Le Premier ministre britannique, Theresa May, a joué et perdu. En cherchant à élargir sa majorité au moyen d’élections législatives anticipées, elle a pris le risque de perdre la courte majorité des conservateurs au Parlement, et c’est ce qui s’est passé. A l’heure d’écrire, le parti des Tories reste en tête mais avec 318 circonscriptions gagnées, il reste en-deçà de la majorité absolue de 326 sièges. Les travaillistes alignés derrière le marxiste Corbyn l’ont emporté dans 23 circonscriptions détenues jusque-là par les conservateurs et terminent seconds avec 261 sièges. Le Royaume-Uni se retrouve avec un « hung parliament » : une assemblée sans majorité dans un système bipartite rendu d’autant plus complexe qu’il existe tout de même de petits partis qui participent à l’élection, et que la nomination du chef de l’Etat, le Premier ministre, dépend de l’élection parlementaire. En l’occurrence, s’y ajoute la question du Brexit, que Theresa May incarne en quelque sorte. Elle le voulait « dur » – du moins était-ce ce qu’elle affirmait. Aujourd’hui, tout cela est devenu très incertain.
Theresa May en mauvaises conditions pour obtenir un Brexit dur
Si la presse et de nombreux commentateurs politiques ont appelé Mme May à démissionner en raison de sa « défaite » – toute relative, cependant, vu l’avance des conservateurs sur tous les autres partis – il semblerait que le Premier ministre n’ait aucune envie de se laisser faire, et ce d’autant qu’une coalition autour des travaillistes paraît très peu probable.
Les libéraux-démocrates, avec 12 sièges, ont le nombre suffisant d’élus (toujours à l’heure d’écrire) pour entrer dans une alliance suffisante, sinon stable. Mais ils ont déjà fait connaître leur refus de participer. 12 sièges, c’est exactement ce que les conservateurs ont perdu par rapport au précédent scrutin, soit dit en passant – mais au profit d’une gauche très gauchie.
Theresa May semble vouloir rester pour ne pas courir le risque de voir Bruxelles retarder les négociations du Brexit au motif qu’il « n’y aurait pas de gouvernement britannique », selon une source conservatrice. Vendredi matin, elle était déjà en pourparlers avec le DUP (Democratic Unionist Party), un petit parti d’Irlande du Nord qui devrait obtenir 10 sièges – mais qui n’est pas très favorable au Brexit et qui risquait d’exiger que celui-ci soit engagé de manière moins radicale. En revanche, le parti nationaliste écossais, hostile au Brexit, a perdu ses sièges les plus symboliques et se retrouve avec 35 sièges alors qu’il avait 56 membres du parlement sortants.
L’élection au Royaume-Uni perdue, les conservateurs ne pourront gouverner seuls
Jeremy Corbyn, de son côté, est prêt à tout ou presque pour former un gouvernement, et fanfaronne malgré le sérieux retard du Labour sur les conservateurs. En l’occurrence, les Britanniques considèrent les dynamiques plutôt que les chiffres absolus : les conservateurs sont en baisse avec une petite quinzaine de sièges en moins, alors que les travaillistes ont gagné une trentaine de sièges.
Quoi qu’il en soit, la décision de tenir des élections législatives anticipées a « parlementarisé » la question du Brexit, et en l’occurrence a fragilisé les résultats pourtant si clairs du référendum.
Se pose dès lors la question de la sincérité de Theresa May à propos de la sortie de l’Union européenne, puisque c’est bien elle qui en connaissance de cause, a pris ce risque. On peut supposer qu’elle souhaitait sa propre victoire et elle ne semble d’ailleurs pas prête à lâcher le pouvoir. Mais enfin, dans ce monde politique plein de surprises mais fortement orienté vers le mondialisme, même avec des variantes relatives aux blocs de pouvoir, on finit par se poser, fût-ce à tort, des questions.