Houellebecq : un succès en Allemagne

Houellebecq succes en Allemagne
 
Il est arrivé, lundi soir, pour présenter SoumissionUnterwerfung en allemand – dans le cadre de la LitCologne, le grand festival de littérature de Cologne. C’était la première fois que Houellebecq reparaissait en public depuis l’attentat de Charlie Hebdo et sa mise sous protection. La salle était comble. Les billets se sont arrachés. Le succès de son roman en Allemagne n’est plus à démontrer : le premier tirage de 100.000 exemplaires est épuisé, 50.000 viennent d’être retirés.
 
Rien d’étonnant pour cet intellectuel, là-bas reconnu. Les Particules élémentaires avaient déjà été encensées. « Je suis Houellebecq », titrait, ces derniers jours, en français, le quotidien allemand de gauche Tageszeitung. Qui l’eut osé en France ?! Le prestigieux hebdomadaire Die Zeit, de centre gauche, voit en Soumission « une satire pleine d’humour » tandis que le quotidien conservateur Die Welt affirme: « Soumission n’est en aucun cas un roman raciste ou islamophobe » : « Plus que tout autre écrivain européen actuel, Houellebecq a la sensibilité et le courage d’identifier des conflits larvés (de nos sociétés) et d’en faire la folle trame de ses récits ».
 

Contexte immigrationniste de l’Allemagne

 
Le contexte immigrationniste allemand est bien sûr là. Depuis octobre, ce sont dix à quinze mille personnes qui manifestent chaque semaine, regroupés par le mouvement Pegida (l’acronyme allemand pour « Européens patriotes contre l’islamisation du pays »), soutenus par la droite populiste et anti-européenne, pour dénoncer le flux migratoire – un sondage de l’hebdomadaire Die Zeit montrait que près d’un Allemand sur deux (49%) éprouvait de la sympathie pour Pegida, et que 30% disaient le soutenir « totalement ».
 
Et pourtant la critique allemande de Soumission défend bien toute islamophobie. Tout autant que Houellebecq lui-même qui, paradoxalement, à la fois se défend d’avoir « écrit un livre islamophobe », mais défend aussi le fait qu’« on a aussi parfaitement le droit d’écrire un livre islamophobe »… C’est ce qu’il a expliqué à Cologne. Liberté d’expression chérie.
 

L’ambivalent succès de Houellebecq

 
« Je capte une situation, c’est tout. Je parviens à capter parce que je n’ai pas d’a priori, je suis neutre ». Les masses y voient leur propre avenir et croient percevoir le roman comme une prophétie dénonciatrice. Le succès allemand – mais aussi français – de Soumission tient à cette satisfaction de lire quelqu’un clamant haut et fort ce que tout le monde pense tout bas. Contre ces politiques, « aux yeux grand fermés », qui montent ridiculement sur leurs grands chevaux, à l’instar de Manuel Valls – « La France, ça n’est pas Michel Houellebecq », « ça n’est pas l’intolérance, la haine, la peur » !
 
Mais le fond du livre – et les critiques allemandes ne s’y sont pas trompées – tient moins de la dénonciation que de la révélation, sans catastrophisme. Celle de la soumission d’un pays où tous, y compris le personnage principal, s’incorporent in fine, sans heurts, à la Fraternité Musulmane qui prend le pouvoir en 2022. A la fois lucides et aveugles, cyniques et indifférents. C’eut pu être, pour l’auteur, le moyen de vilipender la molle société, telle que la modernité l’a faite devenir. Houellebecq en fait une simple logique sociétale, ou pire, métaphysique, qui n’est pas forcément à blâmer.