“Iuvenescit Ecclesia” : la Congrégation pour la Doctrine de la foi précise les liens entre mouvements ecclésiaux et hiérarchie de l’Eglise

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Dans une lettre rédigée à la demande du pape François, la Congrégation pour la Doctrine de la foi rappelle que l’Eglise « institutionnelle » n’est pas opposée à l’Eglise « de la charité ». Iuvenescit Ecclesia (« L’Eglise rajeunit ») répond ce faisant à un double objectif : montrer que la spontanéité et la jeunesse chères au pape François, propres aux dons « charismatiques », font partie intégrante de l’Eglise catholique, mais que celle-ci à travers sa hiérarchie possède les critères permettant de reconnaître les dons « authentiques » de l’Esprit et que les nouveaux mouvements ecclésiaux sont tenus à l’obéissance à l’égard de l’Eglise institutionnelle.
 
La lettre de 17 pages, adressée aux évêques de l’Eglise catholique, s’ouvre sur l’appel du pape à « aller de l’avant » afin de rendre toute la vie chrétienne « missionnaire ». « Il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de reconnaître et de mettre en valeur les nombreux charismes capables de réveiller et de nourrir la vie de la foi du peuple de Dieu », notamment dans le cadre de la « nouvelle évangélisation ». On se rappellera que celle-ci, dans l’esprit de Jean-Paul II, était la tâche spécifique de l’Eglise dans des pays et même des continents qui ont oublié ou renié la foi : c’est l’apostasie silencieuse de l’Occident.
 

“Iuvenescit Ecclesia” : mouvements ecclésiaux et hiérarchie de l’Eglise ne sont pas antinomiques

 
Hiérarchie ecclésiastique et nouveaux mouvements sont « coessentiels » à la vie de l’Eglise et ils ont besoin d’être en « connexion harmonique » afin d’éviter les oppositions ou les évolutions parallèles, telle est l’idée générale du texte. En présentant le document, le cardinal Müller a expliqué que « cet élément co-essentiel trouve sa racine ultime dans la relation inséparable entre le divin Logos incarné et le Saint Esprit, et il montre comment, dans la même perspective révélée par les plans de Dieu, il n’est pas permissible d’opposer une “Eglise de l’Esprit” à une “Eglise institutionnelle”, parce que les dons hiérarchiques et charismatiques sont toujours mutuellement impliqués l’un dans l’autre, fût-ce de manière rationnelle et hiérarchique ». Le cardinal préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi a rappelé que la « tension naturelle » du dialogue entre ces deux dons « est souvent transformée (…) en dialectique » – à tort, donc.
 
Non, souligne le document, il n’y a pas d’antithèse entre une Eglise institutionnelle de type judéo-chrétien et une Eglise charismatique de type paulinien théorisée par certaines « interprétations réductrices » : dans l’Eglise, « les institutions essentielles sont charismatiques » et « les charismes doivent être institutionnalisés pour avoir cohérence et continuité ».
 
On pense évidemment aux naissances mouvementées, souvent en butte à l’hostilité de la hiérarchie de l’église, de diverses communautés (comme l’ordre des Franciscains pour ne citer que l’exemple le plus connu) ou de mouvements inspirés par des personnes entendant l’appel de Dieu et contrées par leur évêque ou leurs supérieurs. Cela fait partie de l’histoire et du mystère de l’Eglise.
 

La Congrégation pour la Doctrine de la foi récuse les fausses oppositions

 
Mais il y a aussi, et au contraire, des mouvements qui trouvent leur origine ou leur inspiration dans des courants chrétiens éloignés de l’Eglise catholique et romaine, voire aujourd’hui du New Age, comme diverses communautés charismatiques, les centres de thérapie psycho-spirituelles et autres nouveautés où la doctrine cède le pas devant les sentiments et le syncrétisme.
 
La Congrégation pour la Doctrine de la foi donne une liste des critères qui doivent s’appliquer dans l’évaluation des mouvements nouveaux : ceux-ci doivent être des instruments de sainteté au sein de l’Eglise, s’engager dans la diffusion missionnaire de l’Évangile, confesser l’intégralité de la foi catholique, témoigner d’une communion effective avec la totalité de l’Eglise, en acceptant volontiers et de manière loyale ses enseignements doctrinaux et pastoraux, en reconnaissant et en respectant les autres composantes de « l’Eglise charismatique », en acceptant humblement les moments d’épreuve lors du discernement, en manifestant des fruits spirituels tel l’amour, la joie, la paix, l’humanité, en considérant la dimension sociale de l’évangélisation, et en ayant conscience que « la préoccupation pour le développement intégral des plus abandonnés par la société ne peut pas manquer au sein d’une réalité ecclésiale authentique ».
 

L’Eglise doit accueillir les mouvements nouveaux, appelés à l’« obéissance »

 
L’Eglise doit éviter d’insérer ces mouvements dans des « camisoles de force juridiques » qui pourraient faire du tort à leur esprit de nouveauté, et en même temps le régime doit s’insérer clairement dans la hiérarchie, notamment à travers le respect de l’évêque du lieu où ils se trouvent.
 
C’est peu de dire qu’il y a aujourd’hui de nombreux mouvements ecclésiaux où le respect de la doctrine et de l’enseignement traditionnel de l’église est mis à mal, et il ne s’agit pas seulement des communautés nouvelles et des initiatives innovantes dont le pape lui-même ne se prive pas.
 
Quelle est la vraie nature de ce document ? On ne pourra le voir quel usage : il peut s’agir d’une volonté de rétablir l’ordre, au moyen d’un juste rappel de l’importance du respect de la foi et de la hiérarchie face à la naissance de nombreuses « communautés nouvelles » avant et après Vatican II, ou au contraire d’asseoir un peu plus le pouvoir que le pape François exerce de manière évidemment autocratique afin de permettre la reconnaissance plus facile de « charismes » nouveaux. La confusion augmente du fait que le pape lui-même a pu dénoncer les excès de la hiérarchie et le rigorisme de la loi…
 

Anne Dolhein