Où Jacques Attali plaide pour l’alliance avec la Russie

Jacques Attali alliance Russie
 
Le monde est-il aussi « bipolaire » qu’il en a l’air ? La renaissance d’un grand bloc autour de la Russie face à la puissance américaine le ferait presque penser, et la mode actuelle dans certains milieux de droite nationale est aujourd’hui au soutien de tout ce qui s’oppose à l’atlantisme. La Russie face à l’Amérique, les chiites face aux sunnites… Un récent message du blog de Jacques Attali – chantre du mondialisme s’il en est – vient brouiller les cartes. Ou les débrouiller, plutôt, en permettant une autre lecture des faits : il s’intitule « La Russie doit être notre alliée ». Qu’un homme comme Attali plaide ainsi pour une nouvelle manière de sainte alliance alors que l’Europe prétend voler au secours de l’Ukraine mérite qu’on s’y arrête.
 
« Une fois de plus, nous pouvons être entraînés dans une guerre absurde, contre ceux qui devraient être nos alliés dans d’autres combats infiniment plus importants », écrit Jacques Attali, conseiller de Mitterrand, de Sarkozy comme de Hollande, premier président de la BERD (banque européenne pour la reconstruction et le développement), grand promoteur des nanotechnologies et surtout partisan affirmé d’un « gouvernement démocratique mondial » dans le cadre d’un nouvel ordre mondial dont il a maintes fois écrit d’avance l’« histoire ».
 

Jacques Attali trouve le gouvernement ukrainien « incohérent »

 
Voici Jacques Attali qui dénonce un gouvernement ukrainien « incohérent », incapable de donner à ses russophones « un statut décent » : « Faut-il s’indigner de voir la Russie se poser en défenseur des droits de ces minorités ? Nous opposerions-nous aux Hollandais s’ils volaient au secours des Flamands à qui un gouvernement belge aurait interdit de parler leur langue ? » Poutine en défenseur des opprimés, cela ne manque pas de sel de la part du chantre de la « démocratie mondiale ». Attali s’en dit convaincu : il n’y a rien à craindre la part de sa Russie alors même que la Pologne et les Pays Baltes sont « invulnérables parce que membres indéfectibles de nos alliances ».
 
Attali veut l’alliance avec la Russie pour combattre le « terrorisme fondamentaliste » qui tend à « s’organiser en un Etat islamiste unique, qui irait du Nigéria à la Tchétchénie ». Car l’alliance, c’est pour la guerre. Le ton belliqueux du message de Jacques Attali ne laisse aucun doute à ce sujet : la France doit fortifier sa défense et rétablir les dépenses pour son armée, pour repousser cette menace présente en Afrique, en Asie et jusque dans les vieilles nations d’Europe : « La France doit donc pousser les Européens à se dégager de l’influence ici délétère de ceux qui, aux Etats-Unis et en Europe, en particulier en Pologne, continuent de confondre Poutine avec Hitler. Et de ceux qui, comme dans les organes de direction de l’OTAN, sont heureux d’inventer un ennemi imaginaire pour justifier leur existence. »
 

Alliance avec la Russie contre l’Etat islamique ?

 
La Russie ne doit plus être un repoussoir : place à l’Etat islamique qui aujourd’hui remplit bien mieux ce rôle ! L’Etat islamique qui a profité de la déstabilisation du monde arabe et islamique… approuvée en son temps par le même Attali, même s’il se désolait de voir les conséquences de ce printemps vite transformé en hiver, et appelait l’OTAN à envoyer des armes lourdes en Syrie.
 
Si Jacques Attali s’exprime désormais ainsi, c’est bien que l’opposition entre l’« Occident » et le bloc russe est moins fondamentale qu’on ne voudrait le faire croire. Cela fait des mois que les ultimatums et les crises se succèdent autour du conflit ukrainien, du gaz russe : on parle, on gesticule, on s’agite, mais tout cela n’a rien changé du tout, au fond on s’entend. On retrouve la logique du plus fort de la Guerre froide : les peuples ployaient sous le joug communiste mais les amis du nouvel ordre mondial s’entendaient bien au-dessus du rideau de fer.