Japon : un demi-siècle d’eugénisme discret

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Le parlement nippon examine un rapport de 1.400 pages sur un « programme de stérilisation forcée » suivi par le Japon entre 1948 et 1996, soit près d’un demi-siècle, qui a institué un eugénisme discret sous prétexte médical, parfois à l’insu des femmes qui en furent les principales victimes. Koji Niisato, qui préside leur association, parle de « la pire violation des droits de l’homme du Japon de l’après-guerre ».

 

Eugénisme et contrôle des naissances dans le Japon de 1948

La population du Japon vieillit aujourd’hui, mais celui-ci était en 1948, comme d’autres pays d’Asie, en pleine explosion démographique. Cela incita le parlement à adopter à l’unanimité une « loi sur la protection eugénique » proposée par le député et médecin Yasaburô Taniguchi, qui disposait en son article premier : « La présente loi a pour objet d’éviter la naissance d’enfants défectueux d’un point de vue eugénique et de protéger la vie et la santé de la mère. » Etaient concernés les personnes atteintes de malformation héréditaire, dépressifs, épileptiques, ou ayant un parent au quatrième degré de consanguinité ayant une maladie mentale héréditaire… En somme, en plus discret, l’équivalent de l’Aktion T4 d’euthanasie lancée par Hitler. A la différence qu’il n’y a pas eu en face du Japon eugéniste de protestation de l’Eglise et du pape Pie XII.

 

Un processus discret mené pendant un demi-siècle

La loi s’appliqua aussi, en pratique, à des jeunes délinquants et marginaux. En outre, la procédure de stérilisation ne nécessitait pas de consentement pour les mineurs, les malades mentaux et les personnes mentalement « déficientes ». Ce processus discret était remboursé par le Trésor public et mené « dans l’intérêt national ». L’eugénisme ainsi promu passait aussi par l’avortement. Au total 25.000 personnes furent stérilisées dont trois quarts de femmes, et 60.000 femmes furent avortées. On a vu un garçon de 14 ans stérilisé de force et une jeune fille de 16 ans stérilisée à son insu. Quand fut votée l’abrogation de la loi et que les premières plaintes furent déposées, les faits étaient prescrits, ce qui fait que les victimes sont très mal indemnisées. La mentalité a heureusement changé, mais le gouvernement reste discret, aucune repentance officielle n’est au programme.

 

Pauline Mille