La lutte des Indiens de la vallée de la Cauca en Colombie pour protéger la Terre-Mère contre les producteurs de biocarburants

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Quand le très gauchiste Guardian publie un reportage en faveur de la lutte des Indiens de la vallée de la Cauca en Colombie contre les grandes plantations de canne à sucre accusées de polluer et détruire la Terre-Mère, il omet de préciser que cette monoculture de la canne à sucre est principalement destinée à la production de biocarburants. Des biocarburants qui pourraient avantageusement être remplacés par du pétrole, d’autant que l’abondance de cette ressource devrait garantir des prix compétitifs pour encore longtemps.
 

Une solution pour « libérer la Terre-Mère » et réduire la pollution, ce serait de remplacer les biocarburants par du pétrole

 
Plutôt que d’évoquer les contradictions de la lutte contre le réchauffement climatique imputé à la combustion des hydrocarbures, le Guardian préfère donc se concentrer sur les aspects de ce combat pour la Terre-Mère qui lui conviennent tout naturellement : la volonté des Indiens de vivre en harmonie avec la nature, leur lutte contre l’économie d’exploitation-extraction des ressources, le côté collectiviste de ce combat mené par des « mingas » (groupes de travail collectif) qui détruisent les cultures de canne à sucre dans les grandes propriétés privées, les brutalités subies de la part de l’autorité publique, et aussi, derrière ce combat, l’aspect spirituel lié aux croyances indiennes pré-chrétiennes…
 
Il semblerait que la signature d’un accord de paix avec les FARC ait aggravé le problème qu’ont les Indiens de la vallée de la Cauca avec les monocultures. La paix a en effet libéré des terrains tenus par la guérilla et permis le retour de propriétaires qui avait été chassés de leurs terres et aussi de la force publique. Le peuple nasa qui vit dans le nord de la Cauca revendique la propriété ancestrale des terres plates de la vallée de la rivière Cauca dont il estime avoir été chassé. Les Indiens nasa se considèrent trop nombreux dans les montagnes, près de leurs lieux sacrés, pour pouvoir y vivre en harmonie avec la nature, ce qui menacerait l’habitat de la faune et les sources d’eau douce. Ces Indiens ne parlent toutefois pas tant de récupérer leurs terres ancestrales que de libérer dans la vallée du Cauca la Terre-Mère de ceux qui l’auraient réduite en esclavage par leur logique d’exploitation. Il s’agit aussi, sur le plan écologique, de la libérer des produits chimiques utilisés dans la culture de la canne à sucre.
 

L’accord de paix avec les FARC à l’origine du conflit entre les Indiens de la Cauca et les autorités de la Colombie

 
Le gouvernement colombien de son côté, précise le Guardian, voit les choses autrement : l’Etat se doit de protéger la propriété privée légalement obtenue et il n’est pas souhaitable de mélanger la question de la propriété des terres et la question de la protection de l’environnement. Pour le ministre de l’Environnement et du Développement durable, il faut, après le retrait des FARC, que l’appareil d’Etat se déploie rapidement dans des zones où il n’avait jamais été présent. Mais même avec la démobilisation des FARC, d’autres groupes armés subsistent, tels l’Armée de libération nationale, d’inspiration marxiste-léniniste.
 
La confrontation entre les « mingas » indiennes et la police a déjà fait plusieurs victimes mortelles pour lesquelles les deux camps se rejettent la responsabilité. Les 20 communautés indiennes de la vallée ont formé leur propre « garde indigène » forte de 2.000 hommes, et elles ont fermé plusieurs mines malgré les menaces des milices privées. Pendant la guerre, la communauté nasa s’occupait surtout de la sécurité de ses membres. « Maintenant il n’y a plus la guerre, et nous pouvons nous concentrer davantage sur la libération de la Terre-Mère. Les industries d’extraction et de monoculture sont contraires à notre système de croyances », a expliqué un chef de la garde indienne aux reporters acquis à sa cause de The Observer, l’hebdomadaire dominical du Guardian.
 

Olivier Bault