Roman/POLICIER Hostis corpus ♥♥


 
Hostis Corpus est un roman policier à thème et contexte religieux catholique. Ce corps de l’ennemi désigne l’infiltration dans l’Eglise catholique, opérée au cours du XXème siècle, par des agents communistes. Ils ont pénétré l’Eglise entre 1917-18 et 1980, sur ordre de Lénine et de Moscou, alors centre de la Révolution communiste mondiale. La couverture explicite du livre, avec un homme en soutane dans lequel on reconnaît Lénine, indique ce thème central de l’intrigue. Le sujet est aujourd’hui relativement rarement abordé, contrairement au sujet voisin, mais différent, des francs-maçons infiltrés dans l’Eglise, avec une pénétration qui remonte là à plusieurs siècles.
 
Ces infiltrés ont été des militants d’élite du communisme, très bien formés, et donc au comportement des plus discrets. Le KGB a opéré selon la technique la plus sûre pour les plus infiltrations, le cloisonnement : tous les infiltrés ne se connaissent donc pas, et souvent ne se soupçonnent pas les uns les autres. Il y a là un ressort dramatique efficace pour le lecteur. Par prudence élémentaire et souci d’efficacité à long terme, ces agents n’ont donc pas forcément été, au contraire même, les progressistes publiquement les plus engagés au sein de l’Eglise. Qui prônerait la collaboration avec le communisme risquerait de se trahir. Le paradoxe est que les hommes d’Eglise qui ont tenu de tels propos, à rebours de toutes les condamnations pontificales antérieures, ne sont donc très probablement pas des infiltrés. Toutefois, ces infiltrés ont certainement pesé dans le sens des réformes libérales, voire progressistes, opérées dans l’Eglise catholique dans le sillage du concile pastoral de Vatican II. Ils peuvent manifester leur caractère seulement lorsqu’ils sont arrivés à de très hauts postes de responsabilité ; là, ils y multiplieraient les gestes révolutionnaires marxistes, recevant aimablement au Vatican des couples homosexuels, soutenant l’invasion islamique actuelle de l’Europe, ou niant ses racines chrétiennes, par exemple.
 

Hostis corpus : une intrigue efficace qui pose la question de l’infiltration communiste dans l’Eglise

 
Un des autres sujets principaux évoqués est celui du Saint Suaire de Turin. Cette relique est une preuve, au sens policier justement, de la Résurrection du Christ. Mais alors, pourquoi n’est-elle pas plus mise en valeur au sein de l’Eglise ? Hostis Corpus développe une théorie sur le sujet, que l’on ne suivra pas forcément.
 
L’intrigue débute par le vol, à la fin des années 1990, peu avant une grande ostension, du Saint Suaire de Turin. Des hommes d’église, du haut en bas de la hiérarchie, et des policiers italiens, mènent l’enquête. Un pape meurt, ce qui n’est peut-être pas sans lien, et des cardinaux mènent une campagne discrète et animée, autour de favoris, avec moult alliances et marchandages. Le lecteur aimerait considérer que ces manœuvres pré-électorales ou électorales ne relèvent que d’une fiction très éloignée de la réalité…
 
L’on se gardera de révéler le contenu de l’intrigue, et ses nombreux rebondissements, qui sont à la base de l’efficacité narrative du roman policier. L’auteur est visiblement bien renseigné, a soigneusement travaillé ses portraits. Le lecteur n’adhérera certes pas forcément à certains aspects particulièrement tordus de l’intrigue, ou aux multiples complots dans les complots, mais sans doute a-t-il sacrifié aux lois du genre. Le lecteur de Hostis Corpus suit avec intérêt l’intrigue, et est amené à réfléchir à cette question réelle de l’infiltration communiste dans l’Eglise, trop rarement posée.
 

Octave Thibault

 
Hostis corpus roman policier
 
• Christophe Reydi-Gramont, Hostis Corpus, Harmonia Mundi/Black Piranha, 2016, 262 pages, 18,90 €.