« Allahu akhbar ! » : les élections locales britanniques marquées par le vote islamique pro-palestinien

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Le conflit israélo-palestinien sert aussi à ça : à changer le cours de la vie politique au Royaume-Uni, où les élections locales ont révélé la nouvelle faiblesse des Travaillistes et les difficultés à prévoir des Tories face au vote musulman. Le Labour Party qui drainait une bonne part du vote islamique a perdu de nombreuses voix potentielles en raison des prises de position du chef du parti, Keir Starmer, sur Gaza ; le parti conservateur voit sa capacité à remporter une majorité réduite à mesure que le vote prend cette tournure religieuse nouvelle. Un élu municipal à Leeds, qui se présentait sur la liste des Verts, portant chapeau et tunique islamiques, a salué sa propre victoire par un discours grossier qui s’est achevé sur l’invocation du sort de Gaza avec les mots « Allahu Akhbar ».

Il fait partie des dizaines de candidats élus en tant que musulmans pro-palestiniens, qui ont fait campagne non sur des questions de politique locale mais sur la guerre israélo-palestinienne. A Bradford, Rizwan Saleem a remporté son élection au conseil municipal en tant que candidat indépendant en ayant annoncé sur TikTok, la semaine dernière, que voter Labour serait un signe de complicité avec le « génocide en Palestine ». Il a été triomphalement accueilli par un parterre de coreligionnaires après avoir remporté 2.224 voix contre 1.448 pour le candidat travailliste. Le conservateur en a rassemblé péniblement 267… Même si le Labour conserve la majorité dans la ville, l’événement est révélateur.

 

Le vote islamique en première ligne aux élections britanniques

A Birmingham, un avocat pénaliste qui a fait campagne sur la question palestinienne, Akhmed Yakoob, n’a certes pas remporté l’élection, mais alors que sa campagne n’était guère répercutée par les médias, et qu’elle n’a mobilisé que peu de moyens, il a réussi à rassembler près de 43.000 voix dans la ville face aux 80.000 votes travaillistes, et c’est en soi un exploit.

A Blackburn, le parti travailliste a réussi à conserver sa majorité mais en perdant de nombreuses voix au profit des « rebelles » indépendants qui avaient quitté le Labour en affichant leur soutien au Hamas. Tant les travaillistes que les conservateurs ont perdu des conseillers et c’est le groupe 4 BwD, présidé par Mustafa Desai, qui devient la première formation d’opposition. Les circonscriptions locales de Little Harwood et Whitebirk ont été remportées par Tiger Patel, ancien Tory devenu indépendant qui a proclamé : « Cette victoire n’est pas ma victoire. C’est une victoire des gens innocents de Palestine. Je suis très heureux. »

Le poids de ces victoires est tel que le groupe « The Muslim Vote » qui a fait campagne pour que les électeurs islamiques soutiennent des candidats pro-palestiniens vient de présenter une liste de 18 exigences au parti travailliste qui se voit sommé de les honorer sous peine de perdre le vote musulman. Aux élections générales, celui-ci se reportera sur les Verts ou sur les Liberaux-Démocrates si les demandes présentées ne sont pas satisfaites.

 

Les 18 exigences du lobby pro-palestinien

Celles-ci s’ouvrent sur une sommation de présenter des « excuses » pour avoir donné le feu vert à un « génocide » et pour ne pas avoir soutenu le cessez-le-feu en octobre et novembre 2023.

Le Labour devra aussi s’engager à imposer des sanctions sur les sociétés et les colons habitant dans les « territoires occupés » et à reconnaître l’Etat palestinien.

The Muslim Vote réclame, dans un anglais approximatif voire parfois quasiment incompréhensible, une interdiction de voyage à l’encontre des responsables politiques d’Israël ayant soutenu la guerre et l’« occupation illégale », la fin des liens militaires avec Israël, le droit pour les musulmans de prier à l’école… Le groupe veut des changements quant à la définition légale de l’extrémisme et la modification de la définition de l’islamophobie, plus de dépenses de santé pour les zones les plus pauvres dans un contexte d’« inégalités systémiques et chroniques », ou encore la mise en place de systèmes de financement de la retraite « charia compatibles » dans l’ensemble des entreprises, en même temps que 7 % des investissements du secteur public dans les fonds de pension devront abonder des fonds « éthiques et islamiques ».

L’islam fonctionne ainsi comme un lobby à part entière, en attendant, demain, de dicter sa loi ?

 

Anne Dolhein