C’est une formidable opération de propagande que celle qui se joue autour du Forum économique mondial où la Chine, représentée par son Premier ministre, présente sa politique comme l’antithèse du méchant protectionnisme Donald Trump. Comme si ce dernier lui permettait enfin de séduire en prenant le contre-pied de sa politique – du moins dans le discours. Accompagnant le mouvement, une tribune publiée par le Global Times, sous contrôle communiste, commente l’actualité de Davos en présentant la Chine comme la solution aux problèmes du mondialisme, le véritable moteur pour la paix et la prospérité mondiales, la locomotive de la lutte contre le « changement climatique ».
L’auteur, Zhang Zhixin, est un universitaire, chercheur à l’Institut d’études américaines à l’Institut chinois de relations internationales contemporaines. Il y fustige la doctrine de « l’Amérique d’abord », image d’une politique « introvertie et conservatrice » adoptée par Trump et son l’administration sur fond d’« hégémonie américaine sur le déclin ».
La Chine, nouveau moteur du mondialisme
A l’inverse, la Chine propose « une communauté avec un avenir partagé pour l’humanité », elle qui est « en pleine ascension » et qui fait confiance à l’avenir des affaires du monde, « embrassant le globe avec un esprit ouvert et inclusif ». Les tics de langage sont révélateurs.
Ils sont aussi en quelque sorte obligatoires, puisque c’est exactement ce qu’avait promis le président Xi Jinping l’an dernier à Davos, et que sa pensée est désormais gravée dans le marbre de la constitution chinoise. On n’a pas d’autre choix que d’y puiser.
L’article dénonce tout ce qu’a fait Trump, et notamment le fait qu’il considère l’emploi et la croissance comme prioritaires pour l’Amérique, utilisant sa politique fiscale pour conserver des emplois aux Etats-Unis et réduisant l’intervention gouvernementale pour « stimuler le marché ». Il en va ainsi de sa renonciation à poursuivre la politique d’Obama en matière de lutte contre le changement climatique, observe l’auteur, qui pointe aussi l’action du président américain contre les grands traités de libre-échange en cours de négociation. « Sur le plan diplomatique, l’administration Trump a fui sa responsabilité dans les affaires globales qu’acceptaient les gouvernements américains précédents » ; il favorise ce qui favorise les Etats-Unis, et ne s’intéresse pas à ce qui ne peut pas les intéresser, critique Zhang Zhixin.
A Davos, la Chine apporte le message inverse de celui de Trump
Bien sûr, face à ces manifestations de la politique d’« America First », il y a des gentils qui pensent à tout le monde et qui en tirent des projets politiques « diamétralement opposés » à ceux des Etats-Unis. « La Chine ne cherche pas seulement à créer un environnement favorable aux conditions de vie de son propre peuple, mais à contribuer davantage au bien de l’humanité tout entière », si, si.
« La Chine aspire à construire un monde ouvert, inclusif, propre et beau qui jouisse d’une paix durable, de la sécurité universelle et d’une prospérité partagée. Ayant cela à l’esprit, le gouvernement chinois assume aujourd’hui davantage de responsabilités à l’égard de la paix et du développement du monde » : on aurait presque envie d’y croire en oubliant les souffrances des Chinois du fait du communisme, du contrôle étatique des naissances, des persécutions religieuses… Et les dépenses militaires chinoises, en pleine expansion.
Voilà donc la Chine promue au rang de parangon du dialogue et des relations internationales conçues sous l’angle du partenariat, tandis que « dans le champ de la sécurité, la Chine promeut un concept commun, englobant, coopératif et durable » où ce sont toujours « le dialogue et les négociations » qui doivent « résoudre les disputes et les différends ». En particulier en mer de Chine et au Tibet.
La Chine sert le monde (et le mondialisme) tandis que Trump replie les Etats-Unis
Dans le même temps et à l’inverse des Etats-Unis, « La Chine encourage également la mise en place d’un environnement plus commode et plus libre pour le commerce et les investissements afin de pousser la globalisation dans le sens d’un résultat plus ouvert, plus inclusif, mutuellement bénéfique, gagnant-gagnant ». Qu’en pensent les ouvriers et employés des pays développés dont les emplois ont été délocalisés ?
On ne s’étonnera pas non plus d’apprendre que, selon Zhang Zhixin, la Chine veut se mettre au service de la « diversité des civilisations mondiales », c’est un thème récurrent du mondialisme qui s’oppose systématiquement à « la seule internationale qui tienne »… On ne saurait affirmer la supériorité de telle civilisation sur telle autre, la Chine le proclame, réalisant la synthèse entre le communisme qu’elle incarne et le syncrétisme vers lequel on se dirige.