C’est dans le « Sud global » – autrement dit, les pays « en développement » et anciennement colonisés – que les plus va-t-en guerre des médias russes espèrent trouver des combattants pour renforcer « l’opération spéciale militaire » de la Russie de Poutine en Ukraine. Une « opération spéciale » que tsargrad.tv, de l’oligarque Konstantin Malofeev, présente comme une guerre à part entière contre le « mondialisme », en évoquant le « désir » de « milliers » de citoyens de pays « alliés » de la Russie de venir se battre sous le drapeau du Kremlin.

Malofeev est bien connu des milieux conservateurs en France, en Italie et ailleurs pour sa Fondation Saint-Basile et son soutien à la définition traditionnelle du mariage et de la famille ; ils sont moins au courant de ses déclarations en faveur de la prise de Kiev par Moscou ou ses appels à l’alliance avec l’islam contre l’Occident.

Les « milliers » de combattants rêvés par Tsargrad ne sont qu’une extrapolation à partir de quelques témoignages individuels. Mais leur mise en exergue est symptomatique d’une radicalisation russe, qui cherche à jouer la carte de la « multipolarité » sur tous les plans – effort militaire compris.

Les alliés de la Russie pourraient bien fournir quelques combattants…

On lit ainsi que la vidéo mise en ligne par un Chinois nomme Ulo « gagne en popularité » : ce jeune homme s’est mis à disposition de l’armée russe et annonce au passage que la Chine a envoyé des drones pour aider « nos soldats ». « Vous savez que nous n’aimons pas les nazis… L’amitié sino-russe durera toujours, la victoire sera à nous ! », proclame-t-il, dans un contexte de fortes « opinions positives » des Chinois à l’égard de la Russie.

Tsargrad précise : « Dans de nombreux pays de qu’on appelle le “Sud global”, les gens sont prêts à prendre les armes pour défendre la Russie contre l’ordre mondial centré sur les États-Unis. Sur Internet, vous pouvez trouver des vidéos de différentes régions d’Afrique, où des personnes armées affirment ouvertement leur désir de rejoindre les rangs de nos troupes. »

Et de citer une vidéo mise en ligne par « des représentants » de la République centrafricaine pour annoncer : « Nous sommes prêts. Si la Russie nous le demande et nous dit d’aller en Ukraine, nous irons en toute détermination. Nous aiderons les Russes à lutter contre les pays de l’OTAN qui ne peuvent pas nous intimider. Nous sommes prêts à nous battre parce que la Russie nous a aidés à nous battre dans notre pays et nous avons gagné. »

La Russie de Poutine à la recherche de retours sur investissements en Afrique

De fait, la Russie est très présente dans ce pays riche de mines d’or et de diamants depuis plusieurs années, notamment grâce à des troupes du corps de mercenaires Wagner qui soutient le régime en place et en profite pour dénigrer la France.

Tsargrad cite encore « un homme qui s’est présenté à Ria Novosti en tant que citoyen camerounais » : « Nous Camerounais, si on nous demande d’aller soutenir la Russie, nous irons sans opposer de résistance », aurait-il dit. Idem pour un « citoyen du Congo » : « Nous, soldats congolais, sommes prêts à soutenir la Russie dans sa lutte contre l’Ukraine. Tout ce qui s’y passe est l’œuvre des Européens. »

Le propre fils du président de l’Ouganda, Muhoosi Kainerugaba, est cité comme ayant lancé : « Appelez-moi “Poutiniste” si vous voulez, mais nous, l’Ouganda, nous enverrons des soldats pour défendre Moscou si jamais elle est menacée par les impérialistes ! »

Tsargrad verrait bien la Russie se doter d’une Légion étrangère « contre le néonazisme, le satanisme, l’expansionnisme américain ».

La propagande va bon train, et joue à fond la carte dialectique contre le « diable » occidental…

Jeanne Smits