ISF : l’impôt sur la fortune, sujet électoral

ISF Impôt fortune sujet électoral
 
En 2015, les 342.942 foyers assujettis à l’impôt sur la fortune, le fameux ISF, ont rapporté 5,224 milliards d’euros à l’Etat, selon les chiffres de la direction générale des finances publiques. Une somme qui, pour importante qu’elle soit, est pourtant moindre que prévu. Le fait est l’un des arguments développé par certains pour relancer le débat sur la nécessité de l’ISF, sujet électoral qui, avec les années, ressemble de plus en plus à un serpent de mer.
 
A chaque élection, du moins à chaque élection présidentielle, le sujet repointe le bout de son nez pour diviser la France entre tenants et adversaires de l’ISF. La ligne de fracture peut paraître évidente entre riches et pauvres, les premiers accusant les seconds d’être envieux (ce qu’ils sont assez souvent, même s’ils essayent de le dissimiler derrière de grands principes républicains) ; les seconds accusant les premiers d’être des profiteurs (ce qu’ils peuvent être à l’occasion).
 

L’ISF, sujet électoral

 
Mais cette ligne de fracture est aussi éminemment politique. S’il est sans doute risqué de croire que l’homme, né bon, serait corrompu par la société, il serait naïf de croire à rebours qu’il est né systématiquement envieux. L’envie est une arme dont les adversaires politiques du pouvoir ont toujours su manier l’expression afin de devenir khalife à la place du khalife, en envoyant le bon peuple au casse-pipe. A ce titre, elle est sans doute plus sûrement que l’égalité un des fondements de la République moderne…
 
Il y a bien sûr les tricheurs. Ceux qui ne veulent pas jouer le jeu. On parle beaucoup d’Emmanuel Macron ces derniers temps, mais peut-être paye-t-il là le fait d’être une espèce de trublion intenable. Car, si l’on veut s’intéresser aux politiques, il serait sans doute plus rapide, sur ces dernières décennies, de faire la liste de ceux qui n’ont jamais triché…
 
Et puis il y a les très riches, qui passent entre les gouttes. Dans sa dernière livraison, le Canard Enchaîné dénonce les cinquante fortunes de France qui ont échappé, au moins à 90 %, à l’ISF. Entre les envieux et les tricheurs, il y a souvent rencontre.
 
Car, ce que l’on reproche aux riches, ce n’est pas d’être riches, c’est d’être soi-même pauvres. Le pauvre devenu riche trouve immédiatement aux arguments détestés hier une nouvelle saveur.
 

L’impôt sur la fortune et la richesse de la France

 
Il n’y a qu’un François Hollande pour avouer détester les riches à partir de 3.000 euros mensuels. C’est vrai que son traitement relève plus de l’indemnité que du salaire, puisqu’il n’a pas de dépenses réelles. Les princesses y veillent…
 
En attendant, on s’étonnera peut-être que le prix moyen de l’impôt acquitté par ces riches (enfin, ceux qui payent) soit de 15.233 euros pour 2015. Il faut dire que les échappatoires trouvées par les plus fortunés pour éviter de payer l’ISF expliquent partiellement cette moyenne que d’aucuns trouvent trop basse.
 
Mais là n’est pas directement le problème, même si Bercy envisage d’engager des poursuites contre ceux qui ont révélé des chiffres qui, normalement, relèvent du secret fiscal. Et qui ne sont publiés, sans doute, que parce que le rêve et l’envie (encore) permettent de vendre davantage de papier.
 
Ce qui agace surtout les autorités françaises, c’est que ces chiffres sont symboliques d’une situation où elles n’ont pas nécessairement le rôle exemplaire qu’elles affectent. On pourrait évoquer le fait de certains Français non riches, contraints de payer l’ISF parce qu’ils ont hérité d’un patrimoine, et qui sont ainsi menacés, malgré le fameux « plafonnement », de se ruiner ou de renoncer à leur héritage. Ce plafonnement, aujourd’hui à 75 %, est censé éviter que l’impôt ne devienne confiscatoire ; mais, comme en bien d’autres cas, la réalité dépasse souvent la théorie.
 

Sarkozy ? Ou Hollande ?

 
Ce qui est plus curieux, c’est que, après avoir longtemps accusé Nicolas Sarkozy d’être le président des riches, du fait notamment du bouclier fiscal, la gauche a désormais un président qui, en introduisant l’actuel plafonnement, les favorise plus encore que ne le faisait son prédécesseur. La preuve sans doute que, en cette matière comme en bien d’autres, François Hollande est capable de dire et de faire un peu tout, et surtout n’importe quoi…
 
Mais le plus important est sans doute la question idéologique qui préside à l’ISF. Etre riche est perçu comme une tare, voire une faute, qui doit donc être sanctionnée. Ce faisant, on ne se rend pas compte que ce n’est pas en appauvrissant les riches que l’on relancera l’économie, bien au contraire. Car – et quelle que soit leur moralité par ailleurs – ce sont souvent eux qui favorisent l’emploi, et la croissance. En poursuivant de sa vindicte les riches, et notamment les patrons riches (comble de la détestation), la gauche – qui n’est pourtant pas composée, loin s’en faut, que de pauvres – se met en situation de casser certains des outils économiques dont la France a besoin pour se redresser, tout en empêchant la constitution des grosses et moyennes fortunes, qui ont seules la possibilité de s’opposer au pouvoir toujours plus envahissant de l’Etat.
 

François le Luc