DRAME Eperdument ♥


 
Eperdument est un drame français inspiré d’un fait divers récent. Un directeur de prison pour femmes avait été arrêté, poursuivi par la justice pour une liaison, évidemment interdite, avec une de ses prisonnières, la séductrice, ou « appât », du gang de Youssouf Fofana, bandit et islamiste ivoirien, et assassin d’Ilan Halimi (2006). Le fait divers horrible était pourtant bien connu, et la sottise du directeur en question inexcusable. Aussi n’était-il pas évident du tout d’intéresser le public, et, sur la durée d’un film, de lui faire croire, ou presque, à la réalité d’une liaison amoureuse entre le directeur et la séductrice. Y-a-t-il jamais d’amour véritable, éperdu, entre Anna Amari et Jean Firmino ? Le supposer paraît un peu naïf.
 
Pourtant, à notre grande surprise, le pari d’Eperdument est presque réussi. Les criminels, et leur nature n’est pas niée, ont encore une part d’humanité ; et ils peuvent en jouer, pour le pire, mêlant sincérité et manipulation. L’œuvre est placée explicitement dans la filiation de Phèdre, et celle de l’amour impossible et destructeur. Racine serait étudié à l’atelier théâtre de la prison, ce qui est une excellente chose. La fiction a rejoint indiscutablement une réalité pour le moins crédible, celle de l’absence totale de discrétion du directeur. Il a multiplié les extravagances suicidaires, après avoir négligé tous les avertissements patients de son épouse, de ses subordonnés et de sa hiérarchie, ou même de la police.
 

Eperdument intéresse le spectateur le temps du film

 
Cette dérive d’un homme initialement exemplaire est fort bien construite dans Eperdument. Sa femme et leur petite fille l’ennuient, chose monstrueuse mais sûrement vraie, et bien rendue en quelques courtes scènes essentielles. Son idéal humaniste de gauche, à force d’être à l’écoute des prisonnières, l’a poussé sur la pente de fautes manifestes, et toujours plus graves. La sous-culture de la pornographie, commune, partagée par les deux protagonistes, n’aide pas du tout, bien au contraire, à dominer les élans animaux. Il en résulte aussi quelques brèves scènes peu décentes, qui affaiblissent un peu le propos du réalisateur. Comment ne pas se méfier face à un tel comportement de prostituée ?
 
Les deux acteurs principaux, et en particulier Guillaume Galienne en directeur de prison, portent le film, lui donnent une crédibilité, pourtant pas évidente, rappelons-le, avec ce sujet. Adèle Exarchopoulos se révèle plus belle et moins vulgaire – relativement mais nettement – que son modèle, la réelle Anna Amari, à la capacité de séduction beaucoup moins marquée. L’environnement si particulier de la prison pour femmes est intéressant par son approche réaliste. Ces dames ne sont pas des sujets d’élite, sans être toujours foncièrement méchantes, et, pour la plupart, sont des migrantes venues enrichir la France au cours des décennies passées.
 
Le réalisateur a eu le bon sens de laisser malgré tout plus qu’une ambigüité dans le comportement final d’Anna Amari, qui se conduit assez durement avec un homme devenu inutile, même gênant, sur la fin. Elle décide d’avorter, avec une légèreté glaçante, ce qui ne rend décidément pas son personnage sympathique.
 
Éperdument, variation sur le thème de l’amour impossible et destructeur, peut intéresser le spectateur au moins le temps du film.
 

Hector Jovien

 
Eperdument drame film français