« Ponctuelle et insuffisante » : pour Mgr Mario Iceta, président de la sous-commission épiscopale « Famille et Vie » de la conférence des évêques d’Espagne, la nouvelle initiative pour limiter l’avortement annoncée par le Partido Popular (PP) de Mariano Rajoy ne change rien au fond. « L’avortement reste considéré comme un droit » : l’économie de la loi de mort votée à l’époque de Zapatero, la loi Aido, ne change pas. En voulant imposer le consentement parental pour l’avortement des mineurs de 16 et 17 ans, le gouvernement espagnol ne propose qu’un toilettage sans prendre en compte les véritables enjeux.
Le projet du PP était évoqué depuis le retrait de la proposition d’Alberto Ruiz Gallardon qui, sans être très ambitieuse, marquait une réelle rupture par rapport à la loi Aido – assez pour provoquer une levée de boucliers internationale et pour constituer un réel « petit pas » dans la bonne direction.
Le nouveau projet, présenté mercredi au Congrès des députés, ressemble davantage à un hochet brandi devant les pro-vie espagnols furieux de voir leur confiance trahie alors que Rajoy avait promis de modifier la loi sur l’avortement afin d’obtenir leur voix.
Limiter l’avortement en vue des élections en Espagne
C’est à l’approche des élections générales qui auront lieu avant la fin de l’année que le gouvernement de l’Espagne annonce cette « micro-réforme » – comme le dit Mgr Iceta – qui devrait être soumise au débat parlementaire en mars, soit avant la fin de l’actuelle session. Le PP avance le « consensus » qui se serait fait sur ce texte au sein du parti, alors que la proposition de loi Gallardon avait suscité d’intenses débats.
Mgr Iceta souligne l’« inconsistance » de cet argument : « On parle de manque de consensus pour réformer la loi en vigueur qui est injuste et inique, et pour proposer une loi qui respecte la femme enceinte, sa famille et le nouvel être qui vit en son sein. » Le consensus interne, le PP l’avait sur son programme électoral de 2011 qui promettait de mieux aider les femmes et de renforcer le droit à la vie, assure le prélat : « Ne pas remplir son engagement électoral constitue une fraude à l’égard de ceux qui ont voté. »
Et de rappeler que si c’est le « consensus externe » qui est recherché, le PP ne s’est pas encombré de telles considérations pour faire approuver la réforme du code du travail ou la loi sur l’éducation.
Un projet insuffisant puisque l’avortement reste un “ droit ”
Mgr Iceta reproche notamment à la nouvelle initiative pour limiter l’avortement de n’aborder aucune des questions urgentes qui se posent : celle du « droit à l’IVG », bien sûr, mais aussi la question des délais et de la possibilité d’ôter la vie à un enfant de la 14e à la 22e semaine en cas de handicap, et celle de l’objection de conscience que la loi Aido est loin de protéger convenablement.
La nouvelle initiative du gouvernement : une tromperie
Du côté des mouvements pro-vie en Espagne, le ton est encore plus vif. Gador Joya, porte-parole de Derecho a Vivir, qualifie le projet de « moquerie » et de « blague macabre qui met en jeu des milliers de vies humaines ». Elle rappelle qu’avant d’être au pouvoir, le Partido Popular « faisait des déclarations grandiloquentes contre la loi Aido, en assistant aux Marches pour la vie. » « Il est clair qu’à ce moment-là il n’était pas guidé par les principes mais par l’intérêt électoral », a-t-elle ajouté.
Les pro-vie en Espagne crient à la “trahison” des promesses sur l’avortement
« Nous ne pouvons permettre une trahison sur un thème aussi important et nous espérons que tout cela aura un coût électoral pour M. Rajoy et pour tout son gouvernement. Nous devons leur dire par les urnes que nous ne tolérons ni les trahisons, ni la tromperie, et ce d’autant plus qu’il s’agit de milliers de vies humaines », a-t-elle lancé, invitant les Espagnols à rendre manifeste leur « rupture avec Rajoy ».
Notons au moins ceci : en Espagne, promettre une meilleure protection de la vie est avantageux sur le plan électoral, revenir sur un aspect fût-il minime de la loi en vigueur apparaît même comme une nécessité en année d’élections. C’est dire que la situation est moins noire qu’en France. Il faut dire que le mouvement pro-vie ne cache jamais son objectif, qui est « l’avortement zéro », sans exceptions légales. Et que l’Eglise ne craint pas de s’exprimer.