Le Conseil des ministres du gouvernement indien a approuvé la création de dix unités de réacteurs à eau lourde pressurisée pour le secteur de l’énergie nucléaire civile. Ce qui devrait faire monter la capacité indienne à quelque 14.000 MW (mégawatts) issus de cette industrie (par comparaison 63,2 GW (gigawatts) pour la France). Le ministre de l’énergie indien a salué la croissance à venir de cette « énergie propre », d’autant plus bienvenue dans un pays qui dépend encore à 67 % de l’énergie fossile : l’environnement sera davantage préservé.
En France, Nicolas Hulot a confirmé la fermeture du site de la centrale de Fessenheim… pour le même motif. Y a comme un hiatus.
L’Inde, « un géant nucléaire en devenir » ? (LaRevueNucléaire.fr)
L’Inde exploitait déjà vingt-deux réacteurs répartis dans sept centrales nucléaires (la plupart d’origine russe ou américaine) cumulant une capacité de production de 6.780 MW. Cette fois-ci, elle construira elle-même les dix nouveaux réacteurs qui rajouteront 7.000 autres MW. Une affaire qui générera 11 milliards de dollars et signifiera la création de 33.000 emplois – on ne sait, toutefois, quand les unités seront opérationnelles. Ces réacteurs construits localement entrent dans le cadre du plan ambitieux « Produire en Inde ».
En 2016, l’énergie nucléaire comptait pour près de 3,4 % de la production électrique nationale : 67 % provenait encore d’énergies non renouvelables comme le charbon. La capitale indienne, New Delhi, est d’ailleurs la ville la plus polluée du monde… Croissance industrielle oblige, entre 1990 et 2010, le pays a vu croître ses émissions de CO2 de 180 %. Pendant que sa consommation d’énergie doublait dans le même temps – et la tendance ne risque pas de s’inverser.
Quatrième consommateur au monde d’électricité, l’Accord de Paris lui impose de développer de nouvelles sources de production décarbonées. Le nucléaire est évidemment la solution : l’Inde voudrait faire couvrir par celui-ci 25 % de son électricité, en 2050.
« On fermera Fessenheim » (Nicolas Hulot)
Bien sûr, elle s’est mise aussi au renouvelable, en investissant massivement dans la production d’énergie solaire. Mais elle ne lâche pas le nucléaire, bien au contraire. Son objectif est bel et bien de renforcer l’indépendance énergétique du pays, d’améliorer le quotidien des Indiens et aussi de lutter contre la pollution et l’indispensable changement climatique…
En France, on veut aussi (et surtout) lutter contre le réchauffement et améliorer le quotidien des Français… mais en démantelant ! « On fermera Fessenheim ! » a déclaré au 20h de France 2, hier, notre nouveau ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot (cela devrait rassurer ceux qui s’inquiétaient du fait que le nouveau Premier ministre avait travaillé trois ans pour le spécialiste français du nucléaire Areva…). Hollande l’avait promis, Ségolène Royal en avait annoncé le décret le 9 avril et Macron l’a confirmé. La plus vieille centrale de France sera bel et bien fermée – mais seulement à la mise en route de l’EPR de Flamanville (réacteur de 3e génération).
L’ancien présentateur d’Ushuaïa a redit sa volonté de voir la part du nucléaire français réduite à 50 % en 2025 – tandis qu’on verra nos importations de combustibles fossiles et nos émissions de gaz à effet de serre augmenter du même coup… Rien n’arrête la contradiction idéo-écologique. Car ce ne sont pas les baudruches des énergies renouvelables alias le photovoltaïque et l’éolien (PV) qui vont suffire à pallier la perte. Il suffit de regarder le dernier « bilan électrique » du Réseau de Transport d’Électricité national (RTE), filiale d’EDF : le nucléaire représentait, en 2015, 77 % de la production d’électricité nationale contre 4,2 % pour le PV…
Contradiction assumée que n’avait pas hésité à souligner, en 2015, le premier ministre indien Narendra Modi, en fustigeant les nations développées qui prêchent la bonne parole écologiste à l’Inde, mais refusent le combustible nucléaire pour l’énergie propre.
La Russie dans le nucléaire indien – et peut-être la France ?
Et que fait la France en Inde ? Et bien elle cherche à construire… du nucléaire. En 2015, Areva avait signé avec des partenaires indiens deux contrats de pré-ingénierie marquant la progression du projet EPR de Jaitapur, sur la côte ouest de l’Inde – un projet initié en 2009. En janvier dernier, le Premier ministre indien Narendra Modi a confirmé sa volonté d’acquérir, au plus tard début 2019, six réacteurs nucléaires EPR pour ce site qui représentera une capacité de 10.000 MW, soit 20 % de la production nucléaire française, en bref, la centrale nucléaire la plus puissante au monde. Un directeur exécutif du groupe EDF déclarait fin mars qu’ils ne désespéraient « de pouvoir signer un premier accord cette année pour engager des études ».
Mais pour le moment, c’est la Russie qui coopère avec l’Inde en matière d’énergie nucléaire. Depuis la signature en 2014 d’un accord avec la compagnie publique russe Rosatom, une livraison de douze réacteurs nucléaires a été prévue, étalée jusqu’en 2035 – et même une quinzaine aujourd’hui. Le premier réacteur de la centrale nucléaire indienne de Kudankulam compte parmi les plus puissants de l’Inde ; le deuxième générateur est prévu de commencer à fonctionner sous peu.