L’Europe adopte la loi sur la restauration de la nature : la décroissance au motif climatique

europe nature décroissance climatique
 

A douze voix près, ils ont eu chaud – presque autant qu’en plein réchauffement. Les fervents partisans de la lutte contre le changement climatique ont vu passer in extremis le dernier grand texte du Pacte vert européen (European Green Deal), à savoir la loi sur la restauration de la nature. Cette nouvelle grande réglementation environnementale a donc été votée par la gauche, les Verts et LREM. Elle organise mécaniquement la décroissance de l’Europe et « fragilisera autant nos pays que la protection de la nature » selon les mots du député François-Xavier Bellamy qui s’y est fermement opposé.

Et le plus désarmant est que l’approche des échéances électorales européennes (juin 2024) a sûrement amené nombre de députés et de partis à prendre position. Nous aurions peut-être pu y échapper – un moment.

 

Un texte pour sauver la Nature ?

Le Parlement européen a donc soutenu à une faible majorité ce projet de loi clé sur la biodiversité visant, sur le papier, à restaurer les écosystèmes naturels dégradés, soit à réensauvager les habitats terrestres et aquatiques de l’UE. Le vote de rejet de la proposition de la Commission n’a pas été adopté : 312 voix pour, 324 voix contre et 12 abstentions.

Il prévoit une série de nouvelles normes écologiques, avec pour ambition de reconstituer l’environnement déclaré en danger. Et s’ajoute, en ce sens, à la longue série des nouvelles normes votées dans le cadre du pacte vert européen : taxe carbone à l’entrée du marché intérieur, taxonomie sur les énergies, réglementation sur les émissions industrielles, normes de rénovation énergétique des bâtiments et sur la sortie du moteur thermique, etc.

Il faut réaliser les engagements internationaux. Peu importe les conséquences.

La nouvelle législation fixe donc, pour les pays, des objectifs de restauration contraignants pour des habitats et des espèces spécifiques, dans le but de couvrir au moins 20 % des zones terrestres et marines de la région, d’ici à 2030. C’est la mise en œuvre d’un accord historique conclu lors de la conférence des Nations unies sur la biodiversité en décembre, où les pays membres – y compris l’UE – sont convenus de protéger 30 % des terres et des océans du monde qui sont considérés comme particulièrement importants pour la nature.

Alors, les députés ont souligné qu’il n’imposait pas la création de nouvelles aires protégées dans l’UE, et qu’il n’empêchait pas de nouvelles infrastructures d’énergie renouvelable (entendez bien, « renouvelable » : le nucléaire ou le charbon pourront repasser). Reste que les effets à court et long terme risquent d’être catastrophiques.

 

Victoire climatique pour l’Europe – contre ses pays membres

« Nous avons gagné. C’est une victoire sociale : pour les scientifiques, pour les jeunes, pour beaucoup d’entreprises et d’entreprises, pour le secteur agricole », a déclaré aux journalistes Cesar Luena, le négociateur en chef du Parlement sur la loi, après le vote. Même si les Verts ont dit regretter « une version édulcorée » après le vote de plus de 100 amendements pour assouplir le plan – des modifications qui ne devraient pas beaucoup affecter, malheureusement, les objectifs fondamentaux de la loi.

Il faut dire que l’opposition menée par le Parti Populaire Européen et d’autres a été sévère : depuis des mois, ils accusent le plan de nuire aux agriculteurs, d’alimenter le risque d’inflation et de mettre en danger la sécurité alimentaire. Le tweet du député LR François-Xavier Bellamy est sans appel : « Le texte voté hier au Parlement européen est dangereux pour la planète autant que pour nos pays. » Rappelons qu’en mai, la proposition avait été rejetée par les commissions de l’agriculture et du développement rural (AGRI) et de la pêche (PECH) du Parlement européen. C’est dire si elle était contestable.

François-Xavier Bellamy a répondu aux questions de la journaliste de l’émission Ça Vous Regarde sur LCP, hier, 12 juillet : « Ce texte va mettre en danger non seulement notre économie, nos modèles sociaux, notre capacité à produire, mais aussi la nature. Il organise un agenda de décroissance pour l’Europe. En particulier un agenda de décroissance agricole. Il y a dans ce texte, des dispositions qui, l’étude d’impact de la Commission européenne le reconnaît elle-même, vont faire baisser la production alimentaire dans nos pays. (…) Et comme nous allons continuer à avoir faim, nous allons faire venir des denrées alimentaires de pays à l’extérieur de l’Union européenne, de pays qui ne respectent pas nos règles et font vraiment du mal à l’environnement. »

« Ne multiplions pas les couches réglementaires absurdes qui vont faire qu’à la fin, nous ne produirons plus. Nous serons alors peut-être très contents, ce jour-là, de ne plus polluer du tout, mais en réalité, la vérité, c’est que nous dépendrons entièrement de la production chinoise, indienne, américaine qui, elles évidemment, ne présentent aucun scrupule pour abîmer l’environnement et utilisent tous les intrants que nous nous refusons à nous-mêmes… C’est cette production-là à laquelle nous faisons des cadeaux. »

 

Décroissance organisée : mise en danger de l’agriculture et de la sécurité alimentaire

Notons qu’Ursula von der Leyen – la chef de la Commission européenne – fait pourtant partie du PPE. Mais l’enjeu était de taille, au niveau mondial : les instances devaient être satisfaites. L’Europe ne pouvait envoyer le signal qu’elle renonçait à ses objectifs environnementaux.

L’Irlande s’est en particulier félicitée de ce que ses 13 députés avaient voté pour le texte… 13 « oui » qui auraient pu faire basculer le vote. Alors que les agriculteurs irlandais protestent contre les propositions du gouvernement d’abattre du bétail dans le but d’atteindre les objectifs nationaux et européens de réduction des émissions de méthane… Mais l’argent européen est bien trop important.

On a fait le procès facile au PPE, dans cette opposition au texte, de s’être allié avec « l’extrême-droite ». Seulement plusieurs autres partis y figuraient, y compris des personnalités du groupe macroniste Renew. « L’enjeu dépasse de très loin les sujets de politique politicienne, signalait encore Bellamy, puisqu’il s’agit effectivement de sauver la nature. » Mais de sauver la nature, à rebours de ce que l’Europe bruxelloise et surtout les Nations unis par derrière préconisent !

Dans le même temps, mais il ne faut pas s’étonner des (apparents) paradoxes mondialistes, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Turk, prononçait il y a quelques jours lors de l’événement du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, une allocution ubuesque sur la disponibilité alimentaire mondiale, Pauline Mille l’a évoqué ici. « Plus de 828 millions de personnes ont souffert de la faim en 2021 (…) Notre environnement brûle. Ça fond. C’est épuisant. C’est en train de sécher. Il est en train de mourir. (…) Jusqu’à 80 millions de personnes de plus seront plongées dans la faim si les objectifs climatiques ne sont pas atteints. »

Alors, il y a comme un hiatus… L’UE va imposer de produire moins de nourriture, alors que la famine va fondre sur nous ? Le changement climatique a bon dos. C’est un autre moyen d’imposer un certain style de gouvernance mondiale. Et l’Europe tend gentiment ses poignets aux fers mondialistes. Déjà affaiblie, la sécurité alimentaire européenne va bel et bien être totalement remise en cause.

 

Clémentine Jallais