Guerre contre le dollar : l’Iran exige le paiement en euros de ses transactions pétrolières

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Hégémonie du dollar menacée.

 
A la suite de l’accord sur le nucléaire et de la levée des sanctions à son encontre, l’Iran cherche à se faire payer en euros du pétrole déjà livré à l’Inde et à d’autres pays et facturé à l’origine à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Téhéran libelle en outre tous ses nouveaux contrats de livraison en euros, que ce soit avec le pétrolier français Total, l’espagnol Cepsa ou Litasco, la branche commerciale du russe Lukoil. La levée des sanctions imposées à l’initiative des Etats-Unis a déjà permis à l’Iran de récupérer une partie des fonds gelés jusqu’alors, sous d’autres dénominations que le dollar, telles le riyal omanais ou le dihram des Emirats arabes unis. Libeller les transactions pétrolières en euros est intéressant pour l’Iran dont l’Europe est l’un des plus gros partenaires commerciaux. Mais en se libérant de sa dépendance du dollar, l’Iran – qui peut se targuer de ses liens avec la Russie et la Chine, de plus en plus puissante – entre de plain-pied dans la guerre contre le dollar.
 

Le paiement des transactions pétrolières en euros, une vieille idée

 
On chuchote que Saddam Hussein dut sa chute à une initiative semblable. Alors que l’Irak était à l’époque à la tête de de la deuxième plus grande réserve pétrolière au monde, il décida en novembre 2000 de libeller ses ventes de pétrole en euros, menaçant à la fois l’utilisation spéculative du dollar américain et le contrôle monopolistique des sources d’énergies dans le monde. Il n’a pas fait le poids.
 
Quant à l’Iran, cela fait des années qu’il fait le forcing pour que l’euro remplace le dollar comme nouvelle monnaie du commerce du pétrole. En 2007, Téhéran a échoué dans sa tentative de convaincre les membres de l’OPEP d’abandonner le dollar que le président Ahmadinejad qualifiait déjà de « morceau de papier sans valeur ». Alors que le pays subissait les sanctions américaines en raison de son programme nucléaire, la banque centrale iranienne a décidé que les transactions commerciales avec l’étranger se feraient en euros. Les raisons politiques ont joué contre le dollar, une situation qui rappelle étrangement celle des années du début des années 2000 où l’Irak changeait massivement ses réserves de dollars contre des euros, entraînant une chute de 20 % de la valeur du green back depuis la fin 2002.
 
Ce qui a changé ? La place grandissante de la Chine dans l’économie mondiale. Aujourd’hui, le dollar est loin d’avoir conservé son quasi monopole dans les transactions internationales.
 

Le dollar fait les frais des tensions entre l’Iran et les Etats-Unis

 
L’Iran est le 4e pays détenteur des plus grandes réserves de brut. Il entend accroître rapidement sa production ce qui pourrait se traduire par une augmentation de plusieurs dizaines de milliards d’euros des transactions pétrolières. Son insistance à vouloir être payé en euros plutôt qu’en dollars dénote les tensions toujours existantes entre Téhéran et Washington, malgré la levée des sanctions. Les responsables américains estiment à environ 100 milliards de dollars le montant des avoirs iraniens gelés à l’étranger, 50 % desquels sont accessibles à Téhéran depuis la fin des sanctions.
 
La part correspondant à des dettes pétrolières que l’Iran souhaite se faire régler en euros est encore incertaine à ce jour. Toutefois, l’Inde a acheté pour 6 milliards de dollars de pétrole durant la période des sanctions imposées à l’Iran. Le gouvernement indien a confirmé que Téhéran souhaitait être payé en euros, en utilisant le taux de change qui avait cour au mois de la livraison du pétrole, facture assortie qui plus est des intérêts de retard.
 

La guerre contre le dollar, signe de la puissance de la Chine

 
La position de l’Iran relance bel et bien la guerre contre l’hégémonie du dollar et donc des Etats-Unis. Le jeu de Téhéran semble avoir davantage de chances de réussir que la tentative de Saddam Hussein avec le recours au réseau de transaction SWIFT pour les paiements en quelque devise que ce soit.
 
L’émergence de la puissante Chine et de sa monnaie rend le basculement vers d’autres devises envisageable. C’est la valeur du dollar qui est directement attaquée, avec toutes les conséquences que cela induira pour l’économie américaine, qui voit se dresser le spectre de l’inflation.
 

Nicklas Pélès de Saint Phalle