Le patron de Facebook devant le Congrès : un Zuckerberg fidèle à lui-même, président « normal », stressé et moqué – qui l’a peut-être emporté

Facebook Congres Zuckerberg moque
 
Pauvre Zuckerberg… ?! De l’encre a coulé pour qualifier ses prestations de mardi et mercredi devant le Congrès des États-Unis. Le patron de Facebook devait rendre des comptes : mais la forme importait quasi autant que le fond. Or l’ancien d’Harvard n’a pas de grandes prédispositions pour l’éloquence : on a pu jauger le président « normal » de Facebook, préparé certes, mais aussi peu convaincant qu’une huître et aussi pâlot et stressé qu’un merlan quasi frit – journalistes et internautes s’en sont moqués à foison.
 
Certains y ont vu un accident politique. Une chose est sûre, néanmoins, le pâlot Zuckerberg, poli, humble et plein de bonne volonté n’est passé ni pour un je-m’en-foutiste, fort de ses milliards de dollars, ni pour un politique, rendu méprisant par son pouvoir. Et l’action Facebook en a profité pour remonter joliment en bourse.
 

S’excuser et rassurer : les objectifs de Zuckerberg devant le Congrès

 
Les sénateurs et représentants avaient quatre minutes chacun pour l’interroger. Zuckerberg devait employer toutes ses réponses à les (et nous) persuader de sa bonne foi, de sa franche désolation et de sa pleine détermination à « réparer » son Facebook. S’excuser des erreurs de politique de l’entreprise, rassurer sur la non-ingérence de puissances étrangères, conforter sur la protection des la vie privée de ses utilisateurs…
 
Alors que le scandale Cambridge Analytica a révélé la fuite des données personnelles de quelque 87 millions d’utilisateurs à des fins de profilage politique. Alors que le modèle économique-même de Facebook est remis en cause, celui qui, basé sur le traitement et la revente de données personnelles des profils des 2 milliards d’utilisateurs, lui rapporte d’immenses revenus publicitaires, soit plus de 90% de ses recettes…
 
On a bien appris quelques pépites. La représentante Marsha Blackburn lui a fait reconnaître que Facebook manipule subjectivement ses algorithmes pour donner la priorité au contenu ou censurer la liberté d’expression : « Oui, pour des choses comme le terrorisme » s’est défendu Zuckberberg ! Pas que, pas que… Mais rien de très novateur. Ce qu’il y a surtout à analyser, c’est la forme.
 

D’« aussi humble, agréable et direct que possible », le patron de Facebook se retrouve moqué

 
Conscient de ses faiblesses, le PDG de Facebook avait tout mis de son côté (en troquant en premier lieu son éternel T-shirt gris contre costume et cravate sobres). « Coaché » d’urgence pendant les deux semaines précédentes, il est allé jusqu’à engager une équipe d’avocats et d’experts dont un ancien assistant spécial du président George W. Bush. Comme l’écrivait un hebdomadaire new-yorkais, il fallait transformer le « codeur cérébral mal à l’aise en public, grâce à un conseil intensif d’humilité et de charme »…
 
Il devait avoir réponse à tout. Et on aurait pu le croire, venant de cet homme de trente-trois ans, self-made man, 5ème fortune du monde avec 71 milliards de dollars selon le dernier classement Forbes… un profil qui tient plus du génie que du bêta absolu.
 
Seulement Zuckerberg est resté Zuckerberg. Guy Adams dans le DailyMail, esquisse tout de go le « portrait d’un ballot : bégaiement, voix grinçante et robotique, le monde a vu cette semaine le vrai visage du patron de Facebook »…
 
Et son coussin pour commencer ! Le coussin qui rehaussait l’assise de son fauteuil pour gagner en assurance face à ses interrogateurs, alors que Zuckerberg mesure honorablement 1m71… Et son sourire, figé, stupide, digne d’un robot de troisième catégorie… Et ses yeux écarquillés, comme inquiets ! Pas moins de trente fois, il répondra aux membres du Congrès, « Mon équipe va revenir vers vous »… et s’adonnera le plus possible au jeu de l’excuse (qu’il pratique depuis longtemps). Il ne pourra pas même s’empêcher de rougir et de rire nerveusement, lorsqu’on lui demanda, pour fustiger son droit à la vie privée, dans quel hôtel il était descendu…
 

« Les mains de Zuckerberg se cachent sous la table »

 
Maintenant, l’expert Judi James, dans le Telegraph, affirme que les expressions faciales de Zuckerberg ressemblaient davantage à des emojis, qu’elles ne transmettaient réellement des sentiments éprouvés… Globalement, l’apparence était très policée, le contact visuel systématiquement établi avec son interlocuteur. Mais bien souvent, les gestes de ses mains ne correspondaient pas, selon elle, avec l’affect qui devait sous-tendre ses déclarations.
 
« Normalement, quand une personne ressent passionnément quelque chose, elle utilise ses mains pour la communiquer. Pendant qu’il présentait ses excuses ou qu’il parlait du travail de l’entreprise pour son engagement envers la vie privée des gens, les mains de Zuckerberg se cachent sous la table ou font une tentative maladroite pour gesticuler. » Ce qui pourrait suggérer que ses pensées étaient en désaccord avec les mots qui sortaient de sa bouche.
 
Pire, pendant qu’il se confond en excuses, il garde la tête haute, en ne clignant que très peu des yeux, parle fort et avec concision, serrant les lèvres ; son menton légèrement relevé montre des signes de résilience, voire un soupçon de défi…
 

Un président « normal » de deux milliards d’utilisateurs ?!

 
Autrement dit, l’homme contrit et un peu ridicule était-il si vrai que cela ? Peu importe, c’est la forme qui compte. Et d’un apparent naufrage, on peut tirer un savant éclat. Pour Noémie Le Menn, psychologue interrogée par Le HuffPost, « Si j’avais dû accompagner quelqu’un dans une telle situation, je lui aurais conseillé d’être authentique, de montrer de l’embarras… »
 
Apparaître ou rester comme quelqu’un de « normal », dont on n’aurait finalement pas trop trop à se méfier…
 
Le fait est que, pendant que l’homme était passablement ridiculisé sur les réseaux sociaux (dont les siens !), les actions Facebook gagnaient quelque 4,5 %, soit près de 23 milliards de dollars de valeur marchande supplémentaire. Un lien peut-être ?
 
Clémentine Jallais