Le big data gouvernemental au service de la juteuse répression des automobilistes par le privé : les sociétés britanniques de gestion du stationnement payant ont obtenu de l’autorité publique les références de plus de 1,74 millions d’automobilistes en seulement trois mois, et cela à seule fin d’engager de fructueuses poursuites dont le fondement est par ailleurs contesté par l’automobile-club, le RAC. Les demandes d’information de la part de ces entreprises auprès de la DVLA, la très officielle Driver and vehicle licensing agency qui délivre cartes grises et permis de conduire outre-Manche, ont ainsi bondi de 70 % sur 12 mois. Les automobilistes français de Versailles, Paris et partout ailleurs où l’autorité publique a délégué ou déléguera au privé la gestion et la surveillance de places payantes de stationnement sont prévenus.
ParkingEye, Smart Parking… des amendes dépassant 100 euros par infraction supposée
ParkingEye, Smart Parking… ces sociétés utilisent ces informations légales pour poursuivre les propriétaires de véhicules individuels en raison d’infractions supposées commises sur les places de stationnement payantes qu’elles gèrent. A la clé, des amendes pouvant dépasser la centaine d’euros. En retour, ces entreprises abondent au budget de la DVLA à raison de 2,50 livres sterling par donnée légale fournie, permettant à l’agence gouvernementale d’encaisser quelque 1,4 million de livres par mois (1,56 million d’euros). Fructueux échange sur le dos des automobilistes.
L’histoire est venue sur la place publique après que des dizaines de médecins, infirmiers et aide-soignants eurent exprimé leur colère alors que l’Hôpital universitaire de Cardiff, un établissement du service public britannique de la santé, a autorisé une entreprise privée gestionnaire de ses places de stationnement à engager des poursuites devant la justice pour amendes non payées. Plusieurs de ces soignants ont été placés en arrêt maladie pour dépression. La plupart vivent dans l’angoisse de recevoir une avalanche d’amendes après s’être garés pour sauver des vies à l’hôpital.
Explosion des amendes de parking émises par des sociétés privées de gestion du stationnement
Ces personnels de l’hôpital de Cardiff font face à une facture totale de 12,8 millions de livres (14,3 millions d’euros) après que le tribunal, saisi par la société concessionnaire du stationnement, eut condamné les contrevenants à 128 livres de dommages-intérêts pour chaque plainte, somme à laquelle il convient d’ajouter des dizaines de milliers de livres d’amende.
L’automobile-club du Royaume-Uni (RAC) a protesté contre « l’industrialisation » de l’activité de ces sociétés délégataires du service public de stationnement, affirmant en outre que les automobilistes sont poursuivis et condamnés souvent pour des raisons « suspectes ». Sir Greg Knight, député conservateur, a rédigé une proposition de loi qui prive ces sociétés de leur autonomie juridique et exige qu’elles se soumettent à un code de bonnes pratiques. Son texte était examiné la semaine dernière à la chambre des Communes. L’enjeu est de taille : les sociétés en question émettent au Royaume-Uni un PV toutes les 4,5 secondes.
Le gouvernement britannique complice de la tonte des automobilistes
Steve Gooding, directeur de la fondation RAC, cité par le Telegraph, dénonce la cupidité des gestionnaires privés : « Trop c’est trop ! Ces chiffres démontrent que chaque année près du quart des propriétaires d’automobiles se voient exiger des amendes par les sociétés privées gestionnaires du stationnement, obsédées par les rentrées d’argent. » Il poursuit : « Personne n’exige des parkings gratuits pour tous sur lesquels les conducteurs pourraient faire ce qu’ils veulent mais, en ce moment, le problème c’est que ce sont des sociétés gestionnaires qui font ce qu’elles veulent. »
Durant le seul premier trimestre 2017, ParkingEye a acheté à la DVLA quelque 570.000 références de conducteurs (à 2,5 livres l’unité versées à l’agence officielle), un record. Smart Parking en a obtenu 125.000 et Euro Car Parks quelque 118.000. La DVLA se contente de ce commentaire : « Nous prenons garde de protéger très scrupuleusement l’information et nous disposons de sévères garde-fous afin d’assurer que les données soient utilisées à bon escient ». Ce qui ne semble pas empêcher que la motivation dominante de tout ce trafic soit, in fine, le pur profit.