la crise de l’Europe, plus d’Europe !

 
De quoi convaincre Rainer Wieland de verrouiller la situation. La campagne électorale allemande a révélé « l’élection la plus européenne de tous les temps », assène-t-il. Il insiste : « Tout le monde convient que sur les sujets qui ont dominé, la sécurité intérieure, la lutte contre le terrorisme ou les politiques migratoires, on ne peut rien traiter sans faire plus d’Europe ». Que la réduction des frontières des 28 Etats à une seule ligne incontrôlable de 13.983 km, ou celle des Etats de Schengen à une ligne guère plus contrôlable entourant 26 Etats et 400 millions d’habitants, soit en soi un défi sécuritaire insurmontable n’effleure pas l’esprit de M. Wieland alors que les frontières nationales, par leur effet de tamis, offrent la meilleure garantie de contrôle.
 
Contre mauvaise fortune bon cœur, cet élu de « droite » membre de la CDU compte sur… les socialistes pour plaider sa cause : « Avec le SPD, nous allons avoir une opposition qui sera plus favorable à un approfondissement de l’intégration européenne. Et nous allons avoir un gouvernement fondamentalement pro-européen. » L’éventuelle présence des Verts dans une coalition « Jamaïque » menée par Mme Merkel (noire, jaune, verte – soit CDU, FDP, Verts) serait un autre atout pour les européistes. Sans parler du Français Macron : « Surtout, grâce aux initiatives de la France, nous disposons d’une base idéale pour approfondir l’intégration. Nous devons saisir cette fenêtre d’opportunité. »
 

Matthieu Lenoir