Présentation officielle de Cuba à Paris : le communiste Raul Castro dans les bras de Hollande

Cuba Castro Hollande communiste
François Hollande et Raúl Castro. Tchin !

 
Un accueil à l’Arc de Triomphe, un convoi escorté par la Garde républicaine, un dîner d’Etat avec David Guetta et Jean-Luc Mélenchon (quelle chance)… Grandes pompes pour le communiste Président des Conseils d’État et des ministres de Cuba, Raul Castro, qui foule le sol français depuis samedi. Comme François Mitterrand a reçu le frère aîné il y a 21 ans – il voulait visiter (sic) « tous ces lieux remplis de souvenirs de la Révolution française » –, Hollande reçoit le puîné, l’ancien nettoyeur du parti, dont c’est aussi le premier voyage officiel en Europe depuis le dégel diplomatique américain.
 
Au programme : apurements de dettes, accords économiques…
 
Le pays, lui, n’a pourtant guère changé. Mais Hollande veut décidément « son moment d’Histoire » avec Cuba la Rouge : surtout, ne pas rester en arrière.
 

Hollande plaide pour une levée totale de l’embargo, « ce vestige de guerre froide »…

 
Le régime ? Les droits de l’homme ? « Ils seront discutés » assure-t-on… De la poudre aux yeux.
 
Le premier accord signé entre François Hollande et Raul Castro, lundi 1er février, consiste en la conversion d’une partie des arriérés de la dette cubaine en un fonds franco-cubain doté de 212 millions d’euros. Histoire d’« accélérer les projets franco-cubains à Cuba »…
 
Seuls les arriérés doivent en effet être remboursés par Cuba – et sur une période de dix-huit ans, situation économique oblige – la totalité de la dette envers la France, 3,7 milliards d’euros, ayant été « remise » officiellement en décembre. Le Club de Paris présidé par la France (composé de l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse) avait accepté d’effacer la totalité de la jolie ardoise des 11,1 milliards de dollars, qui n’était pas remboursée depuis 1986…
 
En toute logique, Hollande ne s’est pas privé de plaider pour la fin totale de l’embargo. Barack Obama doit, selon lui, « aller jusqu’au bout », pour abattre « ce vestige de guerre froide »… « C’est la volonté de ce pays, c’est la volonté de la communauté internationale ». La France, selon l’Elysée, veut même s’affirmer à cette occasion comme le « premier partenaire » politique et économique européen de l’île des Caraïbes. Si ce n’est pas de l’engagement…
 

Obama allège les sanctions contre Cuba

 
Plus vite que tout le monde – et surtout, plus vite que les Américains. Eux aussi, pourtant, avancent leurs pions, mais plus lentement, avec circonspection. Un an après l’annonce du dégel commençant de leurs relations diplomatiques, l’embargo interdit toujours aux Américains d’investir et de faire du tourisme sur l’île, et Washington menace de fortes amendes les entreprises un tant soit peu américaines qui se risqueraient à faire affaire là-bas.
 
Ce n’est pas la décision, ni l’état d’esprit d’Obama qui appelle plus que jamais le Congrès, encore à la mi-janvier dans son discours sur l’Etat de l’Union, à lever ce pesant embargo. Lui seul, en effet, peut le faire, mais il est à majorité républicaine et répugne à en prendre l’initiative, même si se dressent de plus en plus d’investisseurs potentiels. Pour Obama, l’embargo n’est que « l’héritage d’une politique qui a échoué ».
 
Et les choses avancent. Décembre a vu la reprise d’un service aérien régulier avec l’île, ainsi que celle d’un service postal direct. Et surtout, a été annoncé, le 25 janvier, un nouvel allègement des sanctions américaines contre Cuba, en particulier dans les secteurs de la finance, de l’exportation et de la réexportation d’équipements agricoles, des télécommunications ainsi que des voyages d’affaires et de la production culturelle.
 

Dictature communiste persistante… des Castro

 
Si Cuba rentre dans ce jeu diplomatique et affairiste, c’est par nécessité économique et à ce moment précis où la communauté internationale est suffisamment mûre pour l’accepter comme tel ou presque, qu’il n’aura plus beaucoup à plier au niveau idéologie… Son premier parrain, l’URSS, a disparu (Cuba se souvient des affres de la Période Spéciale), l’amical Venezuela est en peine avec un pétrole très bas et une situation politique délicate – seule la Chine restait encore. Aujourd’hui, il lui faut un investissement étranger multiple. Sa participation à la COP21 était déjà de bon aloi.
 
Des avancées pour le peuple ? Que nenni. Certes, depuis l’annonce du dégel en décembre 2014, les touristes se multiplient (3 millions et demi en 2015). Mais Cuba reste désespérément le même. Pauvreté des masses, situation économique en berne… La plus grande preuve est la recrudescence des départs des Cubains vers les Etats-Unis : +78% en un an selon l’institut Pew Research Center !
 
Elle n’est peut-être plus, depuis mai dernier, sur la liste noire américaine d’« Etats soutenant le terrorisme », mais dans les faits, rien n’est moins clair. Les libertés publiques n’existent pas, les arrestations arbitraires sont toujours d’actualité, pierres angulaires d’un régime qui ne souffre pas d’opposition. Censure médiatique et répression de la police politique dominent. Dans tous les cas, La Havane oppose sa « souveraineté nationale » et le principe de « non-ingérence ».
 
Quant à l’économie étatisée, elle demeure – les marges de manœuvre sont faibles.
 
La gauche française ne renie donc en rien ses premières amours, sa fascination d’adolescente guévariste l’emporte, cette fois-ci, à ciel ouvert. Et tant pis si le Che proclamait que « la solution des problèmes de ce monde est derrière le Rideau de Fer. » De toute façon, le mur a visuellement disparu, il fait beaucoup moins peur…
 

Clémentine Jallais