Savants dosages au gouvernement entre technocrates, politiciens et idéologues

Savants dosages au gouvernement entre technocrates, politiciens et idéologues
 
La composition du gouvernement Philippe répond aux exigences de l’image du candidat Macron, de l’efficacité de la mission Macron, et de la situation politique française : d’où de savants dosages entre ministres technocrates, politiciens et idéologues.
 
On les appelle « issus de la société civile ». Cela fait chic et sympa, cela veut dire que ce ne sont pas de vieux politiciens blanchis dans le sérail, qu’on les arrache à leurs études ou à leur réussite professionnelle pour faire bénéficier la république de leurs lumières et de leur enthousiasme tout neuf. Dans les années soixante, on les nommait technocrates :nbsp;: c’est leur capacité technique supposée dans un domaine qui leur vaut d’être au pouvoir.
 

Les technocrates sont des femmes, des savants, des idéologues

 
Le gouvernement Philippe en use et en abuse. A tout seigneur, tout honneur, voici d’abord Nicolas Hulot. Cela fait si longtemps qu’il s’autoproclame spécialiste de l’environnement qu’il ne viendrait à l’idée de personne de remettre la chose en question. Il l’a dit lui-même, il a bien voulu continuer son admirable combat aux côtés de M. Macron. C’est un technocrate charismatique et condescendant.
 
Voici la liste des autres technocrates. A la culture la patronne des éditions actes Sud, Françoise Nyssen. Au travail Muriel Pénicaud, DRH dans plusieurs grands groupes industriels, patronne de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, membre du Haut conseil du dialogue social. A la santé un grand médecin hématologue, Agnès Buzyn. A l’enseignement supérieur une femme qui a présidé une université, Frédérique Vidal. Aux transports la managère de la RATP, Elisabeth Borne. Aux personnes handicapées Sophie Cluzel, qui présidait depuis 2011 la fédération nationale des associations qui s’occupent d’élèves handicapés. A l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer, qui, avant de diriger l’Essec, a été deux fois recteur et patron de l’administration du ministère de l’éducation nationale.
 

Un gouvernement marqué par les dosages et la parité

 
On peut compter encore parmi les technocrates Laura Flessel, grande championne d’escrime qui a pris les sports, et Mounir Mahjoubi, qui a commencé comme technicien réseau chez Club Internet, avant d’atterrir secrétaire d’Etat chargé du numérique. Mais le choix de l’un et de l’autre répond aussi à d’autres dosages : ils sont jeunes (33 et 46 ans dans une équipe plutôt gériatrique), et en tant que Guadeloupéenne et franco-marocain, représentent la diversité visible dans un gouvernement jugé trop « blanc » par Jean-Christophe Cambadélis.
 
Sur les 22 ministres et secrétaires d’Etat, il y a donc près de la moitié de technocrates (10), et cela permet d’assurer la parité hommes femmes, le plus important des dosages : le milieu des politiciens est encore très infesté par les mâles, mais Philippe et Macron ont pu choisir huit femmes sur dix technocrates pour compenser.
 

Cinquante nuances de politiciens sur la palette de Macron

 
Les dosages entre diverses catégories de politiciens ont été assez sportifs, comme l’ont montré le coup de gueule de François Bayrou et la réponse de Richard Ferrand à la fin de la semaine dernière. Finalement tout s’est arrangé. Les socialistes ont leur lot, avec aux affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, à l’intérieur Gérard Collomb, à l’Outre-Mer Annick Girardin, à la « Cohésion des territoires » Richard Ferrand, aux relations avec le Parlement Christophe Castaner. Le Modem a de quoi satisfaire son appétit, François Bayrou ayant décroché la justice, Sylvie Goulard les armées, Marielle de Sarnez les affaires européennes. La droite pressée de se rallier a ramassé deux portefeuilles, Bruno Le Maire celui de l’économie, et le sarkoziste Gérald Darmanin les comptes publics. Edouard Philippe et Emmanuel Macron, dans leurs savants dosages, ont même eu une pensée pour le groupusculaire PRG, puisque le sénateur du Cantal Jacques Mézard a reçu en cadeau l’agriculture.
 

Un gouvernement d’idéologues au service du mondialisme

 
J’ai gardé pour la bonne bouche Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Sur l’échelle des politiciens, on pourrait la classer socialiste séduite par la république en marche, et sur celle des technocrates, féministe professionnelle, patronne du réseau Maman travaille lancé en 2008 à partir de son blogue. Mais il est plus juste de la classer parmi les idéologues de la « lutte contre les discriminations » de toute nature. C’est une « écrivaine » polygraphe qui a beaucoup pondu là-dessus, qui s’est démenée pour l’égalité et pour la charte LGBT, y compris au cabinet de la terrible Laurence Rossignol. Traduit en français, c’est une passionaria de l’inversion des valeurs.
 
Mais à considérer tous les autres, sauf peut-être Le Drian, Mahjoubi et Laura Flessel, on s’aperçoit que Philippe et Macron ont su sélectionner un gouvernement d’idéologues convaincus malgré la contrainte des dosages. Par exemple, qu’ils soient technocrates, Modem, socialistes ou ex-LR, des idéologues européistes tiennent tous les ministères clefs. Ce gouvernement est un chef d’œuvre de dosage et d’intelligence politique : toutes ses composantes concourent à la mission donnée à Emmanuel Macron, qui est d’adapter la France à la transition vers le mondialisme.
 

Pauline Mille