Il ne faut pas se méprendre sur l’importance du vote, mercredi, par l’Assemblée nationale, d’une « résolution » affirmant « l’importance du droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse pour toutes les femmes, en France, en Europe et dans le monde ». Ni le peu de votants – 158 sur les 577 membres que compte la Chambre – ni la nature du texte ne doivent cacher la dimension symbolique de cette affirmation de l’avortement comme un « droit ». « Réaffirmation », dit d’ailleurs la résolution : c’est faux. Aucune loi française n’a jusqu’à présent explicitement qualifié l’IVG comme « droit fondamental », et aucun traité, aucune convention internationale ratifiée ne le fait davantage.
Il s’agit très clairement d’une tentative d’intimidation et de pression qui outrepasse largement les frontières de la France. La « résolution » parlementaire rend compte d’une intention générale, d’un consensus, d’une sorte de cadre juridiquement non contraignant mais de haute portée idéologique destiné à fixer les priorités françaises et les ressorts de sa législation et de son action internationale.
Un symbolisme fondamental
Que l’affaire soit symbolique, et donc « fondamentale », en effet, cela se constate à la fois dans la rédaction du texte et dans le choix de la date de sa mise aux voix : c’était le 40e anniversaire du grand discours de Simone Veil devant la même Assemblée, qui devait mener à la dépénalisation de l’avortement en France.
Dépénalisation : on était – sur le papier du moins – très loin du « droit » à l’avortement. L’IVG – qui relevait déjà d’un choix délibéré de la femme, de sa « volonté » – était présentée comme une exception à deux titres : elle devait permettre de répondre à une « détresse » à laquelle on était aussi censé venir en aide pour que l’avortement ne soit plus qu’une solution de dernier recours, et le geste demeurait pénalement répréhensible : c’est par exception que les sanctions de la loi n’étaient pas applicables dans des circonstances données.
L’IVG protégée comme un droit
Par ses révisions successives, répertoriées dans la résolution votée mercredi, la législation relative à l’IVG a accompagné un glissement rapide vers l’institution d’un quasi droit à l’avortement. De mieux en mieux remboursé – aujourd’hui c’est un acte « médical » gratuit – l’IVG allait au fil des ans bénéficier d’un statut d’exception : toutes les limites qui l’entouraient ont été peu à peu démantelées tandis que, parallèlement, les sanctions pour « entrave à l’IVG » allaient s’alourdir et le champ d’application de ce délit s’élargissait au même rythme jusqu’à inclure les « pressions morales ou psychologiques ». L’avortement du premier trimestre est désormais totalement libre, toutes les conditions théoriques fixées par les lois successives ayant désormais disparu, et le code pénal ne réprime plus que l’« avortement sans le consentement de la femme ».
Pour autant il serait faux de dire que l’esprit véritable de la loi Veil a été trahi : jamais ses dispositions restrictives n’ont été réellement appliquées et la dérive était contenue dans la transgression elle-même autorisant la mise à mort d’un être humain pour un motif quelconque.
Sept députés contre « l’avortement-droit » en France
Seuls sept députés ont voté contre la résolution portée par le PS et les écologistes : Jacques Bompard, Jean-Frédéric Poisson, Jean-Christophe Fromantin, Nicolas Dhuicq, Xavier Breton, Yannick Moreau, Olivier Marleix. Et les élus du « Rassemblement Bleu Marine » ? Gilbert Collard s’est abstenu. Et Marion Maréchal-Le Pen n’était pas là. Il est vrai que la ligne officielle du Front national ne prévoit pas une remise en cause de la législation actuelle sur l’avortement, l’attitude est donc parfaitement cohérente.
Il faut comprendre aussi que la résolution, qui prône également l’accès universel à la contraception et au planning familial, vise explicitement les programmes de contrôle de la population portés par les instances onusiennes, citant les conférences du Caire et de Pékin. En cela, la résolution française est aussi un épisode de la guerre sémantique où les partisans de la dépopulation tentent d’imposer l’idée de l’avortement comme « droit universel » opposable à toutes les nations, et où ils ont besoin de renforts. Car heureusement, il reste encore de nombreux pays dans le « concert des nations » qui s’opposent à cette pression mortifère.