L’UE avait brandi son accord avec Ankara en 2016, comme la solution miracle (bien que coûteuse) à ses petits problèmes de migrations… Malheureusement, les derniers chiffres dévoilés mercredi par la Commission dénotent une augmentation significative des arrivées de migrants par cette même Turquie (+900 % !) ainsi que par la route de la Méditerranée occidentale (+22 %), par rapport à la même période en 2017. Mais qu’on se rassure, ce n’est apparemment pas si grave pour la politique bruxelloise. Le commissaire aux migrations, Dimitris Avramopoulos, nous a redit mercredi que l’Europe devrait décidément absorber des vagues massives de migrants « pour les décennies à venir » et qu’elle « ne deviendrait jamais une forteresse ».
N’en déplaise à la Hongrie, à la Pologne, mais aussi à l’Italie aujourd’hui… la liste s’allonge, mais qu’importe, l’idéologie doit prévaloir.
Encore des ponts, toujours des ponts… pour les migrants
S’exprimant mercredi à Bruxelles, comme le rapporte Breitbart, Dimitris Avramopoulos a souligné que la Commission européenne s’opposerait à tout projet de construction d’une clôture à la frontière gréco-turque. Parce que « Nous sommes contre la construction de clôtures, au contraire, nous sommes en faveur de la construction de ponts avec les pays voisins »…
« L’UE ne sera jamais une forteresse. La migration ne concernera pas seulement l’Europe dans les décennies à venir, et nous devons être bien préparés. Aucun pays ne peut gérer cette situation seul. »
Bien préparés à la recevoir et non à la renvoyer. Dimitris Avramopoulos parle de « solidarité » entre tous les États membres, mais c’est bien dans ce sens et dans ce sens unique de l’Histoire auquel personne ne peut déroger.
L’Europe aux prises avec les élèves récalcitrants
Une petite réponse implicite et éclairante à la vive réaction, mardi, du chef de file de la Ligue du Nord en Italie, Matteo Salvini, en passe de co-gouverner le pays après sa victoire partagée de mars dernier. Il s’est rendu sur les réseaux sociaux pour critiquer « l’ingérence inacceptable » d’Avramopoulos dans la politique migratoire italienne…
De fait, le commissaire grec avait précédemment appelé l’Italie à maintenir sa position actuelle sur les migrations, conformément à la politique centrale de Bruxelles. « Nous espérons qu’il n’y aura pas de changement sur la ligne de la politique migratoire », avait déclaré Avramopoulos, craignant les dispositions de la nouvelle alliance qui doit présenter lundi son programme de gouvernement.
Il est clair que Matteo Salvini n’ a pas les mêmes préoccupations que le gouvernement en place : « le moment est venu » pour l’Italie de changer de cap sur la politique migratoire a-t-il déclaré. Et pour son porte-parole économique, d’ores et déjà, « les Italiens passent en premier »… (une réserve cependant : le Mouvement 5 étoiles, grand gagnant de l’alliance, n’est pas si clair sur la question, les prochaines semaines nous en diront plus).
Le commissaire a donc martelé ces mots avec soin et sûrement un léger rictus : « L’Italie est l’un des pays fondateurs de l’UE, je suis sûr que les Italiens sont attachés à cette perspective européenne et nous avons pleinement confiance dans le président Mattarella, dans la constitution et la république italienne ». Mais encore une fois, ce n’est pas de l’interférence, encore moins une menace…
Quelle position pour l’Italie dans le dossier migratoire européen ?
L’Italie pourrait, de fait, compliquer les projets bruxellois sur le terrain migratoire. Mercredi, Dimitris Avramopoulos, a indiqué que la Commission veut tenter de faire parvenir les dirigeants européens à un accord sur la révision des règles communes sur l’immigration et l’asile, lors du sommet des 28 et 29 juin prochains.
L’Italie, en particulier, voulait revoir ce système dit de Dublin qui confie la responsabilité du traitement d’une demande d’asile presque systématiquement aux pays de première entrée dans l’UE – ce qui fait retomber la charge évidemment davantage sur la Grèce et l’Italie que sur les pays du centre. Elle réclamait une plus juste répartition et s’opposait en ce sens au refus de la politique des quotas opposé par le groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, Pologne, République tchèque).
Seulement ses desiderata pourraient désormais évoluer. Et l’Italie changer, qui sait, de camp au sein des groupes européens…
Reste que l’Europe est parfaitement déterminée à continuer cette politique migratoire dans laquelle elle prévoit d’investir 35 milliards d’euros dans son cadre budgétaire pour 2021-2027. Elle parle encore de « contrôle » des frontières et de l’immigration, mais qu’on ne se méprenne pas : c’est toujours dans le seul sens de « gestion », et une gestion positive, comme doit l’être la discrimination… Dimitris Avramopoulos l’avait déclaré en décembre dernier : « Les migrants d’Europe sont là pour rester ».
L’Europe s’arrangera-t-elle pour séduire bon an mal an l’Italie et la maintenir en opposition avec le groupe de Visegrad, bien que de semblables positions anti-migratoires les rassemblent ? L’avenir nous le dira.