Un petit cercueil d’un blanc immaculé. Une marée de fleurs blanches. Des enfants portant des lys blancs, symboles de la pureté. Pour les obsèques du petit Emile, samedi matin, en la basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, tout montrait la beauté d’une petite âme partie rejoindre le ciel pour y chanter éternellement la gloire de Dieu. Emile est devenu, par la grâce de Dieu, un petit apôtre de la prière et de l’espérance surnaturelle. Un enfant baptisé qui meurt avant d’avoir atteint l’âge de raison est encore revêtu de l’innocence de son baptême, et il jouit aussitôt du bonheur éternel. Du salut que Dieu dans son amour infini désire pour chacun, mais que nous sommes si tentés d’oublier…
La mort du petit Emile fut tragique, on peut même parler de la pire tragédie qui soit pour des parents. Disparu inexplicablement du Haut-Vernet le 8 juillet 2023, on ignora tout de son sort jusqu’au jour où une promeneuse découvrit le crâne du garçonnet sur un chemin de chasse fréquenté, non loin de ce petit village, le Samedi-Saint suivant, le 30 mars 2024. Les parents d’Emile, Marie et Colomban, en furent avertis le dimanche de Pâques, alors qu’ils se rendaient à la messe de la Résurrection. C’était la fin de près de neuf mois d’angoisse indicible. Douleur insondable et délivrance à la fois. Ils savaient enfin où était leur fils, cet enfant de Dieu par le baptême : dans les bras de notre Mère du ciel, contemplant la Trinité sainte et tous les anges et saints du paradis.
Emile et la joie de Pâques
Dix jours plus tôt, la maman d’Emile avait commencé une neuvaine à Vincent Lambert, mis à mort par la barbarie de ceux qui rejettent la loi naturelle en refusant aux plus faibles, aux plus fragiles, les soins élémentaires dus à chacun de nos semblables. Elle le suppliait pour la vie de son petit garçon, ou au moins pour savoir. Ne pas rester dans la torture de l’angoisse. C’est au dernier jour de la neuvaine qu’Emile fut retrouvé. Et c’est dans la joie de Pâques que la nouvelle fut donnée à Colomban et Marie, qui ont dû se souvenir alors, dans leur douleur, du dessin qui leur avait été envoyé par une amie moins de deux semaines après la disparition de leur premier-né : on y voyait Jésus Ressuscité, devant la pierre roulée de son tombeau ouvert, prenant le petit Emile par la main…
Telles sont les délicatesses du ciel.
La messe de sépulture des petits enfants est célébrée en blanc ; on chante le Gloria, on ne sonne pas le glas mais le carillon de la fête. Pour une telle occasion, on peut choisir une messe votive : ce fut en l’occurrence celle de la grande fête mariale de la Purification du 2 février – et de la présentation de Jésus au Temple. Fête de joie et de douleur où la Vierge Marie, offrant son premier-né à Dieu, son père, entendit qu’un glaive transpercerait son Cœur Immaculé, en même temps que Siméon jubilait d’avoir vu le salut.
Les obsèques d’Emile, une messe en blanc
Les parents d’Emile ont voulu que leurs nombreux invités, et les centaines de personnes qui les ont rejoints dans la grande basilique où reposent les restes mortels de sainte Marie-Madeleine – troisième tombeau de la chrétienté – soient vêtus de blanc ou portent des couleurs joyeuses. C’était une messe grégorienne triomphale célébrée dans le rite traditionnel, ponctuée de chants polyphoniques des XVe et XVIe siècles et de touchants cantiques à la Vierge. Ne célébrait-on pas un nouveau petit saint ? Dans la nef, un silence recueilli, impressionnant – malgré le nombre de fidèles… mais pas seulement. Tous ceux qui sont venus n’avaient pas la foi. Ceux-là ont pu découvrir ce qu’est l’espérance chrétienne ; ils ont découvert l’équilibre de la foi chrétienne qui ne nie pas la souffrance ni le deuil, mais qui leur donne une signification et qui apporte, malgré tout, une consolation.
C’est tout le sens de l’homélie de l’abbé Louis Le Morvan, de la Fraternité Saint-Pierre, que nous reproduisons ici. Comment ne pas être frappé par ses mots, bouleversé par l’émotion palpable de cet ami des parents ? Dans cette vallée de larmes, il n’est pas interdit de pleurer.
Oui, des larmes ont coulé à la vue du petit cercueil porté par les parents d’Emile, son parrain et sa marraine. Mais quel apaisement que cette messe d’obsèques qui ne laisse pas ceux qui souffrent sans réponse à leur douleur.
Apôtre du bonheur éternel, Emile enseigne l’espérance
Au moment de sa disparition, le petit Emile a été le petit apôtre de la prière : combien de supplications se sont élevées, combien de sacrifices offerts, combien de nuits d’adoration… Des inconnus confiaient qu’ils avaient retrouvé le chemin de l’Eglise pour prier pour le retour de ce chérubin dont la petite bouille espiègle a ému la France entière.
On pourrait penser que toutes ces prières n’ont pas été entendues, car Emile n’a pas été retrouvé vivant. Mais comme à Marie-Madeleine, il lui a été donné la meilleure part. Et par la messe que ses parents ont voulue ouverte à tous, par les paroles inspirées de celui qui l’a célébrée, par leur témoignage de foi et d’espérance, ils ont rappelé au monde qui ne le sait plus que la mort n’est pas une fin, mais « l’entrée dans la Vie ».
Et c’est peut-être ce dont notre monde a le plus besoin aujourd’hui, parce qu’on ne lui en parle plus guère. Le petit Emile est devenu, par la grâce de Dieu, un petit apôtre des fins dernières, un vivant rappel – oui, plus vivant que nous – de ce bonheur éternel que Dieu offre à chacun. Tout, au terme de sa brève existence, l’a montré.
Qu’il console ses parents. Mais qu’il intercède aussi pour que la tristesse de ce monde sans Dieu soit dissipée par le retour de la foi, et que la désespérance de ceux qui ne croient plus en rien puisse enfin céder devant « la lumière qui se révèle aux nations ».