Emeutes : comment les « conservateurs » de Russie accablent la France au nom d’une dialectique bien rodée

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Les médias russes « nationalistes », ceux dont se gargarisent ceux qui voient en la Russie de Poutine le « rempart de la chrétienté », ont une vision bien révélatrice des récentes émeutes en France qui ont mobilisé des milliers de jeunes « issus de l’immigration ». N’allez pas y chercher une dénonciation d’une politique de l’immigration imposée aux Français contre leur gré, ni une mise en cause des responsables politiques. Non, c’est la France et les Français qui sont visés, et leur histoire, en particulier leur histoire coloniale. Guerre de classe, guerre d’ethnie, mais finalement justifiée : voilà ce que suggèrent les médias rt.com (sous contrôle du Kremlin) et Tsargrad.tv (sous contrôle de l’oligarque Konstantin Malofeev).

On apprend ainsi via Tsargrad, sous la plume de Vladimir Khomyakov (ancien militaire de l’URSS, ancien secrétaire de l’organisation Komsomol, puis après 1991, militant pour la famille, la jeunesse et la morale), que la France connaît peut-être une réitération de l’histoire :

« Il y a eu dans l’histoire de France une rébellion sauvage dans sa cruauté – la “Jacquerie”, lorsque des milliers de “Jacques” affamés, poussés à bout par la politique de leurs élites et une guerre dévastatrice, se sont précipités pour détruire des châteaux et domaines, massacrant la noblesse française avec enfants et familles. Des caractéristiques de cruauté et de vandalisme insensés sont clairement visibles dans les événements qui se déroulent en France ces jours-ci. »

 

Les émeutes, une « jacquerie » de jeunes opprimés par la France ?

Rien de nouveau sous le soleil, donc, dans la descente des « milliers de migrants dans la rue », répondant au « prétexte » de l’affaire Nahel : « A quoi les migrants chômeurs, lassés de l’oisiveté, ont répondu avec enthousiasme. » « Chomeurs », ces voyous de 14-18 ans ?

L’auteur voit en tout cas en leurs émeutes « une véritable menace pour l’existence du pays », d’autant que l’affaire a reçu le soutien de « la gauche ». Et peut-être même d’ailleurs : « Les manifestants ne déferlent pas dans les rues avec des pétards : certains portent des grenades actives et des fusils de précision de gros calibre Accuracy International modifiés, qui ont été fournis par les Américains à l’Ukraine l’été dernier. Et si c’étaient les Ukrainiens qui avaient armé les émeutiers français ? »

Khomyakov interroge alors un journaliste russe, Timur Shafir. Si celui-ci pense que les enfants de migrants nés en France ne se considèrent pas d’abord comme français, il voit aussi une motivation économique à leurs pillages :

« La France est peut-être le pays le plus “social” de l’UE, qui a appris aux “vieux” Français à percevoir le travail comme un passe-temps, confiant un travail acharné à la première génération de migrants. Le résultat était un mélange explosif qui pouvait faire exploser non seulement la France, mais aussi d’autres pays de l’UE. »

 

Des médias de Russie présentent les émeutes comme une tentative de s’intégrer par la fainéantise

En somme, ces vieux fainéants de « vieux Français » ont laissé faire le travail par des migrants et aujourd’hui, assure Shafir, « la relève est apparue, qui veut vivre comme les “vieux” Français, et perçoit le travail comme un passe-temps. Les émeutes ne sont qu’un coup de poing dans le nez des “vieux Français” pour qu’ils n’interfèrent pas avec cela… »

Et personne ne veut reconnaître, selon Khomyakov, que cette « jacquerie migrante » est « une conséquence directe de la politique de l’Occident avec son imposition de la dictature de diverses minorités nationales et raciales ». Au contraire, se lamente-t-il, il existe des gens qui accusent la Russie d’avoir favorisé l’immigration de masse en Europe « pour semer le chaos ». « Heureusement que l’Empire russe n’est pas accusé d’avoir imposé à l’Europe la création d’empires coloniaux pour faire naître de futurs fossoyeurs de culture européenne à partir de la population des colonies. »

Car l’Europe est coupable de tout… « Contrairement à l’Europe, la Russie, tant au temps de l’Empire qu’au temps de l’URSS, a été un bienfaiteur pour sa périphérie nationale, et non un exploiteur. Cependant, chaque étudiant là-bas vous dira maintenant que leurs peuples vivaient sous le “joug des Russes”. Et cela en dépit du fait qu’au moment de l’entrée en Russie, nombre de ces peuples étaient au début de la sauvagerie féodale, n’ayant ni industrie, ni soins de santé, ni éducation. »

 

La bienfaisance de la Russie contre le méchant colonialisme de la France

C’était le temps béni du communisme ? Le temps de la bienfaisante Union soviétique ? Voilà ce qu’on retire de cette tribune, publiée sur un site « conservateur » : elle dit en substance que la France n’a que ce qu’elle mérite.

Rt.com fait pour sa part appel à une chroniqueuse politique « conservatrice » canadienne, Rachel Marsden, qui explique la folie destructrice des jeunes émeutiers par le fait que la France serait « la nation de l’enfant roi » – où les enfants se comportent tellement mal que le président Macron est obligé de menacer les parents de sanctions pour ne pas avoir rempli leurs obligations parentales les plus élémentaires.

Elle ajoute : « Bienvenue en France, où tout est permis et où quiconque tente d’imposer un minimum de retenue ou de discipline est toujours le problème – qu’il s’agisse des clients de la piscine locale agacés par les enfants qui leur sautent dessus, ou des usagers des transports en commun qui subissent les agissements des enfants qui se comportent en public comme s’ils étaient dans leur propre salon. Les adultes qui s’expriment se voient généralement répondre par les parents que les enfants ont tout à fait le droit de s’exprimer. »

Et d’ajouter, sans nuance et sans distinction : « En France, les jeunes se comportent en toute impunité. Ils savent qu’ils ne risquent pratiquement rien en commettant des délits, qu’il s’agisse de détruire des infrastructures ou de tirer sur la police. Même les peines de prison prononcées jusqu’à présent à l’encontre de certains des émeutiers déjà passés par le système se résument pour la plupart à des peines avec sursis total ou partiel, purgées à domicile avec un bracelet électronique. Ceux qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement ont généralement déjà été condamnés pour des délits similaires. »

Vraiment ? Tous les Français ? Tous les jeunes ? De toutes origines ?

 

Dialectique toujours : opposer les enfants de migrants exploités aux Français ségrégateurs

Ne pouvant pousser la généralisation trop loin, Rachel Marsden signale quand même que les jeunes « voyous » sont issus de ghettos où « la France » a délibérément entassé des migrants destinés à fournir une main-d’œuvre bon marché « pour des raisons purement économiques ».

Elle ajoute : « La France a nourri ces ghettos, et le pays récolte aujourd’hui les conséquences de sa propre vision. Il n’est pas étonnant que de nombreux migrants ne se considèrent pas comme des Français avant tout, ou ne respectent pas l’Etat, alors que l’Etat a facilité leur ségrégation. La seule manière dont ils s’intègrent parfaitement au reste de la population française réside dans leur absence totale de retenue ou d’autodiscipline et dans leur mépris à l’égard de quiconque tente d’imposer un quelconque respect, une quelconque rigueur ou une quelconque exigence. En ce sens, au moins, ils se sont parfaitement adaptés à la culture française. »

On imagine mal analyse plus insultante, et plus simpliste. Que la politique d’immigration (y compris au moyen du décervelage des jeunes par l’Education nationale) puisse être utilisée à des fins précises, au service d’un chaos dialectique, soit. En accuser tous les Français (accablés de maux qui ne leur ressemblent guère), après des décennies de manipulations – notamment par les communistes et leurs courroies de transmission – pour imposer l’« antiracisme » museleur en vue d’une préférence étrangère, c’est vraiment fort de café.

 

Jeanne Smits