La Mondialisation 4.0, c’est le thème majeur du prochain Forum économique mondial de Davos qui aura lieu en janvier. Un thème qui se réfère surtout une période clé, le monde de demain : le monde d’après le libéralisme tous azimuts, le monde d’après les souverainetés nationales, le monde d’après les inégalités… Le fondateur et président de Davos, le très globaliste Klaus Schwab, nous le dit à mots non couverts dans un nouvel article paru sur le site du World Economic Forum. Objectif cible : les populismes. Le mondialisme rencontre quelques réactions épidermiques ? C’est qu’il n’a pas été compris. Klaus Schwab lui redore son blason.
C’est un peu le « n’ayez pas peur » sauce mondialiste : laissez de côté vos rejets intempestifs, quittez votre carapace de repli et avancez sur notre voie de sagesse, nous vous engloberons dans notre amour sans limites… Exit les altérités, les oppositions (et donc exit le choix et la liberté) : c’est l’inclusion qui doit primer partout, pour faire naître le citoyen de la Quatrième révolution industrielle. Un petit, tout petit bémol : on est obligé d’y adhérer…
« Une nouvelle phase de la mondialisation » – fi des souverainetés nationales
Il y a un an et demi, sur ce même site du forum, Klaus Schwab avait affirmé que les globalistes avaient besoin d’un « nouveau discours ». La crise économique est passée par là (conséquence inévitable du système financier laissé en folie), les peuples sont mécontents car ils commencent à voir à quelle sauce ils vont être mangés… Après la phase du libéralisme à tous crins (qui a joué aussi son rôle mais joue à présent celui de repoussoir), il est temps de passer tout simplement à la phase II.
Mais il faut la justifier.
Ces populismes divers et variés, ces « perturbations » (au Système) comme il le dit plus loin, Klaus Schwab les explicite – pour mieux les dépasser. « Beaucoup se sentent laissés pour compte et éprouvent de la rancœur à l’égard de la politique et des politiciens, ainsi que de la mondialisation et du système économique dont elle constitue l’armature. » Il note aussi ce « sentiment d’insécurité » et cette « frustration »… Comme si ces réactions des peuples européens n’étaient dues qu’à un geste épidermique infantile, sans réflexion profonde !
C’est exactement ce qu’il entend signifier : qu’ils n’ont rien compris. Qu’ils ont confondu mondialisation et mondialisme. Ben voyons… le loup n’est pas le loup ! « La mondialisation est un phénomène lié à la technologie et à la libre circulation des idées, des personnes et des biens, tandis que le mondialisme est une idéologie qui privilégie un ordre mondial néolibéral par rapport aux intérêts nationaux. » Le fondateur de Davos la joue finement : il se démarque ostensiblement de tout ce qui s’est fait jusque là – pour resservir en fin de compte la même soupe en plus corsée.
« Un avenir commun » à préparer avec la Quatrième révolution industrielle
Le remède à ce monde qui part à vau l’eau, ce n’est ni la restauration des souverainetés, ni la domination de « forces mondiales », mais « la coopération » assène-t-il. Magnifique petit mot qui désamorce toute contradiction. « Plutôt que d’évoluer vers des économies fermées avec le protectionnisme et le nationalisme, nous devons forger un nouveau contrat social entre les citoyens et leurs dirigeants, de telle sorte que domine un sentiment de sécurité suffisant pour rester ouvert au monde ».
Un contrat signifie accord entre les deux partis : il est temps que les peuples s’engagent de leur propre volonté dans le jeu mondialiste.
Et c’est une nécessité conjoncturelle, imposée par « le changement en cours », défend Klaus Schwab, qui évoque les contraintes écologiques (le « changement climatique » joue son rôle majeur), la montée des inégalités, le fossé croissant entre précaires et privilégiés, le licenciement de millions de travailleurs, la méfiance généralisée… qu’a engendré la Quatrième révolution industrielle (comme si ce rabaissement du niveau occidental et l’émergence des nouveaux pays socialistes comme la Chine n’était pas, sinon un objectif, une aubaine). Il évoque aussi les impondérables de l’évolution technologique qui vont obliger les sociétés à des évolutions indispensables.
L’« intérêt général » que promeut le fondateur de Davos, réside d’abord et avant tout dans la protection de l’environnement et l’inclusion sociale. Et tout doit être réorienté en ce sens, secteur public comme secteur privé. « Nous devrons basculer d’un modèle de société qui valorise la production et la consommation à un autre qui privilégie le partage et la solidarité ».
Autant de paramètres somme toute très marxisants…
Davos veut « rebâtir à partir de zéro » : solve et coagula
Tout peut aller mieux et même beaucoup mieux selon Klaus Schwab, tout cela peut devenir véritablement « favorable pour l’humanité », mais si et seulement si on coopère, si on s’adapte, si on innove, si on s’engage… ces quatre verbes sont, sous sa plume, des leitmotivs et ce n’est pas pour rien.
« De nouvelles normes internationales et une nouvelle politique sont nécessaires pour maintenir la confiance ». Exit tout ce qui s’est fait avant, Klaus Schwab veut « rebâtir à partir de zéro ». Le citoyen du monde n’est ni mondialiste, ni populiste. Fi des dichotomies, des alternatives, des contradictions, il choisit tout (le Davos man veut le « et » au lieu du « ou ») – et donc rien. Ou plutôt ce que veut le gourou mondialiste : « un objectif et des intérêts communs » déterminés par avance.
« Il nous faut ébaucher une nouvelle architecture de la gouvernance mondiale », « acquérir une pensée systémique, au-delà de ses propres préoccupations institutionnelles et nationales à court terme » et que tous s’engagent à s’y soumettre. Voilà l’essence de la pensée schwabiste.
Sinon quoi ? Il y a toujours une menace dans ces textes d’admonestation globaliste qui n’omettent pas d’utiliser ce vieux mécanisme de la peur. Quel risque, donc, si l’on n’obtempère pas ? Celui d’un « effondrement ». Le mot est fort, Klaus Schwab l’avait déjà utilisé dans son article d’avril 2017, il le ressert aujourd’hui en parlant d’« effondrement de la démocratie » : c’est l’anarchie qui surviendra, « une tragédie pour l’humanité », si « une réponse mondiale » n’est pas apportée aux bouleversements en cours.
Une menace absolument palpable dans sa phrase de conclusion : « Que nous y soyons prêts ou pas, un monde nouveau nous attend ». En d’autres termes : vous n’aurez pas le choix.