Crise des migrants : l’accord de la Turquie

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La Turquie a donné vendredi son accord aux propositions européennes visant à freiner, par son intermédiaire, les arrivées de migrants et de réfugiés dans l’Union européenne, en contrepartie d’une aide financière et de facilités accordées à Ankara. Une question demeure : celle de savoir si cet accord suffira à juguler une crise qui a pris de telles proportions que nos politiques ne savent plus, désormais, où donner de la tête…
 
L’accord accepté vendredi par la Turquie repose donc, comme les Européens l’avaient proposé, sur l’idée du « un pour un ». « Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie depuis les îles grecques, un autre Syrien sera réinstallé de la Turquie vers l’Union européenne en tenant compte des critères de vulnérabilité des Nations unies », affirme le texte – sans, semble-t-il, à moins que ce ne soit en annexe, ou à l’occasion d’échanges oraux, s’attarder sur quelques difficultés que nous soulevions hier. L’essentiel semble bien que les exigences des Nations unies, qui récemment ont sèchement rappelé l’Europe à l’ordre, soient respectées.
 

L’accord de la Turquie

 
« Tous les nouveaux migrants en situation irrégulière qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques à partir du 20 mars 2016 seront renvoyés en Turquie », précise la déclaration. Les premières expulsions sont censées avoir lieu le 4 avril. Mais on ne sait toujours pas comment se fera la vérification de la régularité de la situation d’un migrant, puisque, manifestement, les faux papiers circulent désormais à foison. A côté des passeurs, les trafiquants de faux papiers exercent désormais une activité qui, en plus d’être lucrative, est désormais fortement répandue, si l’on en croit les forces de polices assignées aux frontières. Et qui n’ont pas toujours ni le temps, ni la compétence pour les déceler…
 
En échange de ce système d’échange, la Turquie obtient non seulement une aide financière supplémentaire de la part de l’Europe (soit trois milliards supplémentaires), la mise en œuvre anticipée (sous condition de remplir les critères prévus par l’Union européenne) de la libéralisation des visas pour les citoyens turcs, et l’accélération du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
 
Comme évidemment tout cela, et notamment le dernier point, peut paraître contraire à la fermeté que les dirigeants européens prétendaient afficher jusqu’à la veille de cet accord, François Hollande a tenu à déclarer que « négociation ne veut pas dire adhésion et les négociations ne préjugent en rien de ce que sera le résultat ».
 
En s’exprimant ainsi, le président de la République française se moque-t-il des Turcs ? Ou de nous ?
 

Créer des problèmes pour résoudre la crise des migrants…

 
Evidemment, cet accord pose nombre de problèmes. Il ne peut en être autrement. Ou alors il faudrait nous expliquer pourquoi, à peine vingt-quatre heures avant sa signature, on nous affirmait, la main sur le cœur, que les discussions avec Ankara seraient difficiles. Pour nous faire croire, peut-être, qu’elles étaient menées sérieusement ?
 
Il y a des problèmes humains. Ainsi l’ONG Oxfam accuse-t-elle « les dirigeants européens et turcs d’avoir conclu un accord sur la crise migratoire qui non seulement ne respecte pas l’esprit des lois internationales et européennes, mais pourrait en outre revenir à marchander des êtres humains en échange de concessions politiques ».
 
Ce n’est pas rien. Et les Nations unies elles-mêmes soulignent sur ce point, par la voix du Haut Comités aux réfugiés, que tout dépendra des conditions d’application de cet accord, qui s’avèreront « cruciales ».
 

On oublie le droit

 
Il y a aussi des difficultés juridiques, et politiques. Le droit européen et international, en effet, interdit les retours massifs de réfugiés. En l’occurrence, la situation de chaque candidat à l’exil sera donc examinée individuellement. Quand on sait les difficultés qu’il y a eu jusqu’ici pour contrôler les migrants arrivant en Europe, on se dit que Bruxelles nous promet ici la quadrature du cercle.
 
François Hollande a pourtant clairement affirmé qu’il y aurait « des vérifications tout au long de la période ». On ne sait si une telle déclaration est censée nous rassurer, puisque, dans le même temps, il reconnaît que les migrants peuvent, bien évidemment, prendre d’autres routes, ou venir d’autres pays où règne le chaos.
 
On peut penser que, en s’exprimant ainsi, le président français cherche à se couvrir si jamais les choses ne tournaient pas aussi bien qu’il l’affirme. Mais il annonce aussi les limites d’une politique que, avec quelques autres, il a prétendu mettre en place.
 

Encore Angela Merkel

 
Touts ces difficultés sont, dans le même mouvement, avouées et balayées d’un geste de la main par Angela Merkel qui, une fois encore, a fait là fonction de maître d’œuvre. « Je n’ai aucune illusion sur le fait que ce dont nous sommes convenus aujourd’hui sera suivi de revers. Nous devons maintenant surmonter de grands défis en matière de légalité », avoue, avec une certaine tranquillité Angela Merkel.
 
« Mais, poursuit-elle, je pense que nous avons passé un accord qui engage un mouvement irréversible, et il est important pour moi que nous soyons parvenus à nous entendre à vingt-huit aujourd’hui. »
 
Quel que soit le prix à payer…
 

François le Luc