France : la société Kallistem affirme avoir réussi à créer des spermatozoïdes humains à partir de cellules testiculaires immatures

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Kallistem, société de biotechnologie basée à Lyon, affirme avoir réussi à créer des spermatozoïdes humains à partir de cellules testiculaires immatures : cette technique permettrait d’envisager de nouveaux traitements pour la stérilité masculine, rapporte La Croix.
 
L’information est intéressante à deux titres : en elle-même, évidemment, mais aussi dans la manière dont elle est traitée par La Croix. La « quotidien des évêques » ne considère pas les problèmes éthiques que soulève cette manière d’envisager le traitement de la stérilité du point de vue catholique, ne faisant appel qu’à une seule « autorité », celle du Pr Israël Nisand, chef du pôle de gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg et créateur du Forum européen de la bioéthique. Le Pr Nisand est un ardent défenseur de la contraception gratuite pour les mineures et d’un meilleur accompagnement des femmes dans le cadre des « interruptions médicales de grossesse » réalisées sur les fœtus « non-conformes » à n’importe quel stade de leur développement…
 
L’avancée revendiquée par Kallistem consiste en l’obtention de « spermatozoïdes complets » à partir de cellules germinales immatures prélevées lors de biopsies, au moyen d’une technique qui met en jeu un bioréacteur spécial, et qui exige un délai de 72 jours pour sa réalisation. Philippe Durand et Marie-Hélène Perrard ont semble-t-il annoncé leur succès au médias avant même d’avoir publié leurs travaux pour « doubler » une autre équipe qui serait sur le point de publier des résultats similaires. D’importants intérêts financiers sont en jeu, forcément.
 

Kallistem promet des thérapies innovantes grâce la création de spermatozoïdes

 
Quoi qu’il en soit, Isabelle Cuoc, PDG de Kallistem, y voit la promesse de « thérapies innovantes » à l’heure où dans le monde « on a observé depuis 50 ans une baisse de 50 % du nombre de spermatozoïdes ». Par ailleurs, si le nombre d’hommes possédant des cellules germinales mais qui ne produisent aucun spermatozoïde est petit à l’échelle mondiale – on évalue leur nombre à 120.000 – la technique qui peut leur venir en aide a aussi son intérêt pour des garçons ou des hommes soumis à des traitements anti-cancéreux stérilisants. Chez les uns comme chez les autres, il suffirait de prélever les cellules germinales immatures et éventuellement de les conserver en vue d’une paternité ultérieure.
 
L’intérêt, selon les développeurs, est d’éviter le recours au don de sperme pour venir en aide aux couples infertiles du fait d’une telle stérilité masculine et de leur permettre d’obtenir des enfants biologiques du père et de la mère.
 
Le Pr Nisand, rapporte La Croix, estime que la technique ne pose aucun problème éthique : « Je pense même que c’est plutôt un progrès en ce sens qu’un homme qui ne peut avoir d’enfants pourra, grâce à cette technique, éviter de faire appel à un don anonyme de sperme, une démarche qui n’est pas facile pour beaucoup d’hommes désireux d’avoir une descendance. Avec la fabrication de spermatozoïdes, puis leur fécondation avec un ovocyte de la mère, il y a un rappariement des chromosomes, ce qui donne naissance à un être humain unique. »
 
Comme si l’on pouvait créer des êtres humains qui ne seraient pas « uniques »…
 

Prélever des cellules testiculaires immatures pour créer des spermatozoïdes : la France pionnière ?

 
Mais ce qui ne semble inquiéter personne, c’est que la technique suppose une fécondation in vitro, et même la forme la plus contestée de la fécondation in vitro, celle qui se fait par la micro-injection d’un spermatozoïde dans l’ovule prélevé sur la femme.
 
Sur le plan médical, la fécondation in vitro, on le sait, produit des enfants plus fragiles que la fécondation naturelle ; et les problèmes sont encore plus nombreux dans le cadre de la fécondation par micro-injection qui ne permet pas la « compétition » des spermatozoïdes dont un seul – le « meilleur » ? – gagne la course dans le cadre de la conception normale.
 
Mais si La Croix ne pointe pas cet inconvénient, purement médical mais aux répercussions éthiques évidentes, elle parle encore moins de l’interdit de l’Eglise sur les fécondations artificielles, à vrai dire mal compris, et que la hiérarchie catholique en France évite en général soigneusement de rappeler.
 

Combattre la stérilité par des spermatozoïdes « fabriqués » en vue de fécondations “in vitro” ?

 
L’instruction Donum vitae de la Congrégation pour la doctrine de la Foi avait souligné que le remplacement de l’acte conjugal qui est le cadre normal pour susciter une nouvelle vie par une technique qui en est par nature dissociée n’est pas conforme au plan de Dieu pour l’homme. Et ce n’est pas seulement parce que cette technique va le plus souvent de pair avec des destructions d’embryons. Ni même parce que, lorsqu’on a recours à un don de sperme, l’enfant qui en résulte est « adultérin », sans lien biologique avec son père.
 
L’Eglise juge en effet immorale jusqu’à la « fécondation artificielle homologue » – in vitro ou par insémination artificielle – entre époux, au motif du « lien indissoluble que Dieu a voulu, et que l’homme ne peut rompre de sa propre initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal : union et procréation ». « Il n’est jamais permis de séparer ces divers aspects au point d’exclure positivement soit l’intention procréatrice, soit le rapport conjugal », rappelle Donum vitae, citant ici Humanae vitae et Pie XII.
 
Et l’instruction conclut :
 
« L’origine d’une personne est en réalité le résultat d’une donation. L’enfant à naître devra être le fruit de l’amour de ses parents. Il ne peut être ni voulu ni conçu comme le produit d’une intervention de techniques médicales et biologiques ; cela reviendrait à le réduire à devenir l’objet d’une technologie scientifique. Nul ne peut soumettre la venue au monde d’un enfant à des conditions d’efficacité technique mesurées selon des paramètres de contrôle et de domination.
 
« L’importance morale du lien entre les significations de l’acte conjugal et les biens du mariage, l’unité de l’être humain et la dignité de son origine, exigent que la procréation d’une personne humaine doive être poursuivie comme le fruit de l’acte conjugal spécifique de l’amour des époux. Le lien existant entre procréation et acte conjugal se révèle donc d’une grande portée sur le plan anthropologique et moral, et il éclaire les positions du Magistère à propos de la fécondation artificielle homologue. »

 
Il est vrai que ces paroles peuvent paraître dures, exigeant un véritable héroïsme de la part de couples qui souffrent de leur stérilité et qui ne peuvent accepter les « solutions » que la médecine leur présente déjà et qu’elle développe de plus en plus.
 
Mais leur témoignage d’attachement indéfectible au plan de Dieu et à l’enseignement de l’Eglise est aussi un refus radical des manipulations de l’homme auxquelles tend le transhumanisme en marche.
 

Anne Dolhein