L’Idiot ! (durak) est un drame social russe contemporain. Il reprend la figure centrale de tant de romans russes, celle de l’Idiot, présent chez Dostoïevski – le film n’est pas une adaptation de son roman –, mais aussi Gogol ou Pasternak, parmi tant d’autres. L’Idiot est un personnage complètement décalé dans la réalité sociale russe, et ce de 1800 à nos jours : un homme fondamentalement honnête, à principes rigides, bon, dévoué, qui veut absolument le bien de tous… Socialement, sous tous les régimes en Russie, il est donc un Idiot. Non seulement il n’arrivera à rien, mais il doit s’attendre à subir des conséquences très négatives pour lui et les siens.
L’Idiot : une terrible noirceur
S’il y a un aspect de parabole, le film est aussi ancré dans une réalité sociale très dure, rendue sans fard pour la misère, et le spectacle est éprouvant. Dès la scène d’ouverture, dans une HLM, un alcoolique tabasse sa femme, puis sa fille. La police intervient tout de même ; puis les services d’entretien municipaux, car il y a de grosses fuites dans la tuyauterie centrale, et autant profiter de la protection des agents… Un plombier consciencieux, qui prépare soigneusement les concours d’architecte urbaniste, comprend que l’immeuble va s’écrouler. Il décide de tout faire pour sauver 800 personnes d’un destin funeste qu’il estime certain. Ses proches l’avertissent : il doit se taire, il peut déranger ses supérieurs, ce serait agir en Idiot. Qu’il écrive un rapport et se taise. L’Idiot s’obstine, réussit à faire convoquer l’administration municipale centrale. Celle-ci panique, un premier temps, non par humanité, mais en imaginant l’enquête fédérale inévitable s’il y avait des centaines de morts, avec notamment vérification des comptes de la mairie… Que va-t-elle faire ? Sans rien dévoiler, chose essentielle ici, il est peu probable qu’elle suive les recommandations de l’Idiot.
Le film est terrible dans sa noirceur, mais brille par sa logique de composition rigoureuse, sa galerie de caractères, qui montrent comment des hommes certes corrompus, mais pas foncièrement méchants, peuvent avoir une conduite abominable.