Réforme de l’Initiative citoyenne européenne : un hochet pour les enfants de la démocratie…

Réforme de l’Initiative citoyenne européenne, un hochet pour les enfants de la démocratie...
 
L’« Initiative citoyenne européenne » a fêté, le 1er avril, son troisième anniversaire. Mais son souffle sera-t-il assez long pour trois bougies… ? Cet outil de « démocratie directe », voulu par le traité de Lisbonne, est en effet à la peine. Mais cet essoufflement était visiblement programmé, intentionnellement constitutif, bien qu’on parle seulement de « problèmes techniques et organisationnels »… Le Parlement européen affirme discuter ferme depuis la fin février pour en élaborer la réforme – la Commission ne fera apriori rien de plus.
 

Une pseudo réforme

 
Dans les faits, l’Initiative citoyenne européenne permet à un million de citoyens européens « de participer directement à l’élaboration des politiques européennes, en invitant la Commission européenne à présenter une proposition législative » sur un sujet choisi.
 
En pratique, depuis trois ans, 51 ICE ont été soumises à la Commission. Une vingtaine ont été refusées, médiocres ou politiquement incorrectes comme l’ICE intitulée « STOP TTIP » datée du 15 juillet 2014, qui invitait la Commission européenne à recommander au Conseil « d’abroger le mandat de négociation pour le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » (TTIP, négocié avec les USA) et « de ne pas conclure l’Accord économique et commercial global » (CETA, négocié avec le Canada). Alors que le projet avait déjà récolté, en moins de deux mois, plus d’un million de signatures, la Commission a argué que les négociations autorisant la signature et la conclusion d’un accord international étaient déjà en cours… Donc pas d’objet !
 
Parmi les ICE enregistrées, certaines se sont retirées avant même la récolte de leurs signatures, comme « Turn me off ! » (pour interdire les lumières allumées dans les bureaux et magasins vides) D’autres n’ont pas atteint le nombre suffisant de signatures comme « ACT 4 Growth » (Développer l’entrepreneuriat féminin) ou « Weed like to talk » (pour la légalisation du cannabis).
 

Au final, une seule Initiative citoyenne européenne acceptée…

 
Au total, seulement trois initiatives sont parvenus à l’étape finale, c’est-à-dire ont recueilli plus d’un million de signatures et leur quota minimum dans un certain nombre de pays européens : « Droit à l’eau », « Un de nous » et « Stop Vivisection ».
 
Une seule a été acceptée ! Pour laquelle rien de concret n’a été engagé… Il s’agit du « droit à l’eau » qui demandait une proposition de loi reconnaissant le droit humain à l’eau, ou l’engagement formel de ne lancer aucune initiative incitant à libéraliser ce service, et la confirmation que les services d’eau et d’assainissement seraient exclus du Partenariat transatlantique. Rien qui puisse gravement entraver les directives bruxelloises. La Commission a répondu par de bonnes paroles…
 
La toute dernière, « Stop Vivisection », qui veut mettre fin à l’expérimentation animale vient seulement d’être soumise à la Commission européenne, le 3 mars dernier. Mais, sitôt déposée, elle a été attaquée par une Déclaration envoyée à la Commission et au Parlement européen par quelque 120 institutions bien familières de l’expérimentation animale, allant de certaines universités renommées, à des laboratoires et centres de tests ou à des établissements d’élevage d’animaux pour la vivisection… Opposition qui tombe à pic.
 
Quant à la belle Initiative « Un de nous », la plus grande pétition de l’histoire des institutions européennes, portée par deux millions de citoyens, issus de plus de 20 pays, qui demandait l’arrêt du financement public européen des pratiques impliquant la destruction volontaire de vies humaines avant la naissance, la Commission Barroso lui opposa son veto le 28 mai 2014, arguant que la chose était déjà réglementée… Le recours des organisateurs auprès de la Cour Européenne de Justice, déposé le 25 juillet 2014, n’eut d’autres effets qu’une réponse alambiquée publiée il y a trois jours, disant que, si elle admettait des incohérences et des interprétations, elle n’en maintenait pas moins sa décision.
 

Un hochet pour les enfants de la démocratie

 
Au final, la Commission Barroso a bien joué son rôle… dissuasif : les cinq uniques ICE enregistrées en 2014 (après la fièvre des deux premières années) ont conduit à cinq refus. La procédure et la réglementation étaient déjà en tant que tels extrêmement lourdes et afortiori décourageantes. L’hallucinante politique de la Commission en sonne le glas.
Ils parlaient tous – et parlent encore ! – d’une « clef de voûte de la démocratie participative », d’« une révolution copernicienne », garante de « dialogue public » et de « compréhension transfrontalière »… Jamais la Commission n’aurait laissé passer une quelconque remise en cause d’une de ses intangibles exigences idéologiques. L’ICE n’a jamais été et ne sera jamais plus qu’un hochet pour les pauvres enfants de la démocratie.