L’“Instrumentum laboris” en vue du synode sur la famille évoque l’homosexualité et l’accès des divorcés remariés à la communion

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Présenté mardi à la presse par le cardinal Baldisseri, le cardinal Erdö et Mgr Bruno Forte, le secrétaire général du synode sur la famille et artisan de la première relatio post disceptationis qui avait introduit dans le synode des thèmes qui lui sont étrangers, le texte de travail ou Instrumentum laboris en vue des réunions d’octobre se présente de manière très différente. Sous la pression des évêques, le texte semble avoir pris davantage en compte les réels problèmes de la famille aujourd’hui, mal soutenue par la société, exposée à de nombreuses tentations et prise au risque des manipulations de la vie naissante et finissante. Il n’est plus question de « valoriser » les unions homosexuelles. En revanche, sur la question des divorcés « remariés » et leur accès à la communion une porte semble vouloir s’ouvrir : l’initiative du cardinal Kasper reste bien visible et présente.
 
Notons au passage que le texte complet de l’Instrumentum laboris, préparé depuis novembre dernier et achevée au mois de mai par la secrétairerie générale du synode lors d’une session de travail présidée par le pape François, n’a été publié qu’en italien sur le site du Vatican. Ce n’est pas le moindre des indices de la manipulation qui eut lieu en octobre dernier lors du synode extraordinaire sur la famille : la publication simultanée en plusieurs langues de la relatio post disceptationis a nécessairement demandé un important travail en amont : elle était taillée pour prendre tout le monde de court et pour être présentée à la presse à l’issue d’une période de travail à huis-clos.
 

Synode sur la famille : l’“Instrumentum laboris” adopté sous la présidence du pape François

 
Le nouvel Instrumentum laboris mérite une étude approfondie : on peut dire aujourd’hui qu’il comporte assez d’éléments contradictoires pour permettre de penser que la deuxième étape du synode sur la famille sera explosive comme la première. John-Henry Westen, de LifeSiteNews, le juge « schizophrénique » en ce qu’il rappelle des vérités solides enseignées par l’Eglise en même temps qu’il a recours à des termes vagues et ouverts sur des sujets plus épineux à l’aune des modes médiatiques.
 
Il est vrai que le cardinal Kasper, dans sa récente interview à EWTN où il assurait n’avoir soulevé la question des divorcés « remariés » qu’en tant que question (affirmation difficile à croire au vu de ses écrits et de la manière dont les choses se sont déroulées), a noté que le document final devrait être de l’ordre du compromis acceptable par tous.
 
A propos de l’homosexualité, l’Instrumentum laboris rappelle qu’il « n’existe aucun fondement pour assimiler ou pour établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu pour le mariage et la famille ». Mais on se souviendra des propositions au synode d’octobre 2014 où l’on évitait de parler de leur caractère « intrinsèquement désordonné » : le nouvel Instrumentum laboris, dans son paragraphe 78 (qui ne concerne pas les seuls homosexuels) invite à une « conversion missionnaire et un langage renouvelé » en affirmant que « le message chrétien soit être annoncé en privilégiant un langage qui suscite l’espérance ». « Il est nécessaire d’adopter une communication claire et “invitante”, ouverte, qui ne moralise pas, ni ne juge, ni ne contrôle, et qui rende témoignage de l’enseignement moral de l’Eglise, en restant en même temps sensible aux conditions de chacun », poursuit le texte. C’est au nom de tels langages d’« ouverture » que l’on peut craindre l’introduction de modifications pastorales qui portent atteinte à la doctrine alors même que celle-ci est rappelée de manière correcte.
 

Divorcés « remariés » : l’accès à la communion par des chemins pénitentiels mal définis

 
Pour ce qui est des divorcés, tout en assurant qu’il faut tout faire pour promouvoir le pardon à l’intérieur des couples pour éviter ce drame, et en rappelant les « blessures profondes » que provoquent les séparations chez les époux et leurs enfants, le document déclare que les « Pères synodaux ont dit l’urgence de trouver des chemins pastoraux neufs partant de la réalité des fragilités familiales ».
 
Cet « art de l’accompagnement » s’adresse d’abord aux époux abandonnés, victimes d’injustices de la part de leur conjoint, et à leurs enfants. Ainsi l’Instrumentum laboris insiste d’abord sur l’injustice qu’engendre le divorce, et sur les divorcés non remariés qui sont les « témoins de la fidélité conjugale ». Il est question aussi des divorcés « remariés » qui, se trouvant pour diverses raisons dans des situations où ils respectent la continence, « ne savent pas qu’ils peuvent s’approcher des sacrements dans un lieu où leur situation n’est pas connue ». Mais cela n’a rien d’un « nouveau chemin pastoral »…
 
Le paragraphe 120 emploie un langage contemporain équivoque en demandant que les divorcés « remariés » puissent ne pas se sentir exclus de la communauté « en évitant toute parole et attitude qui puisse leur donner l’impression d’être discriminés » : la discrimination est une différence de traitement qui peut être juste ou injuste, mais dans le contexte actuel elle est systématiquement jugée mauvaise. L’ambiguïté est renforcée par l’idée qu’il faut « promouvoir leur participation dans la vie de la communauté ». Leur confier les catéchismes ? Les multiples tâches qui aujourd’hui sont remises entre les mains des laïcs ? C’est bien pourquoi l’Instrumentum laboris propose de « repenser les formes d’exclusion actuellement pratiquée dans le champ liturgico-pastoral, dans le domaine éducatif ou caritatif ». « Dès lors que ces fidèles ne sont pas hors de l’Eglise, on propose de réfléchir sur l’opportunité de faire tomber ces exclusions ». Pour dire cela, le texte s’appuie sur Familiaris consortio de Jean-Paul II… qui ne disait rien de tel, se bornant à souligner que les divorcés remariés, pour obtenir les moyens du salut que l’Eglise propose à chacun, devaient prier, assister au sacrifice de la messe et tout faire pour élever chrétiennement leurs enfants, sans oublier les œuvres de charité.
 

L’“Instrumentum laboris” ne justifie pas les unions homosexuelles, mais ne rappelle pas l’enseignement sur l’homosexualité

 
Le paragraphe 122 pose la question qui ne peut être posée : celle de l’accès des divorcés « remariés » dans certaines conditions : « surtout lorsqu’il s’agit de cas irréversibles et liés à des obligations morales à l’égard des enfants ». Conformément au ballon d’essai lancé par le cardinal Kasper, l’Instrumentum laboris envisage un « chemin pénitentiel sous la responsabilité de l’évêque diocésain », avec une « distinction entre les situations objectives de péché et les circonstances atténuantes » puisque « l’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées ou annulées » par divers « facteurs psychiques ou sociaux ». Le paragraphe 123 note que ce chemin pénitentiel peut aboutir à une décision de vivre dans la continence, ce qui n’est pas nouveau. Mais il envisage aussi le cas de jugements plus subjectifs nés de l’accompagnement spirituel par un prêtre par un « processus de clarification et une nouvelle orientation » dont les tenants et les aboutissants ne sont pas évoqués.
 
Sur la communion spirituelle, l’Instrumentum laboris rappelle cependant qu’elle n’est possible que dans le cadre d’une conversion préalable et de l’état de grâce.
 
C’est peut-être le manque de clarté qui est le plus gênant : aussi La Croix évoque-t-elle ouvertement la possibilité pour les « divorcés civilement remariés » de communier. Le journal des évêques note : « Le document évoque un “consensus” autour de ce “chemin” pour des divorcés remariés dont le premier mariage serait reconnu nul, qui seraient déjà engagés dans une “relation irréversible”, mais qui s’engageraient aussi “à la continence” ; ce qui pourrait impliquer de faire chambre à part. »
 
Ce qui est pour le moins curieux : si le premier mariage, au cours d’une procédure de nullité dont les Pères synodaux seront appelés à dire si elle doit être « accélérée », est déclaré « nul », pourquoi ne pas autoriser le mariage religieux et demander la continence ? Il faut dire que la multiplicité des solutions proposées par l’Instrumentum laboris peut semer la confusion…
 
Dans le même esprit, le rappel de la tradition orthodoxe de la « praxis matrimoniale » dont la « différence » par rapport « conception théologique de la nôtre » est certes soulignée, est purement descriptive et affirme que la bénédiction proposée lors d’un second mariage « est en soi une célébration pénitentielle pour invoquer la grâce du Saint-Esprit, afin qu’il guérisse la faiblesse humaine et reconduise les pénitents à la communion avec l’Eglise ». C’est un peu court.
 

Anne Dolhein