Ces jeunes qui ont jeté leur smartphone et oublié les réseaux sociaux

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L’essai a été réalisé par un groupe d’étudiants de l’université franciscaine de Steubenville dans l’Ohio. On a proposé, au sein de l’établissement privé catholique, une diète anti-contemporaine à souhait&nbsp: la privation de son smartphone pendant une année. Les arguments philosophiques n’étant guère de poids à mener, seuls, pareil combat, une bourse de 5.000 $ a été agitée, en guise de carotte, et promise aux courageux jeunes volontaires…

Le succès fut au rendez-vous – à tous les niveaux. Les réseaux sociaux se sont vus passablement écartés, voire effacés de leur vie quotidienne. Et l’humain, dans son entièreté, a repris sa juste place.

 

Les smartphones aux oubliettes

C’est un couple d’anciens de l’université qui est à l’origine de l’initiative. De la promotion 1999… dans ces temps où le smartphone n’existait pas et où l’on devait pour envoyer le moindre courriel passer par cette connexion laborieuse du modem 56 K et son bruit improbable. Ils ont vu cette vague de la révolution numérique emporter peu à peu les différentes strates de la société : les étudiants qui arrivent aujourd’hui à l’université ne se souviennent pas d’un monde sans smartphone.

Il faut le leur faire découvrir ! C’est l’idée de cette « Unplugged Scholarship », de cette « bourse débranchée » qui fait partie d’un mouvement plus large appelé The Humanality Foundation, une initiative qui veut contribuer à réduire la dépendance numérique. « Beaucoup d’entre nous ont apprécié les avantages d’un smartphone, mais nous sentons que nous voulons récupérer qui nous sommes et ce qui a été perdu. »

Ils étaient 80 étudiants de premier cycle à suivre ce programme anti-smartphone, cette année. Et seulement trente d’entre eux avaient obtenu les 5.000 $ de bourse : c’est dire leur niveau de d’engagement et de volonté (on s’étonnera moins en se rappelant que l’université est catholique). Tous se retrouvaient une fois par mois pour se soutenir mutuellement et partager leurs expériences.

 

Présence au monde, présence à Dieu – sans les réseaux sociaux

Les effets ? Augmentation de la capacité de la concentration et de la productivité. Amélioration des (vraies) relations sociales. Apaisement intérieur et liberté personnelle retrouvés. Négligeable ?! Pas vraiment. Et trois de ces étudiants interrogés en mesurent toute l’importance, eux qui pensaient, au départ, ne pas être capables de se priver de cette quasi-extension du corps humain qui monopolise toutes nos attentions et toutes nos préoccupations. Ils repartent, décidés, pour une seconde année sans smartphone.

« Cela a eu beaucoup plus d’effet sur moi que je ne le pensais », avoue Grace Pollock qui fait maintenant davantage de sport et consacre plus de temps à la lecture. Surtout, ses rapports à Dieu ont été changés : sa prière a été rendue plus aisée, dit-elle, sa présence plus accrue à l’inspiration du Saint-Esprit avec une nouvelle capacité d’y répondre.

Certes, l’entreprise n’est pas sans douleurs, mais elle est riche de ses obstacles à travers notre capacité à les surmonter : on y apprend à dompter sa frustration quand les réseaux nous rendent consommateur, à imposer sa volonté personnelle quand les sollicitations permanentes nous esclavagisent, à réfléchir enfin par nous-mêmes quand les GAFAM nous dictent leur prêt-à-penser. Et ce n’est pour autant qu’on quitte le monde : beaucoup de ces étudiants continuaient à consulter les réseaux sociaux via leur ordinateur, mais les distances étaient prises et leur rapport déjà totalement modifié.

 

Les jeunes au défi des écrans

Comment s’étonner que les ventes de « téléphone à neuf touches » aient pris un nouvel essor ? Des start-up comme Light Phone remportent de francs succès, aux États-Unis, en proposant des téléphones non connectés à pour éloigner toute addiction… car il s’agit bien de cela. Il existe déjà outre-Atlantique des « centres de désintoxication » aux nouvelles technologies. Les bilans sont là, quinze ans seulement après la commercialisation du premier smartphone. Et l’Intelligence Artificielle est loin d’y avoir donné encore sa pleine mesure.

Nous n’en sommes qu’au début. C’est la raison pour laquelle il est humainement et spirituellement essentiel de garder le contrôle. A l’heure où le smartphone est devenu un incontournable pour les jeunes (94 % des 15-29 ans en sont équipés), le temps passé sur son écran augmente, pour tous, chaque année, d’au moins dix minutes par jour. Des minutes pas toujours gagnées, mais bien plus souvent perdues dans un faux divertissement.

On y tue l’ennui, moteur créatif par excellence. On y sature le silence, précieux terreau contemplatif. On y étouffe la liberté, dignité essentielle de l’homme. Sa maîtrise est une gageure – peut-être le plus grand défi pour notre jeunesse.

 

Clémentine Jallais