GPA : la Cour de Cassation rendra son verdict en juin – mais son procureur général recommande déjà l’inscription à l’état civil français des enfants

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Le 19 juin, la Cour  de Cassation sera amenée à se prononcer sur la question de l’inscription à l’état civil d’enfants nés de gestation pour autrui (GPA). Mais son procureur général a déjà fait savoir, mardi, qu’il recommanderait la reconnaissance de la filiation paternelle de ces enfants, sous réserve d’une expertise judiciaire pour fonder l’existence d’un lien biologique. Le Parquet nantais avait fait appel, mercredi 13 mai, conformément à la jurisprudence en vigueur, de deux décisions du tribunal de grande instance de Nantes sur le cas d’enfants nés par GPA en Russie de pères français.
 
Ainsi, la « mère d’intention » – ou le « père d’intention » dans le cadre d’un couple homosexuel – ne figurerait d’aucune manière. Mais la filiation par l’intermédiaire d’une GPA, acte illégal en France, serait néanmoins actée, car, selon le procureur général, « le droit au respect de la vie privée de l’enfant justifie que son état civil mentionne le lien de filiation biologique à l’égard de son père ».
 

Un tournant dans les décisions de la Cour de cassation ?

 
En 2011, la Cour de cassation avait décidé que « les enfants nés de cette manière à l’étranger ne pourraient être inscrits sur les registres d’état civil français », car c’était « l’aboutissement d’un processus frauduleux qui ne pouvait produire aucun effet ». Commencerait-elle à retourner sa veste ?
 
Ce sont, dans tous les cas, les prémisses d’un changement notable, si la recommandation du procureur est suivie, elle, d’effet… Il en résulterait un accommodement périlleux de la loi française à la sauce bruxelloise, qui prendrait en compte l’avis menaçant rendu par l’Europe à l’encontre de la France en juin 2014 – à savoir que le refus d’inscription à l’état civil portait atteinte à l’« identité » des enfants issus de GPA. Tout en réitérant l’interdiction de « faire produire effet » à des conventions de GPA, interdite en France…
 
Ce qui ne satisfera évidemment personne et ouvrira la porte à de futurs nouveaux accommodements.
 
Depuis quelques mois pourtant, s’organise une belle levée de boucliers. Non seulement de la part de la Manif Pour Tous qui demande « l’abolition universelle de la GPA » et qui a adressé une pétition au Conseil de l’Europe « contre le trafic des ventres ». Mais aussi à l’instigation de nombreuses personnalités d’une gauche « à la fois féministe, altermondialiste et antilibérale », qui a souhaité dans les pages même de Libération, « l’arrêt immédiat de la GPA dans le monde ».
  

Inscription à l’état civil d’enfants nés à l’étranger par GPA : le flou entretenu

 
Mais le flou pernicieux, engendré par les décisions de justice contradictoires qui se sont succédées jusqu’alors, montre bien l’indécision de la justice française. Une indécision confortée par Christiane Taubira qui a encore exigé mardi, que soient respectées « les décisions de justice » – en revanche, celles qu’elle choisit !
 
Et on ne peut gère accorder de crédit à un Manuel Valls, qui parlait il y a quelques mois d’ « une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes », mais, en 2011, d’une « évolution incontournable ».
 
Ce sera l’« évolution incontournable ». Et posée par la justice dans un processus oligarchique qui participe de la République des juges.
 

Refus suisse de la paternité d’un couple homosexuel, mais… paternité biologique reconnue

  
De son côté, le Tribunal Fédéral suisse a fermement annulé, hier mercredi, un jugement qui avait permis, en août dernier, à deux hommes pacsés d’être les pères légaux d’un enfant né d’une mère porteuse californienne en 2011 – le « lien de filiation » avait été reconnu par le tribunal administratif du canton de résidence.
 
Cette annulation, bien que justifiée dans un pays où la GPA est, tout comme en France, interdite, a été applaudie, parce qu’elle  montrait « clairement que les juges ne sont pas prêts à protéger le comportement de couples cherchant à contourner la loi suisse » et combien aussi, « l’identité de l’enfant est touchée lorsqu’il est mis au monde par un mère porteuse » – surtout que l’histoire concerne un couple homosexuel.
 
Elle consacrait en bref, « la victoire du droit de l’enfant sur le droit à l’enfant ».
 
Mais la filiation du père biologique sera néanmoins reconnue, car l’enfant a été conçue avec « les spermatozoïdes de l’un des ‘deux pères’ ».
 
Dans les faits, ce que nous prépare, pour juin, la Cour de Cassation…
 
La Suisse a entendu la leçon bruxelloise. La France fera de même. Et la GPA entrera peu à peu dans la « légalité ».
  
Clémentine Jallais