Bruits de bottes entre l’Iran et l’Arabie saoudite : Allah en guerre contre Allah

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Des flammes s’élevant de l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran dans le nuit du samedi 2 janvier 2016.

 
La mort du dignitaire chiite saoudien Nimr Baqer al-Nimr, exécuté samedi en même temps que quarante-sept autres personnes condamnées pour terrorisme, selon le ministre de l’Intérieur d’Arabie saoudite, a fait monter d’un cran d’un cran la tension avec l’Iran. Samedi, une manifestation devant l’ambassade saoudienne à Téhéran a dégénéré en mise à sac des locaux, amenant Ryiad à annoncer la rupture des relations diplomatiques. Le ton monte, les discours s’enflamment, les bruits de bottes se rapprochent : Allah est entré en crise, et peut-être en guerre, avec Allah…
 
L’annonce de l’exécution de Nimr Baqer al-Nimr n’était pas en soi une surprise, puisque sa condamnation à mort pour « terrorisme », « sédition », « désobéissance au souverain » et « port d’armes » avait été prononcée le 15 octobre 2014 par un tribunal de Riyad, après que le cheikh ait, pendant des années, pris la tête des protestations de la minorité chiite en Arabie saoudite contre le pouvoir, et appelé même à la sécession de l’est du pays, où les chiites sont le plus présents, et sa fusion avec le royaume voisin du Bahreïn, à majorité chiite. En dehors de la difficulté politique, cette idée présentait une difficulté économe majeure, la région est de l’Arabie saoudite étant particulièrement riche en pétrole…
 

Bruits de bottes entre l’Iran et l’Arabie saoudite

 
« Sans aucun doute, le sang de ce martyr versé injustement portera ses fruits et la main divine le vengera des dirigeants saoudiens », a déclaré dimanche le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, lors d’un discours devant des religieux. « Ce savant opprimé n’a ni encouragé les gens à prendre les armes ni comploté de manière secrète, il a seulement porté ouvertement des critiques », a-t-il ajouté en réponse aux affirmations saoudiennes pour lesquelles Nimr Baqer al-Nimr a été condamné et exécuté.
 
« Dieu ne pardonnera pas le sang versé de cet innocent », a conclu l’ayatollah Khamenei.
 
Samedi soir donc, des manifestants ont attaqué et incendié l’ambassade de l’Arabie saoudite à Téhéran et le consulat saoudien à Machhad.
 
Dimanche, l’Arabie saoudite a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran pour protester contre cette protestation. C’est l’escalade…
 

La colère dépasse la diplomatie

 
« L’Arabie saoudite est déterminée à ne pas laisser l’Iran affaiblir sa sécurité nationale », a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al Djoubeir.
 
A la télévision nationale iranienne, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, a répondu en déclarant que cette rupture constituait de la part de l’Arabie saoudite une tentative pour couvrir « l’erreur majeure de l’exécution du cheikh Nimr ».
 
Les Etats-Unis, fidèle allié du régime saoudien en Occident, mais engagé dans des tractations sur la question nucléaire avec l’Iran, ont réagi en plaidant pour un apaisement entre Ryad et Téhéran. « Nous pensons que l’engagement diplomatique et le dialogue direct demeurent essentiels pour travailler à résoudre les divergences et nous continuons d’appeler les dirigeants de la région à prendre des mesures actives pour apaiser les tensions », déclare-t-on à Washington.
 

Allah en guerre contre Allah

 
Mais, apparemment, l’Arabie saoudite est décidée à dépasser l’actuel équilibre. « Maintenant, cela suffit », déclare-t-on, semble-t-il, à Ryiad, selon une source anonyme, qui précise : « Téhéran ne cesse de se moquer encore et encore de l’Occident. Ils soutiennent le terrorisme et ils lancent des missiles balistiques et personne ne fait rien face à cela. (…) Les Saoudiens se fichent de provoquer la colère de la Maison Blanche. »
 
A Téhéran, on répond en annonçant la « vengeance divine »…
 
Une vengeance qui risque de poser un problème délicat à Allah : chiites ou sunnites, comme va-t-il choisir ?
 

François le Luc