Le grand-maître de la Grande Loge d’Italie rend hommage au pape François

Grande Loge Italie François
 

L’œuvre du pape François « résonne profondément avec les principes de la franc-maçonnerie », affirme un communiqué publié lundi par la Grande Loge d’Italie à la suite de la mort du souverain pontife. Signé par Luciano Romoli, le grand-maître de cette loge de rite écossais issue d’une scission du Grand Orient d’Italie en 1910, cet éloge marqué salue en Jorge Mario Bergoglio un homme qui, « par son magistère et par sa vie, a incarné les valeurs de la fraternité, de l’humilité et de la recherche d’un humanisme planétaire ». Il a « su changer l’Eglise, remettant l’enseignement révolutionnaire de saint François d’Assise dans l’actualité de l’histoire », assure le grand-maître.

Révolutionnaire, saint François ? Non ! Il a au contraire prêché l’adhésion radicale à l’enseignement du Christ, sans la révolte et le rejet qui caractérisent toute révolution.

 

La Grande Loge d’Italie présente la pensée de François comme franc-maçonne

Précisons d’abord que ce n’est pas parce qu’un pape reçoit d’un ennemi de l’Eglise un hommage à l’occasion de sa mort que celui-ci est nécessairement exact. Il ne faut pas négliger la manière dont un groupe peut s’approprier l’image, ou capter l’héritage de tel ou tel à ses propres fins : s’agissant d’un souverain pontife, qui est à la tête d’une institution qui n’a historiquement jamais cessé de condamner la franc-maçonnerie, l’objectif de manipulation ne peut être exclu d’emblée.

Mais en l’occurrence, Romoli renvoie à des prises de position du pape François qu’il était impossible de ne pas constater de son vivant.

Son communiqué affirme ainsi :

« En ce temps de deuil, notre Communauté souhaite rendre hommage à la vision du Pape François, dont l’œuvre est profondément imprégnée des principes de la Franc-maçonnerie : la centralité de la personne, le respect de la dignité de chaque individu, la construction d’une communauté solidaire, la recherche du bien commun. Son encyclique Fratelli tutti en est un manifeste. Liberté, Egalité et Fraternité sont les trois valeurs fondamentales de la franc-maçonnerie. Surmonter les divisions, les idéologies, la pensée unique pour reconnaître la richesse des différences et construire une humanité unie dans la diversité, tel était le souhait ardent de François, le même projet que poursuit la Grande Loge d’Italie. »

De fait, s’il est impossible d’affirmer avec certitude que sa pensée a été imprégnée « par » la pensée maçonne, le pape François a bien placé la « fraternité humaine » au centre de son discours et de ses actes : on pense à la signature avec le grand imam de l’Université Al-Azhar du Caire d’un document présentant la diversité des religions comme le résultat d’une « sage volonté divine » ; on pense à son ouverture à l’accueil de personnes qui revendiquent ouvertement leur irrespect de lois fondamentales de la loi divine et naturelle, ouverture qui l’a conduit par exemple à justifier les unions civiles homosexuelles et la possibilité de bénir ces couples en tant que tels ; on pense à la théologie du peuple qui voit dans l’histoire et dans la pauvreté communautaire des « lieux théologiques » participant d’une certaine manière de la Révélation divine. On le voit dans la promotion d’une dignité mal définie de l’homme créé à l’image de Dieu, qui oublie que sa dignité de « ressemblance » perdue ne lui a été rendue que par la Rédemption – à condition de l’accueillir, car si Dieu aime tous les hommes, ceux-ci ne sont sauvés qu’en répondant à cet amour et en accueillant sa miséricorde.

 

Le pape François, le dogme et le doute

Plus gravement encore, Romoli veut croire ceci :

« Le pape François a su conjuguer foi et raison, dimensions complémentaires de l’expérience humaine, en renouvelant le principe anselmien du “credo ut intelligam”. Une foi capable de s’interroger, d’accueillir le doute et de dialoguer, que l’on retrouve également dans la méthode initiatique maçonnique, fondée sur un cheminement libéré de tout dogme, nourri par la recherche incessante de la vérité. »

Sans analyser ici le principe de saint Anselme, qui suppose l’acceptation des dogmes de la foi, on peut dire que Romoli l’a retourné. Car la raison ne contredit pas la foi (pas plus que la foi ne contredit la raison lorsque celle-ci est droite), elle n’y introduit pas le doute, elle est sur un autre plan, et elle la soutient.

Si ce que dit Romoli est vrai, cela voudrait dire que le pape François a questionné et fait questionner les dogmes, qu’il n’y a pas adhéré et qu’il n’a pas demandé que les catholiques y adhèrent, préférant la recherche trop humaine d’une vérité changeante… La franc-maçonnerie est en effet fondamentalement relativiste. Il est difficile de ne pas voir des éléments relativistes dans les enseignements, certes non infaillibles, du pape François.

 

La Grande Loge Italie cite les idées force du pape François

Le grand-maître cite quant à lui quelques exemples pour clore son hommage :

« Le pontificat de François a placé les plus démunis au centre, ainsi que la protection de la planète et une éthique du développement fondée sur la dignité humaine. On retrouve également cela dans la construction maçonnique du “Temple intérieur”, fondée sur la tolérance, la solidarité et la résistance contre la haine et l’ignorance, et qui trouve un écho profond dans la pastorale de Bergoglio qui, avec sa “révolution douce”, a montré que l’humilité et le dialogue sont des outils d’une force authentique. Dans le sillage de la “Francesco Economy” et de la vision d’une “maison commune”, la franc-maçonnerie soutient l’engagement en faveur d’un avenir durable, équitable et solidaire.

« En cette période marquée par de graves difficultés, la Grande Loge d’Italie se retrouve dans l’appel du pape François à une “conscience planétaire” qui reconnaît l’humanité comme une communauté de destin. Nous honorons sa mémoire en continuant à œuvrer pour une éthique de la limite, pour le respect de l’autre et pour la construction d’un Temple fondé sur la solidarité, la liberté de pensée et la fraternité universelle. »

On ne peut balayer de tels propos d’un revers de la main. En revanche, on peut y trouver une raison supplémentaire pour prier pour le salut éternel du pape. Ce pape qui n’a jamais cessé de demander qu’on prie pour lui.

 

Jeanne Smits