Elections en Iran : Hassan Rouhani est tout sauf un modéré ; Trump joue sunnites contre chiites

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Hassan Rouhani

 
Toujours intéressant dans ses analyses, le journaliste climatosceptique Christopher Booker vient de publier une chronique à propos de l’élection présidentielle en Iran, où la victoire de Hassan Rouhani a assuré une continuité internationalement saluée – notamment lors de la rencontre régionale du Forum économique mondial à Dubaï. Réélu avec plus de 57 % des voix, Rouhani est présenté comme le « modéré », le partisan de l’ouverture au monde qui aurait remporté une victoire éclatante sur son rival partisan d’une ligne islamique « dure ». Booker crie à l’enfumage. Car Rouhani, dit-il, est tout sauf un modéré. Et Donald Trump n’en a pas tenu compte dans sa stratégie pour le Proche-Orient, qui joue la carte des sunnites contre les chiites.
 
Tout cela se produit dans un contexte de raidissement géopolitique qui marque un changement de fond dans les relations internationales mis en place sous l’impulsion des Etats-Unis. Contrairement à Barack Obama qui a cherché des arrangements avec l’Iran au risque de déplaire – et même fortement – à Israël, Donald Trump a choisi le camp saoudien en entrant de plain-pied dans le différend à l’intérieur de l’islam. Certes, dans l’Orient compliqué, le jeu des alliances élections américaines n’ont jamais été absolument binaires. Mais avec Trump, on passe à une autre dimension, et ce n’est pas celle qu’annonçait sa campagne.
 

Hassan Rouhani : les élections en Iran ont remis en selle non un modéré mais un tyran

 
« On est largement passé, la semaine dernière, à côté du glissement géopolitique remarquable qui a eu lieu lorsque le président Trump a aligné l’Arabie saoudite et Israël dans une sorte de “coalition de style OTAN” face à un pays qu’ils sont d’accord pour présenter comme étant au cœur de la plupart des problèmes du Proche-Orient : l’Iran. Contredisant de sa rhétorique de campagne qui paraissait opposer les Etats-Unis à tous les musulmans, Trump est désormais allié avec la moitié du monde musulman », écrit Booker.
 
Vu ce qui se passe en Iran, le chroniqueur note que le choix présidentiel fait preuve d’un manque de vision qui fait passer Trump à côté d’une pièce essentielle du puzzle : il ne tient aucun compte de l’opposition interne au président Rouhani et se place dans le cadre de l’opposition sunnites-chiites.
 
Or, explique Christopher Booker, le caractère tyrannique du régime iranien permettait de jouer une autre carte. L’élection de Rouhani ? « Une farce effroyable », qui a donné une victoire tout en faux-semblant à celui qui a présidé à l’effondrement continu de l’économie iranienne et qui a fait de l’Iran le pays le plus prompt à exécuter des sentences capitales : celui-ci affiche le taux d’exécution le plus élevé au monde. A quoi s’ajoutent les emprisonnements de dissidents.
 

Trump désigne l’Iran comme l’ennemi en s’entourant de l’Arabie saoudite et d’Israël

 
« Les pouvoirs réels en Iran résident dans le Corps des Gardiens de la révolution iranienne responsable exclusivement devant son Guide suprême, l’ayatollah Khamenei. Les Gardiens de la révolution contrôlent plus de 50 % de l’économie iranienne et se chargent aussi de « maintenir la pression de la terreur sur place et à l’étranger », affirme Booker.
 
Christopher Booker rappelle en passant que Hassan Rouhani se vante d’avoir arraché à l’Occident les accords nucléaires qui ont permis de lever partiellement les sanctions frappant le pays, en débloquant notamment l’équivalent de 43,5 milliards d’euros gelés sur des comptes en Occident. Mais il faut rappeler qu’Obama et ses alliés voulaient cet accord. Coûte que coûte. Booker ajoute que la quasi-totalité desdits 43,5 milliards sont retombés dans la poche des Gardiens de la révolution, servant notamment à financer le Hezbollah et les mercenaires au service de Bachar el-Assad, ainsi que « la déstabilisation désastreuse du Yémen ». Il y avait aussi « les interventions en Irak où, jusqu’à l’arrivée de Trump, ils recevaient le soutien aérien des Etats-Unis ».
 

Trump joue les sunnites contre les chiites

 
Booker ajoute foi aux rapports qui filtrent d’Iran et qui rendent compte des élections largement truquées, où la participation a été bien moindre que celle annoncée par le régime. « Les deux candidats étaient ceux de factions en guerre, chacune accusant à juste titre l’autre de corruption massive », affirme le journaliste. Celui-ci rappelle que l’opposition avait largement appelé à boycotter ces élections, que ce soit du côté des Moudjahiddine du peuple ou d’autres opposants qui se comptent en centaines de milliers d’exilés volontaires à travers le monde.
 
« Ces Iraniens représentent la seule pièce qui manque à la coalition de Trump, afin de démontrer qu’il ne s’agit pas ici d’une lutte de sunnites contre chiites, mais qu’il y a un grand nombre d’Iraniens chiites plus désireux de voir la fin du régime meurtrier de Téhéran que quiconque », écrit Christopher Booker.
 
Mais dans un monde qui « avance » vers un but bien précis à coups de dialectique bien contrôlée, ce n’est pas le bien des peuples que l’on recherche, mais un certain type de confrontation.
 

Anne Dolhein